La frénésie de construction risque de faire perdre à Oran son âme. Que fera-t-on de ces dizaines d’anciennes bâtisses qui se distinguent par leur architecture?
Tous les préparatifs devant aboutir à la programmation de toutes les épreuves sportives prévues pour les Jeux méditerranéens de 2021, constituent le casse-tête quotidien des autorités locales d’Oran qui ont élu domicile, pour l’occasion, dans l’ancien siège de la daïra.
Cette bâtisse, sise boulevard de l’ALN (ex-Front de mer) a été vidée de ses occupants et ses archives avant d’être réaménagée et remise au Comité olympique algérien, le COA. Son ouverture officielle a été inaugurée par le ministre de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali. Ainsi, la capitale de Sidi El Houari accueillera les Jeux méditerranéens dans moins de quatre ans. On attend une vingtaine de pays, tous du Bassin méditerranéen.
Préparer un événement d’une telle importance n’est pas chose aisée. Les autorités sont sur le qui-vive. Mais le ministre de la Jeunesse et des Sports a affiché son assurance. «L’Algérie est apte à abriter des événements d’envergure internationale», a affirmé El Hadi Ould Ali.
A Oran-ville, les autorités locales mettent le paquet dans le cadre de ces préparatifs à travers la réalisation de nouvelles infrastructures sportives et hôtelières, dont un grand complexe olympique. Cette ville sera-t-elle prête? En tout cas, les investissements dans le secteur hôtelier battent hier plein.
Il reste que cette frénésie de constructions risque de faire perdre à Oran son âme. Que fera-t-on de ces dizaines d’anciennes bâtisses qui se distinguent par leur architecture? L’annonce de la démolition de 400 immeubles donne froid dans le dos.
On avance que ces bâtiments sont «irrécupérables vu leur vétusté avancée».
Bien avant que l’engin démolissant ne se mette en marche, la nature, qui a horreur du vide, a bien fait les choses en amochant la façade principale de la ville des Deux Lions.
Au jour d’aujourd’hui, la ville, qui vit au rythme des effondrements de bâtisses, offre une image hideuse. Si la place d’Armes est, à la faveur de la réalisation du tramway d’Oran, ornée par toutes sortes de décorations, le contraire est, de visu, perceptible un peu partout dans les entrailles de la ville.
Une historicité mal assumée
La rue Philippe, rue des Jardins, Derb, Sidi El Houari, Cavaignac, Saint-Pierre, la Bastille, Gambetta, Plateau, El Hamri, Mediouni en sont des exemples concrets reflétant le laisser pour soi d’une ville qui a totalement perdu toutes ses couleurs chatoyantes d’antan. Le quartier populaire de Sidi El Houari, dont l’histoire remonte à des siècles, recèle 90% des sites historiques abandonnés, alors qu’ils peuvent facilement faire le bonheur des touristes et des férus de la recherche en histoire.
«Des cités dortoirs naissent comme des champignons un peu partout», dira Mohamed, un jeune étudiant à l’université d’Oran. En un mot, El Bahia tourne le dos à l’historicité et l’authenticité de son histoire. Cette ville qui a été le carrefour de 1001 histoires héritées des civilisations qui l’ont marquée. Les forts, donjons, les portes espagnoles, le mur de Rozalcazar, les palais ottomans et leurs tunnels, la mosquée du Pacha sont en attente de réhabilitation.
La «bêtise humaine» a atteint son apogée, lorsque les «bétonnés-bétonneurs» des années 1980 ont violemment défloré la virginité du palais du Bey. Ceux-là n’ont trouvé rien de mieux à faire pour développer le tourisme que de construire l’hôtel Châteauneuf à côté du palais.
