63e anniversaire de la disparition de Zighoud Youcef : Si Ahmed ou l’architecte d’un second 1er Novembre

63e anniversaire de la disparition de Zighoud Youcef : Si Ahmed ou l’architecte d’un second 1er Novembre

Le nom de Zighoud Youcef apparaît à chaque date anniversaire du 20-Août.
La première date fut son œuvre, sa création, le résultat d’une longue réflexion sur le sort de la révolution armée qui menaçait d’imploser à défaut de s’imposer. C’était en 1955.
La seconde, il n’y était pas favorable, mais au moment de voter sur le programme du Congrès de la Soummam, sa voix sera pour. A ses frères d‘armes, dont Larbi Ben’Mhidi et Benmostefa Benaouda, dit Ammar, il expliquera la positivité de son vote «pour que les rangs de l’ALN restent serrés».

Zighoud Youcef est né un 18 février 1921 au condé Smendou, au nord-est de Constantine. Comme tous les jeunes algériens de l’époque, il usera ses pantalons sur les pierres rugueuses de l’école coranique et les bancs de l’école publique. Il décrochera le certificat d’études et ses études s’arrêteront à ce niveau, comme pour la majorité des jeunes indigènes.
A 17 ans, il sera sur la liste des militants affiliés au PPA et sera la premier responsable du parti au Condé Smendou. C’était en 1938. Il adhérera ensuite au MTLD en 1947. Son chemin de militant le conduira à l’OS puis en… prison pour son engagement politique. Forgeron de formation, Zighoud fabriquera des clés de fortune qui lui permettront de s’évader de la prison de Annaba avec d’autres prisonniers politiques, dont son futur compagnon d’arme, Benmostefa Benaouda.

Le stratège du nouveau souffle révolutionnaire
C’est le plus normalement du monde qu’il atterrira, par la suite, au CRUA, comité révolutionnaire chargé de mettre en place les ingrédients nécessaires à la lutte armée, après que tous les moyens pacifiques furent passés à la trappe. Le forgeron de Smendou participera à la réunion du Clos-Salembier (El Madania-Alger) et son nom sera inscrit parmi les 21 autres personnalités à l’origine du 1er Novembre.
Dès lors, son destin se confondra avec la révolution armée, ses succès, ses incartades et ses martyrs.
Zighoud commencera par être le bras droit de Didouche Mourad, l’un des six historiques, qui tombera les armes à la main, à l’âge de 28 ans, le 18 janvier 1955 au cours de la bataille de Oued Boukarkar.
Zighoud Youcef prendra la relève et sera à la tête de la Wilaya II.
A partir de cette date, la révolution armée, qui n’avait pas encore trouvé son rythme de croisière, commençait à donner des signes d’essoufflement et de fatigue. Les grandes villes, comme Constantine, Alger ou Oran, donnaient une étrange impression de neutralité et les rangs des combattants menaçaient de dislocation avant même leur formation. La future guerre d’Algérie annonçait sa mort prochaine, faute de combattants, d’armes et de dirigeants. C’est que tous les stratèges avaient été arrêtés ou tués. Ne subsistait que le Lion du djebel dans les montagnes de Kabylie, Krim Belkacem. Il y avait aussi une certaine agitation dans le berceau de la révolution, les Aurès, en l’absence de son leader, Mostepha Benboulaïd, emprisonné à la prison de Coudiat à Constantine, dont il s’évadera au mois de novembre 1955. C’est tout.
Et le pire, c’est que les «évènements d’Algérie» étaient considérés par les autres nations comme «une affaire interne» de la République française, et que les terminaisons informationnelles entre les «rebelles» étaient au point mort.

