La justice tunisienne a décidé, hier, de libérer le candidat à la présidentielle Nabil Karoui, a indiqué l’un de ses avocats, Maître Kamel Ben Messoud, précisant que cette décision a été prise par la Cour de cassation.
Le finaliste du second tour, incarcéré depuis le 23 août, devait quitter la prison dès hier soir après avoir été inculpé de fraude fiscale et blanchiment d’argent. Mais cette privation de liberté ne l’a pas empêché de terminer en seconde place lors du premier tour, derrière l’universitaire indépendant Kais Saied.
Ce dernier avait, pour sa part, renoncé à la campagne pour le second tour, prévu le 13 octobre, en l’absence d’un adversaire qui avait vu sa demande de libération rejetée par la justice tunisienne le 1er octobre, alors que l’Instance supérieure indépendante pour les élections, s’appuyant sur la présomption d’innocence, l’autorise à être candidat, à moins qu’il ne soit définitivement condamné par la justice.
La veille de sa sortie de prison, l’homme d’affaires tunisien, et président du parti Qalb Tounès, accusé de blanchiment d’argent et de fraude fiscale, avait déposé un recours en justice pour demander le report du scrutin de dimanche prochain. Dans un communiqué rendu public, ses avocats ont indiqué que « M. Nabil Karoui tient à son droit de se présenter au deuxième tour de l’élection présidentielle anticipée […] par respect [pour] la volonté du peuple et des électeurs qui l’ont élu ». Ils ont précisé que « les rumeurs relatives à son retrait de la course à la présidentielle sont fausses et infondées ».
La mise en liberté de Nabil Karoui a été décidée alors que les Tunisiens attendaient, pour la soirée d’hier, les résultats préliminaires des élections législatives.
Dans la journée, les estimations convergeaient toujours vers une nette avance d’Ennahdha, qui devrait être chargé de former le gouvernement, une déroute du courant centriste et une percée notable de nouveaux partis hétéroclites. Les tractations entre les partis ont démarré dès la publication, dimanche soir, de sondages donnant la mesure de l’éparpillement des suffrages pour ces législatives coincées entre deux tours de la présidentielle. Avec une cinquantaine de sièges, sur les 217 que compte l’Assemblée des représentants du peuple, le parti d’obédience islamiste Ennahdha devrait rester le principal parti du Parlement. Mais il est loin des 89 sièges obtenus en 2011, et des 68 dans l’Assemblée sortante. En outre, contrairement à 2014, vu la fragmentation des forces, il lui sera difficile de trouver un partenaire de poids pour former une coalition gouvernementale, nécessitant 109 voix. En nombre d’électeurs, «la chute est même significative», remarque Selim Kharrat, de l’observatoire du Parlement al-Bawsala. Le parti est passé de 1,5 million de voix au lendemain de la révolution qui a chassé Zine el Abidine Ben Ali, à 434 000 au premier tour de la présidentielle. Son rival Qalb Tounès était donné deuxième, alors que se posait la question de savoir si la solidité de ce parti, fondé autour de la personne de M. Karoui, allait « survivre longtemps ou sera-t-il victime de ses contradictions », s’est interrogé l’ex-député Sélim Ben Abdesselem, auteur d’ouvrages sur la vie politique tunisienne.