Faute de crédit et à la faveur de la chute libre des cours du pétrole durant les années 1980, le projet a été abandonné laissant une masse de béton côtoyant de près le palais! Jusqu’à ce jour, la masse de béton de plusieurs niveaux continue à faire suer les responsables hiérarchiques. La partie ouest de la ville d’Oran étant infranchissable, vu le relief rocheux la composant, l’investissement dans la ville s’étend vers l’Est. Cette partie, très précisément à Belgaïd, le grand complexe olympique s’est dessiné amplement prenant brusquement sa forme.
La société chinoise, ayant raflé le projet, avance dans la réalisation dudit chantier. Ladite infrastructure est, du point de vue sportif très important. Elle comprend 40.000 places, une salle omnisports, un centre nautique et des cours de tennis. Selon les promoteurs du projet, le taux d’avancement est de 70%.
Et qu’en est-il du village olympique? Là encore, les promoteurs du projet y mettent les bouchées doubles. Dans le tas, ils avancent que «le village olympique, qui accueillera pas moins de quelque 6000 athlètes, sera livré bien avant le lancement de la compétition rentrant dans le cadre des Jeux méditerranéens. Cependant, la date n’est pas encore fixée! «Ce sera fait en 2019 ou 2020», a-t-on fini par dire, tout en trébuchant avant d’évacuer rapidement une telle question. «Ce projet, une fois les JM 2021 clôturés, sera dédié aux étudiants», a-t-on affirmé.
Le règne de la spéculation
Ces infrastructures sportives toute neuves viennent conforter d’autres complexes sportifs existants comme les piscines olympiques d’Oran. Toute cette armada de projets est argumentée à partir d’un seul fait; faire face au problème d’hébergement des sportives et sportifs devant prendre part aux JM 2021. Quant aux capacités d’hébergement de la ville, elle sont de l’ordre de 25.000 lits, dispatchés sur une centaine d’hôtels, dont certains ouvriront leurs portes dans les deux années à venir etc. dans le lot, le secteur privé a bénéficié d’un intérêt particulier.
D’importantes facilitations ont été accordées aux investisseurs. D’ailleurs, les pouvoirs publics se félicitent d’avoir accompagné le secteur privé dans ses investissements. A Oran, deux hôtels publics peuvent faire le bonheur des milliers de touristes nationaux et étrangers. Il s’agit du Grand Hôtel, situé place du Maghreb (ex-place de la Grande Poste, et l’hôtel de la Gare, situé boulevard Marceau.
Si le premier a été récupéré après l’annulation de la transaction douteuse conclue, le deuxième est toujours squatté par des indus occupants, ne versant aucun sou à son propriétaire, l’APC d’Oran. Force est de constater que les Jeux méditerranéens de 2021 ne changeront pas d’un iota la vie sociale, culturelle ou économique de la ville d’Oran hormis l’orgueil de vouloir organiser vaille que vaille une telle rencontre d’envergure régionale et arracher le maximum de titres.
C’est d’ailleurs cette extrapolation que l’on peut déduire des déclarations faites par les responsables, aussi bien locaux que hiérarchiques. Nombreux sont les responsables locaux qui affirment que «la wilaya d’Oran ainsi que ses habitants seront prêts à rendre heureux le peuple algérien durant les JM». Comment donc rendre cette joie à un peuple et une ville frappés de tous les maux sociaux? Accueillir les Jeux méditerranéens est pour les responsables locaux, une victoire méritée.
La date précise des JM d’Oran connue en décembre
La date précise des 19èmes Jeux méditerranéens, prévus en 2021 à Oran, sera annoncée à la mi-décembre prochain, a déclaré hier le président du Comité international des Jeux méditerranéens. «Lors de la réunion du Cijm, tenue deux jours durant à Oran, nous nous sommes donné un délai jusqu’à la mi-décembre pour arrêter définitivement la date (précise) de la tenue des JM 2021 à Oran», a indiqué Amar Addadi.
«Cette décision a été prise pour nous permettre de consulter les Fédérations sportives internationales, éviter le chevauchement des dates avec les grands événements sportifs internationaux et prendre en considération l’agenda olympique international, marqué par un grande nombre d’activités», a-t-il soutenu.