Tous les regards sont désormais fixés sur le cas Tliba, député déchu de son immunité et homme d’affaires de l’Est algérien très controversé. L’homme serait en fuite, annonçaient plusieurs sources ce lundi, mais des relais médiatiques, qui se disent mandatés par le mis en cause, apportent des nuances à cette information à l’heure où plusieurs sources font savoir que la justice se trouve prête à lancer un mandat d’amener dans le cas où ce dernier refuserait de se présenter.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – De personnalité puissante, jouissant d’une impunité comme seul pouvait en fournir le régime mis en place par Abdelaziz Bouteflika, le statut de Tliba est passé à celui d’homme traqué, cible de la justice, pourchassé par les forces de l’ordre qui n’ont pas démenti avoir procédé à des perquisitions de son domicile et autres lieux où il était susceptible de se trouver dans sa ville natale, Annaba.
Raillé sur les réseaux sociaux, il alimente l’une des affaires les plus suivies par l’opinion, les plus sensibles aussi compte tenu des développements observés depuis l’annonce, par le ministère de la Justice, de la décision de le poursuivre pour financement occulte de la campagne présidentielle. Plus de huit jours ont passé depuis le retrait de son immunité parlementaire, un laps de temps largement écoulé pour que la convocation du parquet de Sidi-M’hamed lui parvienne. Elle lui est parvenue il y a quatre jours, peu de temps après que celui-ci eut dévoilé publiquement sa contribution à l’arrestation du fils d’Ould Abbès.
Un secret de Polichinelle en fait puisque les éléments apportés par l’avocat de Mehdi Ould Abbès en avaient fait état quelques jours auparavant. «Mon client et Tliba se connaissaient. Le député a demandé à Mehdi de lui fournir une voiture de luxe dont le montant a été fixé à deux milliards. Le soir même, des individus se sont présentés à son domicile avec l’argent et une enveloppe de 200 000 euros. Il a été arrêté sur-le-champ», indiquait au Soir d’Algérie Me Ksentini au cours des jours passés. Dans une lettre ouverte, Tliba confirme avoir contribué à la lutte contre la corruption en fournissant des éléments précieux. Il enfonce davantage Mehdi Ould Abbès en dévoilant qu’il lui avait exigé la somme de sept milliards pour pouvoir figurer sur une liste de candidats à la députation durant les législatives de 2017.
Tliba s’attend à des retombées positives, tente de remuer le bouillon opaque en lançant des rumeurs laissant entendre qu’il s’apprête à se livrer à des révélations fracassantes, mais rien n’y fait. Des sources proches du dossier le disent alors hors de lui et prêt à tout pour ne pas se laisser emprisonner. Les vingt-quatre heures qui suivent la réception de la convocation apportent de nouveaux éléments. Des informations, parties d’on ne sait où, annoncent sa fuite vers la Tunisie. Emprunter les voies normales lui aurait été impossible en cas d’ISTN (interdiction de sortie du territoire national) et même sans avoir été frappé de cette mesure car faisant l’objet d’une convocation et étant au centre d’un dossier des plus en vue. Une arrivée aussi importante, dans une conjoncture aussi sensible, aurait aussi alerté les policiers tunisiens parfaitement informés que toute compromission pouvait engendrer des conséquences importantes avec le voisin algérien. Jusque-là prolixe, Tliba garde le silence durant toute la journée de lundi.
Dans la soirée, de nouveaux éléments surviennent. Un blogueur algérien, bien connu et établi à Londres, s’adresse en son nom aux Algériens à travers une vidéo. Au nom de celui qu’il présente comme étant une connaissance de longue date, et au nom de la confiance que Tliba lui accorde, dit-il, il s’élève contre le terme «fuite», terminologie utilisée pour les personnes ayant fui leur devoir devant la justice, ajoute-t-il, mais affirme que l’ancien député «se trouve actuellement dans un endroit sûr et auquel personne ne peut parvenir».
L’assurance du blogueur et sa manière d’affirmer l’inaccessibilité accentuent les interrogations, ouvrent la porte aux hypothèses les plus incroyables, mais tracent mal la limite entre la fuite et l’acte de dissimuler. S’appuyant sur des documents remis par Bahaeddine Tliba, le blogueur annonce, ensuite, que le mis en cause a décidé de se présenter à la justice sous conditions : que le parquet de Annaba écoute son témoignage et accepte d’ouvrir une enquête au sujet d’affaires scabreuses qui ont eu lieu il y a quelques années à Annaba. Il dit détenir des preuves.
Selon ce témoignage, Tliba précise aussi une nouvelle fois avoir contribué à l’arrestation du fils de Ould Abbès et avoir témoigné à son encontre. «Je sais que j’irai en prison, écrit-il dans une lettre lue par le blogueur, mais avec une justice qui accepte mon témoignage sur ces graves affaires».
Des sources proches du dossier affirment que le même écrit a été adressé au parquet d’Alger. Ici, affirment les mêmes sources, la procédure légale en cas de non-présentation sera appliquée en tout état de cause. Selon la procédure en vigueur, la réglementation prévoit un mandat d’amener si celui-ci se refuse à se présenter deux fois de suite. Tliba ira-t-il jusque-là ? Maintiendra-t-il sa confrontation ? Pour l’heure, assure-t-on, le député intouchable continue à être traqué par les forces de l’ordre.
A. C.