Alors que les émeutes continuent d’embraser le pays, alors qu’on annonce officiellement le décès de trois personnes, ni le chef de l’Etat ni son Premier ministre ne se sont exprimés sur les événements. Pour tenter d’enrayer la contestation sociale, le gouvernement annonce une série de mesures pour faire face à la hausse des prix de consommation. Autant dire administrer de l’aspirine à un cancéreux.
Devant cette flambée de violence et cette fronde de la jeunesse algérienne, le chef de l’Etat ainsi que son Premier ministre gardent le silence alimentant ainsi les rumeurs d’une divergence au sommet du pouvoir.
Si ce silence s’explique par des divergences au sommet de l’Etat sur la manière dont il convient de gérer cette crise, il n’est pas moins révélateur d’une autre crise, encore plus grave celle-ci, qui oppose le pouvoir à une partie de la population.
C’est qu’en dépit de la gravité des événements, malgré l’ampleur de la contestation, en dépit encore du nombre de morts et des actes de destructions et de sabotages, le président Bouteflika s’est gardé de la moindre déclaration, de la moindre apparition publique. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, lui n’en fait pas moins.
Le pays est à feu, Bouteflika et Ouyahia se taisent. Se terrent. Des jeunes meurent, les policiers sont au bord de l’épuisement, des édifices publics sont saccagés, tout un peuple est en émoi, sous le choc, le chef de l’Etat, son Premier ministre font l’autruche. Comme s’il s’agissait d’une petite jacquerie. Comme s’il s’agissait d’une petite poussée d’acné de la part de jeunes pour qui il ne manque plus qu’un petit bidon d’huile, un kilo de sucre pour être heureux.
Et comment Bouteflika et son Premier ministre s’y prennent-ils pour répondre à la révolte? Ils annoncent des petites mesures économiques.
Les décisions prises samedi soir par le gouvernement pour tenter de mettre fin à la hausse des produits de première nécessité s’apparentent davantage à des mesurettes techniques face à un problème éminemment politique. Du rafistolage. Du collage de rustines.
Cette réaction des autorités algériennes est d’autant plus inefficace qu’elle occulte les vraies raisons à ce qui s’apparente à un soulèvement populaire qui tire ses origines d’un profond malaise social.
C’est que ces émeutes sont davantage une remise en cause du pouvoir algérien par sa jeunesse, davantage l’expression d’un ras-le-bol généralisé- à preuve les manifestants s’attaquent et détruisent tout ce qui symbolise l’Etat – mairies, daïras, tribunaux, commissariats, brigades de gendarmeries -, qu’une révolte de la faim.
Non ! Ceux qui manifestent dans les rues, ceux qui défient la police et la gendarmerie, ceux qui acceptent aujourd’hui de mourir sous les balles, ne réclament pas la suspension de la TVA, une exonération de l’IBS, une suspension des droits de douanes sur le sucre ou l’huile, mais ils se rebellent plutôt contre l’Etat, contre ses représentants, contre son président, ces ministres, ces maires, ces walis, ces députés, ces juges, ces policiers ou ces gendarmes.
A preuve encore, il n’y a pas un seul mot d’ordre, pas une seule revendication, pas un seul slogan qui n’ait été prononcé durant ces quatre jours d’émeutes. Il n’y en aura pas sans doute tant il est vrai que ces émeutes ne sont pas celles du sucre ou de l’huile, mais des émeutes contre l’ordre établit par le pouvoir algérien.
Ces qui se révoltent aujourd’hui en Algérie ne revendiquent pas de l’huile, de la margarine, du sucre, de la farine, mais la démocratie.