L’ermitage de Si Ahmed
Zighoud Youcef, dans les monts du nord-constantinois, était consterné et isolé. Il s’imposera alors une sorte d’ermitage «pour une longue réflexion», dira-t-il à son famélique corps d’armée.
Dans sa tête émergera l’idée d’une relance de la révolution, une relance qui permettra de remettre sur rails une révolution menacée d’avortement, de replacer la question algérienne au cœur du concert des nations, de confirmer aux leaders kabyles et chaouis que la lutte est toujours omniprésente, et de faire sortir Constantine, le centre et l’Ouest de leur léthargie et de leur neutralité. Bref, Zighoud Youcef allait impliquer tout le peuple algérien dans la lutte armée, et que celui qui ne sera pas pour, sera forcément contre.
Zighoud allait se révéler un brillant stratège. Il décidera de plusieurs attaques, en plein jour, à midi, en opposition temporelle à celles du 1er Novembre, à minuit. Les cibles ne seront pas uniquement des bâtiments de l’administration coloniale ou des policiers, mais de tout ce qui représente la France, même les civils. Il désignera 34 points d’attaques, des cibles, à Constantine, El Harrouch, Skikda et Oued Zenati.
Tout sera mis au point dans une villa, plutôt une ferme, appartenant à la famille Boukhelkhal, sur les hauteurs de Constantine le 19 août 1955.
Les attaques aussi soudaines qu’inattendues se révéleront d’une force médiatique incroyable. Le monde entier entendra parler «des massacres du Constantinois». Et si les victimes européennes n’ont pas dépassé le chiffre de 200, celles algériennes allaient atteindre les 5 000, selon les chiffres de l’administration française, 14 000, selon un décompte algérien, les jours suivants l’insurrection du Constantinois.
Cette relance sanglante de la révolution algérienne, qui n’a pas fait l’unanimité au sein de la classe des combattants algériens, fut reconnue par la suite comme un sursaut salvateur d’une révolution qui commençait à s’enliser dans l’indifférence et le renoncement.
La stratégie de Zighoud allait se confirmer payante pour les buts espérés et fixés par le forgeron de Smendou.
Elle allait surtout illustrer le désarroi et la fuite en avant de la classe politique française, qui a longtemps minimisé «les évènements d’Algérie».
Les autorités coloniales, et devant la gravité de la situation après l’offensive du 20 août, dérouleront l’état d‘urgence à tout le pays. Auparavant, seule la Kabylie et les Aurès étaient concernés.
Le trouble de la classe politique de l’Hexagone allait aussi sonner le clairon du rappel des appelés du contingent qui allaient être confrontés à l’horreur de la guerre et son… contingent de tortures et d’exécutions sommaires.
Le gouvernement d’Edgar Faure ne survivra pas, lui non plus, aux événements du 20 août.

La Soummam, l’autre 20-Août
Zighoud Youcef sortira grandi de l’offensive du nord-constantinois, et sera affirmé comme un vrai stratège de guerre. Il est nommé membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA). Il portera aussi le grade de colonel de l’Armée de libération nationale (ALN). Le Conseil de la révolution l’attestera aussi comme Commandant de la mythique Wilaya II, en remplacement de Didouche Mourad, tombé à ses côtés sept mois plus tôt.
La révolution, qui voulait se doter d’un manifeste, d’une constitution, allait organiser un congrès pour tracer les longues lignes de sa politique interne et externe. Zighoud Youcef sera chargé de trouver un endroit loin des regards inquisiteurs de l’occupant. Il annoncera le lieu de la tenue du congrès sur les monts de la région de Collo. La décision finale désignera la vallée de la Soummam. C’est là, que se tiendra le fameux congrès éponyme et c’est de là que les cadres de la révolution s’étaleront pour expliquer aux djounoud et au peuple la vision et l’étendue des décisions prises sur les hauteurs de la région de Béjaïa.
C’est justement au cours d’une mission explicative des sentences du Congrès de la Soummam que Si Ahmed tombera les armes à la main aux environs de Sidi Mezghiche, wilaya de Skikda, le 25 septembre 1956. Il avait tout juste 35 ans. On l’appelait Si Ahmed. Il est tombé les armes à la main pour que vive l’Algérie.