136 ont demandé l’asile politique en Grèce arguant être Syriens: Le nouveau filon des « harraga »

136 ont demandé l’asile politique en Grèce arguant  être Syriens: Le nouveau filon des « harraga »

Ce «passage» qui était à la «mode» il y a quelques années chez les migrants clandestins avant d’être abandonné à cause des contrôles stricts des autorités grecques, semble être de retour à la faveur de la crise syrienne…

Les «harraga» prêts à tout pour se rendre en Europe! Ces Algériens qui rêvent du Vieux Continent se font passer pour des réfugiés afin de pouvoir bénéficier des avantages qu’offrent les pays européens à cette population qui a fui la guerre et la famine. D’ailleurs, sur 230 Algériens expulsés de Grèce depuis le début de l’année, 136 étaient censés être des demandeurs d’asile syriens…Mais les autorités grecques ont vite découvert le pot aux roses, malgré toutes leurs tentatives de se fondre dans la masse sans se faire remarquer.

Pour cela, ils ne manquent pas d’ingéniosité. Ils tentent d’adopter l’accent syrien, tout en essayant de s’informer au maximum sur la grande histoire de ce pays. «Cela fait des mois que je suis branché sur YouTube à regarder des films syriens pour pouvoir prendre leur accent», avoue Salah, qui compte, l’hiver, tenter de rejoindre l’Europe via ce passage que les «harraga» qualifient d’enfer. Ce jeune qui vit de petits métiers assure que c’est devenu la seule méthode pour espérer se rendre dans le Vieux Continent.

«Beaucoup se sont fait démasquer mais ils n’étaient pas bien préparés. Moi cela fait des mois que je suis en train de vivre en Syrie, je suis devenu plus syrien que les Syriens…», plaisante-t-il en nous faisant écouter son nouvel accent…Fouad, qui compte être son compagnon d’infortune, lui, s’est inventé une histoire de réfugié en allant chercher sur Internet des témoignages de Syriens qui ont réussi à échapper à la guerre qui ravage leur pays. Ces «harraga» comptent donc demander l’asile en tant que syriens, dans l’hypothèse qu’un cordonnier syrien fuyant la ville d’Alep bombardée sera le bienvenu, alors qu’un programmeur informatique d’Algérie ne le sera pas.

Certains sont même prêts à déchirer leurs passeports pour avoir une opportunité de vivre en Europe. L’asile étant accordé dans certains pays comme l’Allemagne, ces «harraga»veulent en profiter pour changer de vie…Mais le seul passage qui leur reste à cet effet est la Grèce via la Turquie constituant, des points de transit afin de rallier l’Europe de l’Ouest. Ces «harraga» transitent donc par la Turquie avant d’atterrir à Hellas, en traversant les frontières terrestres. Un passage qui était à la «mode» il y a quelques années chez les migrants clandestins avant d’être abandonné à cause des contrôles stricts des autorités grecques. Il faut dire que la majorité de ceux qui avaient tenté cette «aventure» est revenu bredouille, après avoir vécu l’enfer.

Apprendre l’accent syrien…

Mustapha, la quarantaine, un harrag multirécidiviste est l’un d’eux. Il avait il y a trois ans tenté l’option grecque. Il nous raconte son périple, le moins que l´on puisse dire, impressionnant. «Depuis mon expulsion d´Italie, il y a une dizaine d’années, mon seul rêve était de retourner dans un pays européen. Ce rêve, j´ai réussi à le concrétiser il y a 5 ans», a-t-il raconté.

Les larmes aux yeux, Mustapha parle des raisons qui l´ont poussé à quitter le pays et tenter l´aventure. Originaire de Baghlia, une petite bourgade perdue à l´est de Bordj Ménaïel, à 80 km à l´est d´Alger, où le chômage est roi. Mais Mustapha, peintre de métier, gagne bien sa vie. «Je vivais de petits boulots et j´essayais d´économiser le maximum d’argent pour réussir à payer mon voyage», confie Mustapha qui a fait de la «harga» une priorité, voire une raison de vivre et…de mourir. «Pour moi, retrouver l´Europe était primordial.

Mais j´ai refusé de prendre le risque sur une barque de fortune.» Mus, comme l´appellent ses amis, raconte dans le menu détail son «voyage» qui l´a mené jusqu´en Grèce. C’est un collègue de «harga» qui lui avait proposé l’option turque pour rejoindre la Grèce. Les deux jeunes organisent dans les règles leurs voyages en Turquie, mais dès qu’ils débarquent à Istanbul leurs déboires commencent.

D’abord, le passeur avec qui ils avaient rendez-vous et qu’ils avaient payé à l’avance n’est jamais venu. Ils trouvent un autre, mais qui les abandonne au moment de traverser les frontières turco- grecques sans manquer bien sûr, de les dépouiller d’une forte somme. Ce prix varie entre 200 et 1000 euros, selon la tête du client.

Le vrai sens des mots «crise économique»

Le passage se fait de nuit sous une neige battante et un froid glacial. Le périple au milieu des bois et de la neige a duré 24 heures. Mustapha arrive enfin en Grèce. Et là, il comprend très vite que son rêve n´était qu´illusion. En Grèce, la crise économique fait rage. «Nous avons compris le vrai sens des mots «crise économique». On a rencontré des centaines d´Algériens, clandestins comme nous, et des milliers d´autres de différentes nationalités.» Les «anciens» expliquent aux «nouveaux» que notre seule et dernière chance est de rejoindre les pays de l´Europe de l´Ouest.

Après plusieurs tentatives et presque plus un sou en poche, Mus se rend compte qu´il ne pourra jamais rejoindre l´Europe de l´Ouest. Il décide alors de retourner en Turquie et il refait le périple infernal dans le sens inverse. C´est ce qu´on appelle vivre l´enfer recto verso. En tentant de revenir en Turquie, Mus se fait prendre par les gardes-frontières turcs. Il est jeté avec ses compagnons de route dans un centre de détention appelé «Yabandji».

Il le décrit comme un camp de concentration. Mus qui a chèrement payé cette expérience, dit avoir regretté sa «harga» et ne conseille plus à personne de tenter cette mésaventure.«J´ai gaspillé 5000 euros et risqué ma vie. Pour rien. J´ai vécu comme un clochard. J´ai vu des personnes mourir devant moi en tentant de passer clandestinement. Et pour quels résultats?», regrette Mustapha, qui est revenu de tout et dit avoir tout compris. Jusqu´à un nouvel épisode et à une nouvelle aventure?