Essai Mercedes Classe E Coupé 350 CGI

Essai Mercedes Classe E Coupé 350 CGI

Difficile d’être une référence. L’austère constructeur souabe, qui bénéficie d’une inaltérable réputation de solidité, pâtit logiquement d’une image un peu trop sérieuse et compassée, qui tranche avec le dynamisme affiché par ses charismatiques rivaux munichois arborant l’Hélice ou les Anneaux. Soucieux de rompre avec cette tradition, le coupé de gamme intermédiaire Mercedes revendique donc une audace inaccoutumée…

Le changement dans la continuité

Pour mieux affirmer sa différence, le nouveau venu renonce même à l’appellation CLK, histoire de mieux traduire son positionnement dans la gamme pléthorique mais peu lisible du constructeur allemand.

« Emotion » : le mot revient tel un leitmotiv dans les dithyrambes gutturaux des très germaniques responsables produits de la marque. Tel un politicien soucieux de satisfaire aux conseils de ses experts en communication, le coupé Mercedes se voit donc contraint de jouer un rôle de composition, celui du véhicule passionnel et un rien exubérant.

Dans la foulée de la Classe E et du concept fascination, auxquels il emprunte les doubles optiques rhomboïdaux, le nouveau venu arbore ainsi une silhouette charpentée, qui contraste avec les volumes lissés voire mollassons des deux générations de CLK précédentes. En hommage aux lignes « ponton » du coupé S220 initiateur de la lignée en 1955, le Coupé Classe E reprend à son compte le coup de gouge qui dynamise déjà les passages de roue de la berline. L’absence de pied milieu, attribut traditionnel des coupés de la marque, participe à la fluidité de l’arche de pavillon et à la pureté de la ligne, créditée d’un Cx record de 0,24 autorisé par un généreux carénage du soubassement.

Bien que classiques, ces lignes plus tendues et ciselées dégagent une prestance indéniable, tandis que la traditionnelle calandre chromée, aux contours affermis, intègre l’Etoile des coupés de la marque.

Un habitacle remanié

La volonté de viriliser le coupé Classe E, perceptible à l’extérieur, n’a pas épargné l’habitacle, dont les lignes structurées voire martiales, riches en biseaux et pans coupés, fleurent bon les années 80 et contrastent avec les lignes ondoyantes et fondues de la version précédente. Si les habituelles exécutions Avantgarde et Elégance ont disparu, laissant place à un unique niveau de finition, ces deux dénominations subsistent en qualité d’ambiance intérieure. Tandis que la première citée, résolument sobre dans sa triste dominante noire, confère au cockpit l’austérité glacée d’un monastère cistercien, la seconde se révèle infiniment plus lumineuse et chaleureuse en s’autorisant des tons grège et des parements bois. Dans les deux cas, la qualité des matériaux et l’assemblage du mobilier intérieur, de très bonne facture, ne dérogent pas à la réputation de rigueur du spécialiste souabe. Si les sièges fermes mais bien dessinés permettent à tous les gabarits de trouver une position de conduite idéale pour affronter de longues étapes routières, l’habitabilité en léger progrès de cette stricte 4 places demeure perfectible compte-tenu de l’encombrement général, notamment aux places arrière.

Particulièrement complet dès la version de base, l’équipement de cette luxueuse GT, qui fait l’objet d’une interminable litanie de néologismes anglo-saxons, fait la part belle à l’agrément et au confort d’utilisation. Fidèle à sa nature, le constructeur allemand s’est évidemment fendu d’une panoplie sécuritaire impressionnante, depuis le capot actif jusqu’à l’airbag de genou en passant par le désormais fameux Pre-Safe. Et pour les clients les plus exigeants, la liste d’option longue comme un jour sans pain permet aux amateurs d’exclusivité de se concocter une voiture sur mesure.

