22 février-22 mai 2019 : Les 3 mois qui ont ébranlé le système

22 février-22 mai 2019 : Les 3 mois qui ont ébranlé le système

Adlène Badis

Depuis maintenant trois mois, l’Algérie est secouée par une crise politique inédite, la démission de Bouteflika ayant laissé place à une situation d’instabilité institutionnelle évidente. Les Algériens sortent chaque vendredi exprimer leur rejet du système, le départ de ses symboles et le changement. En face, le pouvoir insiste sur une option dans le cadre de l’article 102 de la Constitution faisant perdurer l’impasse, inlassablement.

Tout a commencé lorsque, le 22 février, les Algériens outrés par les perspectives d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, perspective qui se mettait visiblement en place, sont sortis en masse dans les rues d’Alger et dans les grandes villes du pays scandant le refus de cette éventualité. Le 2 avril, sous la pression populaire, Abdelaziz Bouteflika démissionne dans des conditions de tension extrême. L’institution militaire s’est retrouvée soudain au-devant de la scène, face à une crise politique aiguë et qui menace même l’intégrité du pays.
L’espoir de voir une autre personnalité que Bensalah à la tête du Sénat, auquel échoit le rôle d’intérimaire selon la Constitution, a vite laissé place à la dure réalité. L’installation de fait de Abdelkader Bensalah comme chef d’Etat par intérim dans le cadre des dispositions de la Constitution n’aura pas d’incidences sur le mouvement populaire qui continue chaque vendredi à exprimer sa volonté de changer le système et le départ des « 3B », à savoir outre le chef de de l’Etat Bensalah, le Premier ministre Nourredine Bedoui et le président du Parlement Moad Bouchareb.

Bensalah convoquera le corps électoral, annonçant le 4 juillet comme date de la présidentielle. Les Algériens répondent dans la rue qu’ils n’iront pas voter. Les partis politiques de l’opposition préfèrent accompagner le mouvement populaire, appelé communément Hirak, que faire de véritables propositions de sortie de crise. En parallèle, les interventions hebdomadaires du premier responsable de l’armée, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, sont devenues de véritables rendez-vous politiques que les Algériens suivent avec assiduité, attendant des décisions majeures engagent l’avenir du pays. Le Hirak populaire ne faiblit pas, les manifestations du vendredi suivies, le mardi, par celles des étudiants, se poursuivent faisant chaque fois échos aux évolutions de la crise. Le chef d’Etat par intérim Abdelkader Bensalah annonce une conférence pour des pourparlers avec les partis, une initiative qui s’avère vite un véritable flop. La majorité des partis et des personnalités politiques ont boycotté la conférence faisant perpétuer la situation de blocage et un dangereux statu quo. Les partis politiques ont refusé de négocier avec un personnel politique rejeté par la majorité des Algériens.
Opération « mains propres »

La mise sous mandat de dépôt par la justice militaire de personnalités lourdes constituera à l’évidence une évolution majeure de la crise. Sous les accusations de complot contre l’armée et l’Etat, le frère et conseiller du président démissionnaire Saïd Bouteflika, et les deux militaires, ex-responsables des services de renseignement, sont internés à la prison militaire de Blida dans le cadre de l’enquête. Les vidéos, montrant ces trois personnalités en train de monter les marches du Tribunal militaire, ont fait l’effet d’une bombe au sein d’une opinion algérienne particulièrement consternée par le nombre d’affaires ouvertes promptement visant des personnalités importantes de l’ère Bouteflika. 

L’emprisonnement provisoire de Louisa Hanoune, dans le cadre de la même accusation, constituera également un moment de polémique. La secrétaire du Parti des travailleurs a été la première personnalité politique à subir une telle mesure. Ces affaires de justice dans le cadre d’une grande opération « mains propre » visant des figures de « l’ancien système » suscitent polémiques et controverses entre ceux qui se félicitent et ceux qui y voient davantage un règlement de compte entre clans au pouvoir. La question de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain reste toujours au cœur de la crise. A moins d’un mois et demi de cette date, le scrutin est toujours impossible à organiser. 

Gaïd Salah insiste sur la nécessité d’aller vers l’élection présidentielle, faute de quoi le pays se retrouverait dans une grave situation de vide constitutionnel. En face, les Algériens ne semblent pas convaincus et sont déterminé dans leur mouvement de contestation jusqu’à satisfaction des revendications de changement. Trois mois après, la crise algérienne ne donne toujours pas de signes d’un début de dénouement.