Vingt-Huit ans après la mort de Mohamed Boudiaf, président du Haut comité d’Etat (HCE), assassiné le 29 juin 1992, son fils Nacer Boudiaf écrit une lettre au chef de l’Etat algérien, Abdelmadjid Tebboune, publié sur le journal » Le Soir d’Algérie » dans son édition du 05 Aout 2020, dont voici l’intégralité.
Monsieur le Président,
Cela fait 28 ans que Mohamed Boudiaf, alors président du Haut Comité d’État, d’une Algérie en tourmente, est tombé lâchement assassiné. La justice avait considéré cet assassinat comme un «acte isolé» que personne n’a cru.
Après avoir déposé une lettre au ministère de la Justice le mois d’octobre dernier, demandant la réouverture du dossier, une lettre qui n’a pas eu une réponse de la part du ministre Zeghmati, ne serait-ce que par politesse. N’est pas poli qui veut ! Aujourd’hui, je m’adresse à vous à plusieurs titres. Je m’adresse à vous en tant que premier magistrat du pays.
L’assassinat de Boudiaf n’est pas un mystère. Ce n’est qu’une affaire d’injustice. Suis-je encore naïf pour croire en la justice chez nous, une justice qui mettra fin au mystère ?
Je m’adresse à vous, alors que vous étiez ministre délégué, sous la présidence de Boudiaf. Mais la vérité est que l’écrasante majorité des Algériens avait compris, dès l’instant de l’assassinat, l’enjeu du crime abject pour ceux qui ont cru en bénéficier. Les assassins sont identifiés. Aujourd’hui, de nouveaux éléments sont apparus.
– Le témoignage de la directrice du journal El Fadjr, madame Hadda Hazem, qui nous apprend que des responsables des médias étaient au courant de l’assassinat du Président quelques heures avant le drame ! Hadda Hazem, qui travaillait à l’époque au journal El Massa, rapporte que son ancien rédacteur en chef, le sieur Mokkadem El Hocine, est rentré au journal vers les coups de 9 heures du matin à la rédaction et a déclaré aux collègues «Aujourd’hui, il vont buter Boudiaf à Annaba.»
Le deuxième témoignage est celui de l’ex-chef de bureau du journal Le Soir d’ Algérie, monsieur Omar Touati, qui vient de publier un livre qui s’intitule J’accuse où il remet en cause la version officielle que ce n’est pas Boumaârafi qui a tué Boudiaf. Parlons aussi de la déclaration de l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Monsieur Bajolet, qui a déclaré au journal El Watan : «Nous regrettons de ne pas avoir donné de chance à Boudiaf.» Ces révélations ne laissent plus de doutes, je vous demande la réouverture de ce dossier, vu ces fracassantes nouvelles. Un refus sera considéré comme une injustice envers notre famille et envers les Algériens. La considération pour Mohamed Boudiaf ne sera mesurée que par la promptitude de la justice algérienne à réparer cette ignoble injustice qui a trop longtemps duré. Seule la réouverture du procès de son assassinat exprimera les réelles intentions du pouvoir en matière de justice, et prouvera au monde extérieur que nous n’avons pas besoin d’une justice venue d’ailleurs pour mettre fin à l’impunité du lâche assassinat de Mohamed Boudiaf. Dont acte.
Boudiaf Nacer
Rédaction d’Algérie360