Célébration de Yennayer, Nouvel an Amazigh : Assegaz Amegaz, et bonne année 2965

Célébration de Yennayer, Nouvel an Amazigh : Assegaz Amegaz, et bonne année 2965

Durant des décennies, il me semblait que cette célébration de la fête de Yennayer était restreinte et furtive à la fois; en fait, on n’en parlait peu dans les médias de l’époque ; c’était presque un tabou sur le plan officiel, bien que cette tradition soit célébrée, spontanément, par des pans entiers de notre société, presque partout en Algérie, et aussi dans les autres pays du Maghreb. Plus tard, et avec l’avancée démocratique, des voix et des plumes commençaient à rendre publique cette tradition identitaire et ancestrale de notre pays. Petit à petit, les Algériens découvrent leur histoire et certaines de leurs coutumes.

Cet évènement, nommé « Laadjouza » par certains, « Tamghart » (la vieille), « Edderaz » par d’autres, à travers les temps, est de nos jours célébré aux quatre coins du pays, mais cette fête demeure non officielle. Depuis quelques années, le HCA (Haut Comité à l’Amazighité), instance de l’Etat, œuvre pour la reconnaissance et l’officialisation de Yennayer, et demande à ce que cette journée soit fériée.

Pour en savoir plus sur cette fête de Yennayer, célébrée dans toute l’Afrique du nord, de la région de Siwa, Ouest de l’Egypte, jusqu’aux iles Canaries, dans l’Atlantique, je vous invite à prendre connaissance de cet évènement ancestral, à travers les écris suivants :

Yennayer est le premier jour de l’an du calendrier agraire utilisé depuis l’antiquité par les Berbères à travers l’Afrique du Nord. Il est célébré, traditionnellement, le 12 janvier de chaque année, qui correspond au premier jour de janvier du Calendrier julien, décalé par rapport au calendrier grégorien que nous utilisons universellement de nos jours. En 1968, l’Académie berbère a proposé de créer une «ère berbère» tout comme il existe une ère chrétienne et une période islamique, et a fixé comme an zéro du calendrier berbère les premières manifestations connues de la civilisation berbère, au temps de l’Égypte ancienne, lorsque le roi numide Chachnaq 1er, fondateur de la 22e dynastie égyptienne, prit le trône et devint pharaon en Égypte. Avant d’envahir la Palestine, il réunifia l’Égypte en l’an 950 avant Jésus.-Christ. Et il s’empara de l’or et des trésors du temple de Salomon à Jérusalem (actuelle El Qods).

Yennayer est composé de mots amazigh : yen, yiwen (premier ou un) et ayer, agur (lune, mois ). On pourrait de même rapprocher son nom au mois de Janvier ; yennayer ou ennayer serait la forme nord-africaine de ce mois ouvrant une nouvelle année. C’est une fête très répandue, à travers toutes les régions de l’Algérie où elle est considérée comme une célébration nationale. Cette fête est aussi fêtée parmi les autres communautés nord-africaines. Le repas, préparé pour la circonstance, est assez copieux et différent du quotidien. Les rites sont effectués d’une façon symbolique. Ils sont destinés à écarter la famine, augurer l’avenir, consacrer le changement et accueillir chaleureusement les forces invisibles auxquelles croyaient les Berbères, les gardiens des lieux (Iassassen). Pour la préparation de « Amensi n yennayer » (le diner de Yennayer), le berbère utilise la viande de la bête sacrifiée (asfel), souvent de la volaille, mélangée parfois à la viande séchée (achedluh ou Aqadidh) pour agrémenter le couscous, élément fondamental de l’art culinaire berbère. Le plus aisé affiche sa différence. Il sacrifie une volaille par membre de la famille. Le coq est pour l’homme (sexe masculin) et la poule pour la femme (sexe féminin). Un coq et une poule sont attribués à la femme enceinte dont l’espoir qu’elle n’accouche pas d’une fille qui était, hélas, souvent mal accueillie au sein du système patriarcal de certaines tribus. Dans l’univers culturel berbère, un drame mythique marqua, de sa forte empreinte, yennayer. Des histoires légendaires sont différemment contées au sujet d’une vieille femme. Chaque contrée et localité ont leur version. Les Kabyles disaient qu’une vieille femme, croyant l’hiver passé, sortit un jour de soleil dans les champs et se moquait de lui. Yennayer mécontent emprunta deux jours à furar (février) et déclencha, pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille femme. Chez les At-Yenni, la femme fut emportée en barattant du lait. Chez les Ath Fliq, il emprunta seulement un jour et déclencha un grand orage qui transforma la vieille femme en statue de pierre et emporta sa chèvre. Ce jour particulier est appelé l’emprunt (Amerdil). Le berbère le célèbre chaque année par un diner de crêpes. Le diner de l’emprunt (Amensi umerdil) fut destiné à éloigner les mauvais esprits.

A Azazga et à Béjaïa, la période de la vieille (timgharin) durait sept jours. Le mythe de la vieille exerçait une si grande frayeur sur le paysan berbère au point que celui-ci est contraint à ne pas sortir ses animaux durant tout le mois de yennayer. Les jours maléfiques furent adaptés à l’organisation hebdomadaire des marchés dans les villages. Cette répartition du temps de la semaine est encore d’actualité. Chaque commune possède son jour de marché. Pour l’esprit rationnel le tabou de ne pas sortir les animaux s’explique plutôt par l’utilisation de la bête comme source de chaleur pour la famille durant le mois le plus froid de l’année.

Le mythe de la vieille marqua, d’ouest en est, les régions berbérophones. À Fès (au Maroc), lors du repas de yennayer, les parents brandissaient la menace de la vieille si leurs enfants ne mangeaient pas à satiété : «la vieille de yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille». En Libye, «Imma Meru» était une vieille femme, laide, redoutée malfaisante. Elle viendra griffer le ventre des enfants qui ne mangeaient pas des légumes verts durant la nuit du dernier jour de l’année, disaient les parents. Pour permettre aux jeunes pousses d’aller à maturité, l’interdit de les arracher s’applique par «Imma Meru a uriné dessus». Étant conté différemment, dans la quasi-totalité des régions berbérophones, le drame légendaire de la vieille de Yennayer a le même support culturel.

Des traditions berbères liées au changement de l’année se retrouvent dans plusieurs régions d’Afrique, voire du bassin méditerranéen. Elles s’apparentent parfois à de la superstition, néanmoins elles participent à la socialisation des personnes, harmonisent et renforcent le tissu culturel. Des peuples d’identités différentes, considèrent les divers rites de Yennayer faisant partie intégrante de leur patrimoine culturel. Cette année, et ce lundi 12 janvier 2015, on fête «Amenzu n Yennayer 2965», Assegaz Amegaz .