L’homme d’affaires Algérien Rachid Nekkaz, invité récemment sur Sud Radio, a jeté un pavé dans la mare. Selon ses déclarations, le groupe pétrolier français Total bénéficierait de « 25 années de pétrole et de gaz gratuit » en Algérie, fruit d’un supposé deal léonin imposé à l’État.
Une accusation lourde de sens, à l’heure où les hydrocarbures demeurent le poumon économique du pays. Mais que disent réellement les faits ? Loin des polémiques, ce contrat repose sur une réalité bien plus complexe, encadrée par une législation précise et dictée par les règles impitoyables du marché énergétique mondial.
En effet, selon les spécialistes, le contrat auquel fait référence Rachid Nekkaz n’est pas un arrangement opaque, mais un accord signé le 19 juillet 2022 entre Sonatrach, TotalEnergies, Eni et Occidental Petroleum.
Cela dit, les rumeurs quant au « pétrole et gaz gratuit » relèvent plus de la désinformation et des influenceurs que de la réalité. L’Algérie, a toujours opté et privilégié des contrats équilibrés qui préservent les intérêts nationaux.
L’Algérie a-t-elle bradé son pétrole et gaz à Total ?
De plus, ce partenariat s’inscrit dans le cadre d’un contrat de partage de production. Une pratique répandue dans les pays riches en ressources énergétiques, notamment quand ces États souhaitent attirer des capitaux étrangers tout en gardant la main sur leurs gisements. Ce type de contrat fonctionne selon un principe clair :
- Les compagnies étrangères investissent massivement dans l’exploration et l’exploitation de nouveaux gisements.
- En échange, elles récupèrent une part convenue de la production, afin d’amortir leurs investissements et dégager un bénéfice.
- Le reste de la production revient à Sonatrach, et donc à l’État algérien.
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« Le mot gratuité n’a aucun sens dans ce débat », tranche Francis Perrin, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste reconnu des questions énergétiques. « Aucune compagnie n’investirait des milliards sans garantie de retour. » En d’autres termes, il s’agit d’un échange, non d’un don.
La loi de 2019 : garantir l’avenir énergétique de l’Algérie grâce aux partenariats internationaux
Pour comprendre les origines de cette polémique, il faut revenir à la nouvelle loi sur les hydrocarbures votée en 2019. Celle-ci a assoupli de manière significative le cadre fiscal et juridique pour les investisseurs étrangers dans l’énergie.
L’objectif affiché est d’attirer des partenaires techniques et financiers pour partager les coûts (et les risques) liés à la recherche de nouveaux gisements.
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À l’époque, cette réforme avait provoqué un vif débat en Algérie. Certains y ont vu une forme de capitulation économique, voire une trahison. Le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab, avait dû justifier cette stratégie en soulignant que « Sonatrach ne peut pas tout financer seule, compte tenu des investissements colossaux et du risque élevé d’échec lors de la prospection. »
L’avenir des hydrocarbures en Algérie : la coopération internationale, un levier pour surmonter les défis ?
Loin d’être une exception, les mesures fiscales attractives de la loi de 2019 s’inscrivent dans un contexte de concurrence mondiale accrue. Le chercheur Francis Perrin le rappelle : « Dans les hydrocarbures, la pratique est de se mettre à plusieurs sur les projets. D’abord parce que ça coûte très cher, mais aussi parce que c’est risqué. »
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Dans ce secteur, la rareté des gisements exploitables et les incertitudes géologiques rendent chaque projet incertain. Certaines opérations d’exploration échouent totalement, malgré des centaines de millions de dollars investis. Attirer des compagnies internationales expérimentées est donc un moyen de mutualiser les risques et d’accélérer la mise en valeur des ressources naturelles.