Le développement de pépinières pour la production des espèces végétales observe un essor particulier à la faveur des mesures d’appui et de soutien déployées par le gouvernement. Néanmoins, l’absence d’une stratégie prospective en aval de la production de plants met de plus en plus en péril des dizaines de pépinières.
Cette fois-ci, l’écho vient des vastes plaines de la Mitidja où les agriculteurs, ayant opté pour le créneau de la production de plants d’arbres fruitiers, lancent un appel de détresse à l’endroit du gouvernement pour venir à leur rescousse et sauver quelque 6 millions de plants d’espèces différentes d’arbres fruitiers.
Selon le collectif des pépiniéristes de la Mitidja, pas moins de 5 millions de plants, de variétés agrumicoles en majorité, seront détruits dans les prochains jours après avoir dépassé la durée requise pour leur commercialisation, qui est de 3 ans maximum. Pour les professionnels de la filière, cette opération d’incinération est la plus importante que le pays a connue depuis l’indépendance.
Cependant, il reste encore un équivalent de 6 millions de plants recensés au niveau des différentes pépinières de la Mitidja qui peuvent être sauvés si les services du ministère de l’agriculture font preuve de bonne volonté pour venir en aide à ces agriculteurs.
Interrogés sur les raisons de cette inflation, les représentants des pépiniéristes de la Mitidja expliquent l’inflation de leur production par la hausse du taux des méventes, le manque de débouchés mais aussi l’effondrement spectaculaire des prix des plants ayant atteint un niveau tellement bas qu’il ne permet même pas à l’agriculteur d’amortir les charges de sa pépinière. Sur ce dernier point, le collectif des pépiniéristes de la Mitidja dénoncent une concurrence déloyale à laquelle ils font face sur un marché inondé de plants provenant de l’importation. Les espèces les plus concurrencées sur le marché par le produit importé sont notamment les agrumes, l’olivier et les variétés à noyau.
Pour les ingénieurs agronomes qui regrettent le recours quasi systématique à l’importation, les plants importés sont souvent d’origine inconnue et ne sont pas adaptés aux caractéristiques climatiques et pédologiques locales comme ils sont surtout des vecteurs potentiels de virus et autres maladies qui affectent les plantations. Autant de pertes pour des centaines d’agriculteurs qui, pourtant, il y a quelques années, ont été encouragés et orientés par les services agricoles vers ce créneau qui leur a été présenté comme un domaine à forte valeur ajoutée.
En revanche, les investissements lancés dans ce domaine bien qu’ils soient concrétisés à la faveur de soutien des pouvoirs publics mais un segment non moins stratégique de la filière a été ignoré par la suite, à savoir, la mise en place de mécanismes pour la commercialisation des plants produits localement et leur protection contre le flux d’importation.
Selon les statistiques de la direction de la protection des végétaux et du contrôle technique auprès du ministère de l’agriculture et du développement rural, 822 producteurs de plants et semences ont été agréés pour la période 2010-2014. Mais un nombre aussi important de pépinières de production de plants est implanté à travers plusieurs régions du pays. L’avènement de pépinières informelles et les flux des plants provenant de l’importation rendent difficile la régulation de la filière et aléatoire le contrôle des espèces introduites dans le catalogue national des espèces végétales agréées dans le pays.
Ce qui n’est pas sans conséquence sur la lutte contre les maladies et autres insectes qui se développent à travers les vergers, à l’instar du capnode qui décime depuis des années le cerisier dans plusieurs régions du pays sans que les services de la protection des végétaux ne parviennent à l’éradiquer.
Mourad Allal (L’Éco n°111 / du 1er au 15 mai 2015)