Fragilisé par une affaire de conflit d’intérêts, le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, a présenté sa démission, mercredi 15 juillet, sous la pression du parti Ennahda. « Pour éviter au pays des conflits entre institutions, le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a présenté sa démission au président, Kaïs Saïed, afin de lui ouvrir un chemin nouveau pour sortir de cette crise », écrivent les services du premier ministre dans un communiqué.
M. Fakhfakh, 47 ans, chef d’un parti social-démocrate sans élu, qui avait prêté serment le 27 février, va continuer à gouverner en attendant qu’un successeur soit nommé. Il aura effectué l’un des plus courts mandats depuis la révolution de 2011, qui a balayé le régime de Zine El-Abidine Ben Ali.
La Tunisie, l’un des seuls pays touchés par les soulèvements du « printemps arabe » à continuer sur la voie de la démocratisation, a depuis connu une valse de gouvernements, qui n’ont pas réussi jusque-là à répondre aux attentes sociales de la population.
Le parti Ennahda, qui compte six ministres au gouvernement, avait dans la journée déposé une motion de défiance contre le premier ministre, mettant en avant les soupçons de corruption pesant sur lui. M. Fakhfakh, ancien cadre d’une filiale de Total, est sous le coup d’une enquête parlementaire pour ne pas avoir cédé la gestion de ses parts dans des sociétés d’assainissement qui ont remporté d’importants marchés publics au cours des derniers mois.
Mais pour Ennahda, il s’agissait aussi de reconfigurer une coalition gouvernementale dans laquelle cette formation se sentait « marginalisée », selon le politologue Chokri Bahria. En effet, Ennahda, bien que principal parti du Parlement, n’a remporté que 54 sièges sur 217 lors des législatives d’octobre, son plus faible score depuis la révolution de 2011. Conséquence : le parti avait échoué cet automne à réunir une majorité autour du chef de gouvernement de son choix, après des mois de négociations ardues.
Cela a laissé le champ libre au président Kaïs Saïed, un farouche indépendant, qui a nommé comme premier ministre M. Fakhfakh, entouré d’une coalition revendiquant les valeurs de la révolution, et peu encline aux compromis partisans chers à Ennahda.
Cette démission place à nouveau le président Kaïs Saïed au centre du jeu politique : selon la présidence, qui s’appuie sur l’article 89 de la Constitution, il est désormais chargé de désigner un nouveau premier ministre dans un délai de dix jours.
Cet article stipule que le président de la République doit désigner une personnalité à même de gouverner après « consultations avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires ». Cette personne aura elle-même un mois pour convaincre la majorité absolue des députés d’approuver son équipe.
Une gageure, étant donné que le Parlement élu en octobre est composé d’une myriade de partis, dont certains sont à couteaux tirés. Ni Ennahda et ses rares alliés ni le pôle qui s’était constitué autour de M. Fakhfakh ne peuvent rassembler facilement une majorité.
Rédaction d’Algéroe360