Les partis islamistes en Algérie n’ont pas réussi à ravir la direction du pays à la majorité au pouvoir lors des élections législatives du 10 mai. L’Algérie reste donc une exception à la « vague verte » qui a porté au pouvoir des partis islamistes en Tunisie, au Maroc et au-delà.
Selon les premiers résultats sortis des urnes vendredi 11 mai, le Front de libération nationale (FLN) a presque obtenu la majorité absolue, avec 220 sièges. Toutes composantes confondues, les partis islamistes n’ont pu décrocher que 59 sièges.
« Le peuple avait émis un vote-sanction en 1992, en excluant le FLN au profit du Front islamique du salut (FIS) », a déclaré samedi le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia. « Aujourd’hui, le peuple a fait un vote-refuge, au regard des risques qui planent sur la stabilité du pays. »
Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, a exprimé sa grande satisfaction après cette victoire. « Le parti va tisser des alliances au sein du parlement », a-t-il dit, pour empêcher le retour à un système de parti unique.
Chez les partis islamistes, qui attendaient depuis longtemps une victoire, les réactions ne sont pas si optimistes.
L’Alliance Algérie verte a qualifié les résultats de ce scrutin de « manipulation à grande échelle », et déclaré qu’elle tiendra le Président pour entièrement responsable de toute fraude avérée.
Abdallah Djaballah, membre du Front pour la justice et le développement (FJD), a immédiatement condamné le vote de jeudi, parlant de « pièce de théâtre électorale ». Ce dimanche, il a adopté un ton plus menaçant, expliquant à l’AFP que « les jeux étaient faits d’avance ».
« L’option tunisienne est la seule option restante pour ceux qui croient au changement », a-t-il déclaré.
Le FJD menace également de se retirer du parlement après avoir remporté seulement sept des 462 sièges à pourvoir.
Abdelmadjid Menasra, du Front pour le changement, a estimé que « ce qui s’est passé le 10 mai est plus grand que la fraude », expliquant que « tout était faux dès le départ ». Les partis islamistes n’ont pas réussi à rallier les électeurs sur leurs programmes, a-t-il expliqué, en refusant toutefois d’accepter cette défaite.
L’ancien FIS a réagi à cette élection à travers un communiqué signé par ses deux leaders, Abassi Madani et Ali Belhadj. « Les élections législatives illustrent l’aggravation de la crise de confiance entre le peuple algérien et un régime corrompu », ont-ils écrit.
Ces résultats ont été un coup rude pour les partis islamistes, qui misaient sur l’effet de contagion du Printemps arabe en Algérie.
Pour l’analyste Mounir Boudjemaa, ce scrutin marque le déclin de l’islamisme politique en Algérie.
« L’Alliance verte a été victime de ses propres contradictions », a-t-il expliqué à Magharebia. « Comment un parti comme le MSP (Mouvement pour la société de la paix), qui était au gouvernement et avait décidé à la dernière minute de passer dans l’opposition, peut-il rester au gouvernement ? Ce n’est pas crédible aux yeux de l’opinion publique. »
« Ce qui s’est passé lors du Printemps arabe a influencé les Algériens, mais pas forcément comme le monde extérieur l’entendait », a expliqué le politologue Noureddine Hakiki.
« En Egypte, en Libye… il y a eu le changement, mais il a pris la forme de la régression et du désordre. Les Algériens ne cherchent pas l’insécurité, ils veulent la stabilité », a-t-il précisé.
Avant d’ajouter : « On a eu notre islamisme, on ne peut pas oublier cette période. Chacun a été touché dans sa chair par la guerre, c’est une parenthèse que cette génération ne veut pas rouvrir. »
Le bon déroulement de ce scrutin a été salué par les observateurs internationaux dépêchés sur place. La communauté internationale s’est unanimement félicitée de l’absence d’incidents majeurs et de l’élection de cent vingt femmes au parlement.