L’Algérie fait face, depuis trois ans, à la situation la plus dangereuse de son existence même en tant qu’Etat, depuis la diminution du péril terroriste, à savoir la multitude de foyers de tension à ses frontières.
A l’exception de nos côtes maritimes, au nord du pays, aucune autre parcelle de nos zones frontalières n’est tout à fait sécurisée, de façon bilatérale, avec aucun de nos voisins.
Avec une Libye complètement éclatée, un Mali désormais réduit à l’état d’un vaste territoire que se disputent différents groupes armés, un Niger, une Mauritanie et une Tunisie trop faibles militairement pour sécuriser de vastes territoires et assurer leur propre sécurité intérieure, c’est déjà très préoccupant comme situation.
Si l’on y ajoute un Maroc franchement hostile et qui ne lésine sur aucun moyen pour tirer cyniquement profit de la situation, l’on est bien édifié sur l’ampleur du péril. Un péril multiple en plus : terrorisme, trafic d’armes, de drogues, de carburants etc, immigration clandestine et massive avec ses nuisances «dérivées» sur les plans économique, sanitaire et sécuritaire, il va sans dire que l’Algérie n’est plus qu’un îlot dans un océan agité et menaçant. En somme, voilà où nous en sommes.
Or, comment est gérée une telle situation, au plus haut niveau de l’Etat ? Bien évidemment, sur le front et de manière directe, c’est l’armée qui prend les choses en main, à travers l’état-major. Mais, au plan politique, le flou est total. Abdelaziz Bouteflika avait, rappelons-le, basé toute sa campagne pour la dernière présidentielle sur cette affaire-là, c’est-à-dire «la stabilité ». Mais ce qui ne gâte rien, c’est son état de santé.
Chef suprême des forces armées selon la Constitution, Bouteflika est aussi ministre de la Défense nationale. Ce cumul et ce souci de ne jamais lâcher les commandes de l’armée, qu’il a hérités de Boumediène, Bouteflika l’exerce depuis son accession au pouvoir.
Certes, Zeroual aussi l’avait fait avant lui, mais c’était dans une conjoncture particulière et, finalement, «l’exception Nezzar», le seul ministre plein de la Défense, sous Chadli n’aura été qu’une parenthèse depuis le 19 juin 1965. Bouteflika, très jaloux de ses prérogatives, «je ne serai jamais un trois quart de président », ne cessait-il de proclamer dès les premiers jours de sa présidence, ne fera, sur ce plan, qu’une concession de pure forme, et dans quelles circonstances !
A son retour du Val-de-Grâce, après un AVC dévastateur qui le contraint toujours d’ailleurs à une longue convalescence, il désignera un vice-ministre de la Défense dans le gouvernement Sellal. Le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd-Salah cumule ainsi depuis septembre 2013, cette fonction gouvernementale avec celle de chef d’état-major, Bouteflika n’en gardant pas moins les siennes précédemment citées. Dans la pratique, Bouteflika déléguera à son vice-ministre quelques prérogatives purement administratives.
Du moins, qui ne sont pas de nature à remettre en cause les rapports de force, ni les équilibres imposés depuis 1999. Depuis l’été 2013, les Algériens ont fini par être habitués aux auditions fréquentes qu’accordait Bouteflika , de manière alternative, à Gaïd Salah et à Abdelmalek Sellal. Des auditions qui étaient à chaque fois largement médiatisées par les services de la Présidence. Et à chaque fois qu’il s’agissait de Gaïd Salah, il était systématiquement et même exclusivement question de la sécurité à nos frontières.
Ce qui est du reste tout à fait normal. Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la cessation «subite» de ces rencontres bilatérales entre les deux hommes depuis plusieurs mois. La dernière rencontre du genre de Bouteflika remonte à début juin. Il recevait ce jour-là, Ouyahia, Sellal et Belkhadem. Comment alors est géré ce problème qui touche directement à la sécurité nationale entretemps ?
Ou alors, le quatrième mandat désormais acquis, Bouteflika a-t-il jugé utile de revenir au fonctionnement classique en ce genre de situation, à savoir des réunions sécuritaires, comme celle du Conseil national de sécurité, qui ne sont jamais médiatisées ?
K. A.