PARIS – Les musulmans de France, forts de leur position comme les représentants de la 2e religion de l’Hexagone, n’ont pas cessé durant l’année 2018 d’exprimer leur rejet de toute immixtion ou ingérence dans l’organisation de leur culte.
Acculés par la volonté du président Emmanuel Macron d’organiser le culte musulman de France, même si la loi de la laïcité (1905) interdit à l’Etat de s’occuper du religieux, et par la persistance de cultiver à dessein l’amalgame entre l’islam et le terrorisme, les musulmans de France, réunis en congrès le 9 décembre dernier, ont affirmé que la définition des dogmes et des pratiques des cultes « incombe » aux représentants des cultes « à elles seules » dans la limite « des impératifs de l’ordre public et dans le respect des principes et des valeurs de la République ».
Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a été dans ce sens très explicite en déclarant que les musulmans de France, « lassés » par tant de projets « avortés » d’organisation de l’islam en France, ont décidé d’œuvrer « par eux-mêmes et pour eux-mêmes » à une « véritable » représentation et à une « solide » structuration de leur culte dans un rapport de confiance avec les autorités françaises.
Ce rejet épidermique de cette ingérence, voulue uniquement pour le culte musulman, est justifié par la méconnaissance totale en France de l’islam et de son message de paix dans le monde, le refus de la politique de « deux poids deux mesures » et par la non acceptation, même si elle n’est pas exprimée de façon directe, de la volonté des pouvoirs publics de contrôler le financement du culte.
Une opposition farouche à toute ingérence
C’est ainsi que les musulmans de France revendiquent l’indépendance du culte musulman comme « principe préliminaire » à toute discussion sur son organisation, avertissant que « toute tentative de modifier les rapports clairs et fondamentaux entre les religions et l’Etat, tout ingérence d’une administration ( ) entraîneraient (leur) opposition farouche ».
Pour ce qui est du financement du culte, ils rejettent également l’ingérence, soulignant que « seule importe une gestion libre et autonome, sous contrôle légal d’un commissaire aux comptes qui peut devenir obligatoire ».
Par ailleurs, des membres du groupe de travail qui a mené une consultation auprès des musulmans de France sur l’organisation du culte ont aussi dénoncé les manœuvres de récupération et de contournement initiées par le gouvernement.
« … l’Etat entreprend de créer des structures satellites, chargées de prendre progressivement possession de l’argent provenant des dons des musulmans et de ponctionner le marché du halal, afin d’imposer ensuite ses imams et sa vision de l’islam, sur le temps long », ont-ils indiqué.
La consultation a permis, à travers le Net, à des dizaines de milliers de musulmans, partout en France, de s’exprimer et d’entamer un travail de fond pour « repenser la manière dont leur religion pourrait s’organiser, de manière constructive et indépendante ».
Cette position, affirmée et réaffirmée, a obligé le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui est également en charge des cultes en France, d’apporter les clarifications sur la vision du gouvernement vis-à-vis de la religion de plus de 7 millions de Français.
« Une chose est claire : il ne s’agit pas pour l’Etat d’écrire les enjeux de l’organisation du culte musulman, cela relève entièrement de la responsabilité de ses fidèles », a-t-il souligné dans une intervention au congrès des musulmans de France, réfutant « l’idée que l’Etat devrait s’en désintéresser et appelant les musulmans à « travailler ensemble » pour l’avenir de l’islam dans la société française.
Un combat permanent pour la reconnaissance
Il faut rappeler que le rapport de l’Institut Montaigne (600 pages), élaboré par Hicham Karoui et présenté au président Macron, a suscité de vives réactions chez les représentants du culte musulman en France qui l’ont rejeté dans sa forme et son contenu.
« La fabrique de l’islamisme » préconise l’instauration d’un certain « Tracfin » pour contrôler les flux financiers, les collectes de fonds et les dons dont bénéficient les représentations du culte musulman, notamment en matière de financement de la gestion des mosquées, et l’instauration d’une taxe halal, dont le chiffre d’affaires du marché en France est estimé à 6 milliards d’euros.
Sur un autre plan, les musulmans commencent n’arrivent pas à comprendre qu’ils sont, à chaque attentat terroriste perpétré en France, sollicités de s’exprimer sur ces actes, comme si on voudrait leur coller quelque part une partie de cette responsabilité.
Ils se demandent, cependant, que les actes d’islamophobie ne sont jamais condamnés en France, ni poursuivis en justice. Une justice qui est d’ailleurs fustigée pour avoir « perdu » des plaintes dans ce sens.
Ils savent toutefois que le combat d’une reconnaissance équitable au même pied d’égalité avec les autres cultes n’est pas facile, rejetant de fait l’appellation « islam de France », au même titre qu’il n’y a pas de « christianisme de France » ni de « judaïsme de France ».