Vent de racisme sur l’Italie, La chasse aux immigrés prend de l’ampleur

Vent de racisme sur l’Italie, La chasse aux immigrés prend de l’ampleur

Un footballeur italien traité de "nègre de merde", des annonces immobilières qui stipulent "Pas d'animaux, pas d'étrangers", des immigrés agressés la nuit du Nouvel An: les comportements xénophobes se banalisent en Italie, certains évoquant même un "racisme institutionnel". Photos //www.lepoint.fr

Au moins neuf immigrés ont été blessés, hier vendredi, dont deux grièvement, lors d’une véritable chasse aux étrangers menée par des habitants de Rosarno, en Calabre, dans le sud de l’Italie, au lendemain de manifestations d’immigrés qui avaient dégénéré en affrontements avec la police.

Au total, selon le préfet de Reggio di Calabria, le bilan des violences depuis jeudi dans cette ville est de 38 blessés : 20 étrangers et 18 policiers. Selon l’agence de presse italienne Ansa, une centaine d’habitants armés de bâtons et de barres de fer ont érigé des barricades, notamment près d’un local où se trouvaient de nombreux immigrés.

Certains charriaient des bidons d’essence et des massues. D’autres ont décidé d’occuper la mairie de Rosarno «jusqu’à ce que les immigrés soient éloignés». «Qu’ils s’en aillent, il faut qu’ils aient peur», a déclaré à la télévision un jeune habitant de la ville. Il faut dire que les attaques à caractère raciste sont banalisées ces derniers temps en Italie. Suite à ces incidents, le président de la République, Giorgio Napolitano, a lancé dans la soirée un appel à «arrêter sans délai toute violence».

Un «important contingent de policiers a été envoyé pour assurer un meilleur contrôle du territoire et garantir la sérénité à toute la population présente», a annoncé le chef de la police, Antonio Manganelli.

A 1h00 locale, aujourd’hui (0h00 GMT), neufs cars transportant environ 300 immigrés ont quitté la zone de la «Rognetta», une des structures où étaient hébergés les immigrés et d’où était partie la révolte de jeudi soir.

Escortés par la police et les carabiniers, ils devaient être transférés dans un centre d’accueil d’urgence à Crotone, à environ 170 km de là. Selon Ansa, ce transfert s’est déroulé sans incident ou résistance de la part des immigrés et les forces de l’ordre sont restées sur place afin d’éviter que des étrangers ne reviennent ou que les habitants de Rosarno ne mettent le feu aux installations. Un autre groupe d’environ 500 immigrés restait dans une autre structure de Rosarno où le calme semblait revenu dans la nuit.

Ces incidents sont survenus après une manifestation, jeudi soir, de plusieurs centaines d’ouvriers agricoles, pour la plupart employés illégalement dans la région, pour protester contre l’agression de plusieurs d’entre eux, cibles de tirs de fusils à air comprimé.

R. I. / AFP

Renversés volontairement par des voitures l Au moins cinq immigrés ont été volontairement renversés par des voitures conduites par des habitants italiens de Rosarno en Calabre (sud), au lendemain de manifestations d’immigrés qui avaient dégénéré en affrontements avec la police. Dans un cas, les auteurs de l’agression ont été arrêtés par les carabiniers. Les incidents seraient intervenus près de barrages érigés par des habitants. Un peu plus tôt dans la soirée, deux autres immigrés avaient été blessés par balles aux jambes. Selon un carabinier de Gioia Tauro, les deux hommes ont été atteints alors qu’ils se trouvaient sur la route. Ils vivaient dans une ferme abandonnée près de Rosarno.

Un racisme institutionnel l Pour Piero Soldini, responsable immigration au Cgil, le plus grand syndicat italien, tous ces propos relèvent d’un «racisme institutionnel et d’une banalisation des propos racistes» qui «produisent un racisme populaire et toléré au sein de la société». Ainsi dans les stades, après les cris de singe saluant les joueurs noirs, des supporteurs de la Juventus de Turin ont traité de «Nègre de merde» l’attaquant de l’Inter de Milan, Mario Balotelli, Italien d’origine ghanéenne, scandant : «Il n’y a pas de Noirs italiens.» Et dans la presse, paraissent tous les jours des dizaines d’offres de location à caractère xénophobe, comme «Pas d’animaux, pas d’étrangers», ou encore «Italiens uniquement, pas de Chinois».