La passion selon Singelfingen

Bien que le positionnement affiché revendique une parenté marquée avec la nouvelle Classe E, le coupé allemand demeure construit sur la version courte de sa plate-forme, autrement dit celle de la Classe C, dont il reprend l’empattement de 2,76m. Plus élancées que celles d’une A5, moins caricaturales que celles d’une BMW Série 6, les lignes musclées mais très académiques de la Mercedes apparaissent relativement conventionnelles, en dépit d’une communication axée sur l’émotion et l’audace.

La silhouette, qui s’étire sur une longueur de 4,70m et une largeur de 1,79m, apparaît pourtant d’autant mieux campée au bitume que les montes pneumatiques sont généreuses (17′ en série) et que la hauteur demeure contenue sous les 1,40m. Reste que le langage esthétique, calqué sur celui de la Classe E, manque un peu d’exclusivité.

La prise en main confirme cette placidité. Très rassurant, le coupé allemand profite de liaisons au sol sophistiquées pour afficher une grande stabilité, et impressionne par sa faculté à avaler les grandes courbes à des vitesses élevées. Néanmoins, les épingles de Toscane se chargent rapidement de rappeler au conducteur les quelques 1700 kg de la bête, qui affiche immanquablement une certaine inertie. Les velléités sportives sont de toutes manières mises à mal par le manque de réactivité de la boîte automatique 7G-TRONIC, qui refuse fréquemment le rétrogradage en mode impulsionnel et dont la logique apparaît bien plus adaptée à une conduite apaisée qu’à un rythme sportif.

Une grande douceur d’utilisation

Fidèle à son habitude, le constructeur à l’Etoile, qui anticipe un mix marketing à prédominance automatique et convertie au diesel à 90%, avait constitué son parc de véhicules d’essai en conséquence. Après quelques dizaines de kilomètres au volant d’une E 350 CDI Blue EFFICIENCY propulsée par le très coupleux (540 Nm) V6 3.0L diesel de 231 chevaux qui devrait constituer le gros des ventes, nous avons toutefois jeté notre dévolu sur le vaisseau amiral E 500 à la noble mécanique V8, et surtout sur le coeur de gamme essence E 350 CGI Blue EFFICIENCY.

Particulièrement souple, ce V6 3.5L 24V développant 292 chevaux à 6400 tours/minute bénéficie d’une injection directe, qui lui permet d’afficher un surcroît de puissance de 20 chevaux par rapport à son prédécesseur. Si cette hausse du rendement profite aux performances, très honorables avec un 0 à 100 expédié en 8,5 s et une vitesse maximale limitée électroniquement à 250 km/h, elle permet surtout une réduction de la consommation, en baisse de 1,4 l pour s’établir désormais à 8,5 l/100. Les émissions de CO2 sont ainsi repoussées de justesse sous la barre des 200 g/km.

Rond et disponible sur une large plage de régime, ce bloc très silencieux se révèle particulièrement bien adapté à une conduite coulée. Bien encapsulé et exempt de vibration, il convainc par sa douceur et sa faculté à reprendre sais faillir sur un filet de gaz, confirmant la vocation placide de la luxueuse GT de Sindelfingen.

Bilan

Si le coupé Classe E, réincarnation du défunt CLK, s’affirme par une esthétique plus musclée et affiche une nouvelle montée en gamme, force est de constater que le discours passionnel entretenu par la marque s’inscrit en relatif décalage par rapport au classicisme du véhicule. Peaufinant la recette du CLK sans la remettre en question, le Coupé Classe E constitue en revanche une proposition remarquablement homogène dans son segment, dont il demeurera assurément le mètre-étalon. Disponible en concessions dès la mi-mai dans ses déclinaisons supérieures, la gamme s’enrichira dès la rentrée des versions d’appel. Échelonnés entre 44 800 euros en version E 250 CDI et 70 900 euros pour le vaisseau amiral E 500, les tarifs cultivent sans surprise un certain élitisme.