Dans cet entretien, le Docteur Mohamed Bekkat Berkani, membre du Comité scientifique de suivi de l’évolution de l’épidémie du coronavirus, revient sur plusieurs points en lien avec la situation épidémiologique en Algérie.
Depuis quelques jours le bilan quotidien des contaminations ne cesse d’augmenter. Comment expliquez-vous cette hausse ?
D’abord c’est une hausse qui doit porter notre attention ; elle est inquiétante, progressive, mais par exemple hier il y a eu une Diminution. Par conséquent et sur le plan épidémiologique, nous ne pouvons pas conclure à une hausse ou une baisse sur seulement quelques jours. Il faudra plutôt prendre au moins une ou deux semaines.
Maintenant, il y a probablement une relation de cause à effet concernant certains relâchements de nos concitoyens dans tous les axes de la société, c’est-à-dire sur la voie publique, dans les commerces, dans les transports, dans les endroits confinés, où les gestes barrières sont plus au moins oubliés. Y a-t-il une relation de cause à effet ? Certainement.
Il faut que nos concitoyens sachent que l’épidémie est loin derrière nous. La preuve qu’il en est, dans certains pays où ils sont pratiquement submergés, où ils parlent de deuxième vague. Mais pour nous, nous avons réussi par la bonne gouvernance des autorités, mais aussi grâce à la compliance de nos concitoyens de limiter l’impact concernant cette pandémie.
Maintenant, nous avons affaire à des échéances, notamment la rentrée sociale, il faudrait appliquer les recommandations qui ont donné des résultats.
Selon vous, l’Algérie risque-t-elle une deuxième vague ?
Pour le moment, on ne peut pas parler de 2e vague, on parle d’effet robot. Dans le détail, vous avez remarqué, qu’un certain nombre de villes, en particulier la capitale et le point de départ qui est Blida, sont toujours concernées. La situation devient endémique dans certains endroits.
Ce qui est intéressant de savoir, ce n’est pas de quantifier le nombre de cas positifs, parce qu’à côté de ces cas positifs, vous avez un certain nombre de cas bénins et des cas qui sont des porteurs sains. Donc finalement, ce sont les cas graves, les cas en réanimation et le nombre de décès qui sont importants.
Pour ce qui est des cas en réanimation, le nombre ne dépasse pas la trentaine. Quant aux décès, ils sont en dessous de la dizaine. Donc actuellement la situation est contrôlable.
Pour ce qui est de la rentrée scolaire, universitaire, sportive, la reprise de la prière du vendredi et le referendum, il faut absolument appliquer les protocoles sanitaires telles que définis par la commission de lutte contre le Covid-19 auprès du ministère de la Santé. Ces protocoles ont été définis et approuvés, il reste qu’à les appliquer.
Pourrait-elle retarder la réouverture des frontières ?
La réouverture des frontières est un geste de souveraineté politique, c’est-à-dire que le président de la république et le gouvernement, en fonction de tous les critères et les éléments sur le Covid-19, prennent la décision d’ouvrir soit progressivement, soit totalement.
Mais aujourd’hui on observe que tout l’environnement dans notre pays, dans le bassin méditerranéen et même au-delà, une situation épidémique catastrophique. Quand on parle de 30 000 cas quotidiens rien qu’en France métropolitaine, tout en sachant que nos relations seront dans plus des 70% des cas avec la France, il y a de quoi s’inquiéter. Par conséquent, l’Algérie doit se prémunir.
Quand vous parlez de tous les Algériens, moi je sais que ce n’est pas une session de souffrance. Le président de la république et le gouvernement ont la responsabilité de défendre leur pays contre cette pandémie. D’ailleurs, la fermeture de frontières a eu ses succès dans la lutte contre la propagation du coronavirus.
Pour ce qui est des vols spéciaux et de rapatriement, il est souhaitable que ces vols puissent être repris sous contrôle de nos représentations consulaires et diplomatiques. Je vous rappelle que 30 000 algériens ont été évacués au frais du contribuable, ils ont été hébergés jours dans des hôtels…
Pensez-vous que le fait de maintenir les frontières fermer pourrait éviter à l’Algérie une 2e vague ?
Nous avons 40 vols quotidiens, rien qu’avec la France métropolitaine, donc on a 40 fois plus de risque d’avoir des personnes qui soient contaminées étant donné que le degré de contagion en France est énorme.
C’est une disposition qui est à réfléchir. Le gouvernement a privilégié la sécurité sanitaire, d’ailleurs, c’est ce qu’a dit le président de la République. Or, il a été démontré que la fermeture des frontières nous a préservé d’une contamination que nous n’aurions pas pu probablement envisagées.
Pourrons-nous aller vers un reconfinement au cas où la hausse se poursuit ?
Je pense qu’il faut agir par région et par territoire. Il est hors de question de revenir à un reconfinement globale, étant donné qu’il n’y a pas de raisons de reconfiner des wilayas qui ne comptent pas de cas de contaminations depuis des semaines.
Maintenant, il faut appliquer la stratégie de gestes barrières qui a donné déjà des résultats (…) Il faut que les walis prennent leurs responsabilités avec les conseils sanitaires locaux.
Entretien réalisé par Massin Amrouni