Que nous l’appelions, décennie noire, rouge ou tragédie nationale, mais cette période qu’a connue l’Algérie fut l’une des plus dramatiques de son histoire post indépendante. Une période de sang et de deuil qui aura des milliers de morts, laissant des survivants aux troubles irrémédiables et des traces latentes dans une société algérienne traumatisée d’une ampleur indéfinissable.
Faire du 22 mars LA journée contre l’oubli, une date repère, une journée qui rassemble la mémoire de 200 000 victime de cette période noire de l’Histoire d’Algérie est le but pour lequel oeuvre l’organisation « Ajouad Algérie Mémoires, ou le refus de l’amnésie » depuis 8ans.
Ajouad Algérie Mémoires, née en décembre 2010 d’un cri de douleur et de colère en souvenir des marches populaires organisées en mars1993 et mars 1994. Le nom donné à l’association renvoie à El Ajouad (les généreux ou les justes), une pièce théâtrale du dramaturge Abdelkader Alloula (avec l’accord de son épouse), assassiné au début des années 1990. L’association s’est donné pour mission de perpétuer et d’honorer la mémoire de ceux et celles, connus et inconnus, qui sont morts sous les coups de « la folie meurtrière des intégristes ». Ajouad Algérie Mémoires a pour volonté de soutenir et de réaliser un travail mémoriel sur la période dite de la ” décennie noire”, qui a touché l’Algérie à partir de 1992.
Dans sa charte publiée dès sa création, on peut lire : « Face au drame qui n’a épargné aucune famille, Ajouad Algérie Mémoires veut célébrer l’honneur et la dignité de ceux et celles qui ont été assassiné(e)s, violées, kidnappé(e)s, en refusant l’oubli de ses victimes et en luttant contre la falsification de l’histoire de son pays. »Qu’ils soient écrivains, journalistes, médecins, professeurs ou ingénieurs, qu’ils soient policiers, militaires, pompiers, lycéens ou bergers, ils font partie du patrimoine humain de l’Algérie. Ils ont existé et ont laissé une histoire derrière eux. Cette histoire est celle de l’Algérie, celle de tout un peuple. »
Chaque année, l’association organise des activités liées à « la lutte contre l’amnésie », destinées à rendre hommage aux 200 000 victimes du terrorisme, à lutter contre les effractions psychiques et les douleurs profondes, à essayer de faire ses deuils multiples, afin de raccommoder les fils du lien social ou parental.
Les membres de cette organisation insistent sur le travail mémoriel qui, expliquent-ils, est « un devoir, un acte de refus de cette amnésie instituée » et « pour que l’Algérie puisse se donner un avenir, dans lequel la violence sera délégitimée ». Refuser ce travail de mémoire, ce serait les enterrer à tout jamais et priver les générations futures des repères nécessaires à la construction de leur identité en les laissant face à des questionnements similaires à ceux que nous avons actuellement concernant la guerre d’Algérie.
En hommage à toutes les victimes du terrorisme, mais aussi pour nous et pour les générations à venir faisons donc du 22 mars LA journée contre l’oubli, une journée qui rassemble la mémoire des 200 000 victimes, agissons pour que cet acte citoyen se normalise et que cette commémoration devienne une évidence. Pour une Algérie apaisée à jamais. Il s’agit là d’une nécessité historique.