Cette région compte parmi les 10 communes des Ziban qui vont bénéficier d’une indication géographique labellisée (IGL) pour leur production de dattes
D’abord réticent à voyager pendant le mois du jeûne, un beau matin, vous vous décidez à honorer l’invitation d’un ami habitant la commune de Bordj Ben Azzouz.
Vous allez faire un beau voyage, mais vous ne le savez pas encore. Les appels téléphoniques répétés de votre hôte ont fini par générer en vous de la gêne et c’est sans grand enthousiasme, et éreinté par les rigueurs aoûtiennes, mais mu par votre sens de l’amitié et de la bienséance, que vous vous retrouvez, en ce Ramadhan, sur la RN 46, en direction du sud-ouest de la wilaya de Biskra.
À 41 km du chef-lieu de celle-ci, située au cœur des Ziban, vaste région plantée de millions de palmiers dattiers produisant les meilleures dattes du monde et faisant la richesse de la wilaya de Biskra, Bordj Ben Azzouz est une commune de la daïra de Tolga qui est essentiellement phoenicicole.
Comptant 12 702 habitants dont 4 332 vivent dans des habitations rurales ou des fermes disséminées sur un territoire de 23,4 km2, elle a bénéficié au même titre que beaucoup d’autres communes de projets importants initiés dans le cadre des différents plans de développement qui en ont fait, en quelques années, «un coin tranquille où il fait bon vivre», selon les dires de ses propres habitants.
Un fait, assez rare pour être signalé, est que les habitants de cette commune ne souffrent pas du problème de l’alimentation en eau potable. Les routes sont neuves et le village est propre. Constellés de hameaux ancestraux et de douars en terre de pisée qui sont devenus des communes et pour d’autres des sièges de daïra, les Ziban essayent de rattraper un retard considérable en matière d’infrastructures de base.
Bordj Ben Azzouz est un centre semi-urbain doté d’une polyclinique et d’un centre de soins à Sidi Kbelçi, de 4 écoles primaires, d’un CEM et d’un lycée, lesquels ont respectivement comptabilisé pour l’année scolaire écoulée: 364, 1 026 et 394 élèves.
La construction d’une bibliothèque et la réfection du stade de football sont planifiées pour cette année. Environ 80 % de la population vit de la datte. En discutant avec les gens, vous vous rendrez compte très vite que dans cette région, le palmier-dattier n’est pas considéré comme les autres arbres. Il est l’élément central autour duquel s’organise toute la vie des habitants des oasis. Il détermine le rythme des jours, des saisons et des années. Il charrie les espoirs de prospérité et de sécurité alimentaire.
Le ministère de l’agriculture ne s’est pas trompé en incluant Bordj Ben Azzouz dans la liste des 10 communes des Ziban qui vont bénéficier d’une indication géographique labellisée (IGL) pour leur production de Deglet Nour.
Environ 80 % de la population vit de la datte
Un producteur de dattes, rencontré au hasard d’une promenade dans les palmeraies, expliquera que «si l’Etat veut vraiment développer ce créneau, il est d’abord nécessaire d’aider les agriculteurs à multiplier par dix le nombre de palmiers plantés. Avant de prétendre à vouloir exporter ou entreprendre des opérations de labellisation ou d’IGL pour les dattes, il faut d’abord avoir une production conséquente.
La datte est chère car elle est rare. Quelle est l’unité de conditionnement de dattes qui peut se targuer d’offrir du travail à ses employés toute l’année ?» Abondant dans le même sens un autre ajoutera: «Il ne faut incriminer ni la filière tunisienne, ni la spéculation, ni les chambres froides, ni le troc qui est une pratique disparue depuis les années 1970 pour expliquer le manque de datte; la production est trop faible pour répondre au marché, tout simplement.»
Avec ses conditions climatiques et édaphiques idéales pour le palmier-dattier, la wilaya de Biskra, et plus précisément la région des Ziban ouest où il a été identifié plus de 300 cultivars de palmiers-dattiers, dont 80, y compris la Deglet Nour, font l’objet d’une opération de caractérisation et de classement effectuée par les services techniques de la DSA, recèle un potentiel qui n’attend qu’a être exploité.
«Ce fruit, conformément aux recommandations prophétiques, est consommé pour rompre le jeûne durant le mois de Ramadhan mais aussi toute l’année. Il compose l’ordinaire de tout Oasien.
Il a permis aux moudjahidine de la Révolution algérienne d’échapper à la famine, aux caravaniers de traverser les immensités sahariennes et aux populations de la région de se prémunir contre les affres de la misère.
Il renferme les forces réunies de la terre, de l’eau et du soleil», vous dira-t-on, avant d’ajouter que «la datte est un autre don d’Allah aux hommes.»
Alors ! Vous voulez visiter les Ziban et ses palmeraies le temps d’un après-midi qui restera inoubliable ? Votre enchantement s’installera dès Aïn Bennaoui qui apparaîtra soudainement au détour d’un long virage à 7 km de Biskra. L’horizon y est accaparé par une frange de verdure.
Quand les palmes peignent l’azur
C’est une rangée de palmiers à la houppe si caractéristique. Dandinant sous les effets d’un agréable souffle chaud arrivant du sud, les palmes semblent vouloir peigner l’azur pour le débarrasser de quelques restes de nuages cotonneux.
A El Hadjeb, vous vous arrêterez pour acheter des figues et des dattes à la robe jaune et brun appelées M’nagar; des dattes précoces, succulentes et raffinées, que des enfants exposent sur des étals improvisés à l’ombrage des palmiers bordant la bande d’asphalte.
Vous traverserez Bordj Enous, Oued Zerari, Aïn Karma. En arrivant au niveau de la commune de Bouchagroune, soit à 24 km de Biskra, vous abandonnerez la nationale qui mène jusqu’à Bousaâda.
Elle passe par des collines qui escamotent la beauté des vergers croissant sous les palmiers et privent les voyageurs du parfum de résine vanillée embaumant l’air en cette période de mûrissement des dattes. Pour sentir la magie des Ziban, voir l’œuvre miraculeuse de la nature et humer les odeurs de la terre, il vaut mieux prendre l’ancienne «Route de Tolga» qui traverse Bouchagroune. Vous serez subjugués.
De part et d’autre de la route, des milliers de palmiers-dattiers jalonnent le parcours. Sans avertissement, arrivera Lichana et, seulement quelques kilomètres plus loin, un carrefour.
Bordj Ben Azzouz est à 4 km de là, sur la gauche. Tirant son nom de la dynastie des Azzouz qui firent de cet oasis, vers l’an 1660, un relais important pour les caravanes et les pèlerins en partance pour la Mecque, Bordj Ben Azzouz est constituée de deux noyaux urbains noyés dans une forêt de palmiers.
D’anciens murets en «toub» bordent les palmeraies où règne une ambiance de travail calfeutrée. Une armée de travailleurs agricoles s’affaire dans un silence impressionnant. A la vue de tant de beauté et de grâce émanant des palmiers et des hommes leur prodiguant des soins, vous aurez l’impression de rentrer dans un monde à part.
Celui des fellahs des Ziban, des producteurs de dattes, des hommes rudes en apparence, en harmonie avec leur environnement, grégaires et peu expansifs, ayant acquis un savoir-faire inestimable dans le domaine de la phoeniciculture. Si vous décidez de faire une virée dans les Ziban, ils prendront le temps de vous expliquer leur métier et ce qui est nécessaire de faire pour le développer.
Hafedh Moussaoui