Deux autres grièvement frappés à coups de barres de fer l Deux immigrés ont été grièvement blessés à coups de barre de fer hier, vendredi, à Rosarno, en Calabre (sud de l’Italie), a annoncé le préfet de Reggio Calabria. L’un d’entre eux a dû subir une intervention chirurgicale et se trouvait dans la soirée dans un service de neurochirurgie à Reggio Calabria, la capitale de la province.

Ils sont 50 000 à vivre dans les pires conditions l Selon le principal syndicat italien, Cgil, environ 50 000 travailleurs immigrés vivent en Italie dans des logements insalubres similaires à ceux de Rosarno. Les ouvriers agricoles passent en effet d’une région à l’autre au fil des saisons et du type de produits à récolter. En ce moment en Calabre et Sicile, c’est la période des agrumes (clémentines, oranges). La Cgil a dénoncé l’emprise de la mafia surtout dans le sud de l’Italie sur ces immigrés massivement employés dans l’agriculture, qui représentent «une main-d’œuvre à bas coût», payée autour de 25 euros par jour. Le syndicat a critiqué le discours sécuritaire du ministre Maroni, soulignant que ces immigrés «touchent des salaires de misère, ont des horaires épouvantables, équivalant à l’esclavage».

«Pas d’étrangers ni d’animaux !» l Un footballeur italien traité de «nègre de merde», des annonces immobilières qui stipulent «Pas d’animaux, pas d’étrangers», des immigrés agressés la nuit du Nouvel an : les comportements xénophobes se banalisent en Italie, certains évoquant même un «racisme institutionnel». «La situation se dégrade. Tous les jours, un noir se fait tabasser. On ne peut pas continuer comme ça», explique à l’AFP Gian Antonio Stella, journaliste spécialisé dans les mouvements de droite.

Parmi les derniers exemples relevés, la nuit de la Saint-Sylvestre: un Ethiopien tabassé à Florence (centre), parce que son amie protestait contre des jets de pétards, et un Egyptien frappé aux cris de «pédé de merde», selon l’organisation Arcigay. Quelques jours plus tôt, c’était le «Noël blanc» organisé par un maire de la Ligue du Nord, parti anti-immigrés membre de la coalition de droite au pouvoir, qui défrayait la chronique. L’opération visait à recenser les étrangers de Coccaglio (3 000 habitants) et à dénoncer les clandestins en préfecture.

Des responsables de la Ligue du Nord ont également proposé de réserver des wagons de train ou des prestations sociales aux Italiens. «La Ligue est décidée à exploiter le sentiment d’insécurité vis-à-vis de l’immigration», commente Sergio Romano, éditorialiste du quotidien Corriere della Sera. «Comme Silvio Berlusconi a besoin du soutien de la Ligue, elle peut dire tout ce qu’elle veut.» Le chef de la Ligue Umberto Bossi a qualifié les Noirs de «Bingo Bongo» à plusieurs reprises, relève M. Stella, en rappelant ce film de 1982 où Adriano Celentano incarne un homme-singe.

Le HCR dénonce l Le HCR s’est dit très préoccupé, hier vendredi, d’un risque de «chasse aux immigrés» à Rosarno en Calabre, dans le sud de l’Italie, après une manifestation d’immigrés majoritairement africains qui a dégénéré en affrontements avec la police jeudi soir. «Nous sommes très préoccupés face à la situation à Rosarno et à la tension qui reste forte aujourd’hui», a déclaré à l’AFP la porte-parole de l’antenne italienne du Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés, Laura Boldrini. Annonçant une mission du HCR sur place dès aujourd’hui, samedi, elle a dit s’inquiéter du «risque que des habitants cherchent à se venger».

«On ne sait pas avec certitude mais deux ou peut-être cinq ont été blessés et hospitalisés», a dit Mme Boldrini, qui a souligné la présence parmi les immigrés de réfugiés politiques et demandeurs d’asile. Elle a estimé que les autorités devraient commencer par rechercher les auteurs de l’agression contre les immigrés. «Ce n’est pas le premier épisode de ce genre à Rosarno», a dit Mme Boldrini. Il faut aussi «très vite reprendre le dialogue» en tenant compte de tous les facteurs, y compris les «conditions inhumaines dans lesquelles vivent ces ouvriers : des cabanes insalubres, sans eau, sans hygiène.»