A quoi tient le défi agricole ?

A quoi tient le défi agricole ?

En dépit des perceptions qu’on a à son endroit, l’agriculture en tant qu’alternative nourrissant chez le commun des mortels le fantasme de nouveaux espoirs (en cette ère de l’après-pétrole annonciatrice d’une récession économique), demeure pourtant (à ne pas se tromper, ni à en douter) un secteur vital à haute valeur ajoutée faisant appel à des technologies avancées, aux fins de gains de productivité et d’une rentabilité économique recherchée, dans la limite raisonnable d’une éthique d’un bien-être global et durable.

Mais est-il permis de penser que nous sommes dans ce cas de figure, même l’instant d’un discours se voulant être bien sûr exalté, pour affirmer sans réserve et « tambour battant » telle une source de félicité ou une vérité absolue, que l’agriculture pratiquée chez-nous par une paysannerie vieillissante, est de toute évidence la voie de notre salut dans l’état actuel de son fonctionnement ? Le discours de circonstance qui se voulait-être bien évidemment à tonalité galvanisante, destinée à une foule « claironnée » de partout pour servir d’applaudimètre et convaincre l’opinion publique que la solution est toute trouvée en ce 41éme anniversaire de l’UNPA n’est pas réaliste de mon point de vue, si l’on se réfère au degré d’exigence d’un tel défi qui est incontestablement, celui : de l’accumulation de savoir-faire, de la technicité, de la formation continue, de la recherche d’excellence, de l’utilisation rationnelle des deniers publics, de l’ingénierie et du management. C’est dire qu’il n’est pas permis de rêver, même l’instant d’une atmosphère frénétique, comme ce jour là !

Une pratique à la peau dure !

Loin de faire partager l’inquiétude d’une récession économique qui pointe à l’horizon, le seul souci premier pour l’organisation de masse ce jour là à Ain-Defla, est l’exigence d’être « l’ordonnateur » principal de la nouvelle banque en voie de création, chargée d’octroyer « le crédit mutuel rural » aux petits agriculteurs comme si cette agriculture à laquelle on souhaite faire jouer un rôle majeur était « ad vitam aeternam » : celle de l’indigence des sans-gêne et par conséquent, des subventions sans contrepartie. C’est du déjà vu ! Tous en figurants intéressés, bien que sachant que la « vache laitière » est tarie, ne sont venus que par l’odeur alléchés par le mode distributif, comme on les a habitué en « caisse à résonnance » à finalité politicienne, tirant de la sorte les dividendes, sans retombées positives sur le développement du secteur agricole dans sa globalité.

Et de s’interroger ? À quoi ont servi tous les soutiens faramineux jusque là accordés par l’État, au point de continuer à demander encore, et encore, toujours davantage, à un moment où la parcimonie et la rigueur dans la gestion des deniers publics se doit d’être de mise ? Ceci, juste pour le principe, car l’évaluation bilancielle, est devenue chez-nous, chose désuète au même titre d’ailleurs que le contrôle! Et puis !        Il faut croire que nous n’avons guère le temps pour cela, occupés que nous sommes, à griller nos atouts et à dilapider nos richesses !

Sinon, comment peut-on expliquer que les soutiens accordés par l’État aux éleveurs par exemple, n’ont pas eu pour effet d’endiguer la dégradation des parcours en milieu steppique ? Mais aussi, aux phoeniciculteurs d’exporter davantage de dattes, alors que de meilleure qualité que toutes leurs consœurs étrangères, il est vrai ! N’est-ce pas aussi que la CNMA-banque a été ruinée ? Sa faillite et celle de sa filiale la SALEM étaient du reste prévisibles, disaient les experts de la finance ! Les transgressions des règles élémentaires dans l’exercice de ces établissements fiduciaires se sont révélées nombreuses, lors du contrôle mené par l’Inspection Générale des Finances (IGF), avec des créances cumulées tout à fait contraires à la loi, dans la mesure où elles résultent de relations d’affaires entre la banque et ses actionnaires, ce qu’interdit la loi sur la monnaie et le crédit.

Paysannerie travestie par la faute de l’Etat !

Encore que cette paysannerie-alibi qui fait courir ceux qui l’utilisent comme registre de commerce et l’agitent à l’occasion comme « épouvantail » de soutien, jadis hiérarchie tribale en gestionnaire du destin de la communauté, qui plaçait le droit d’aînesse au-dessus des uns, et la piété filiale par-dessus tous, n’est plus aussi influente qu’on veuille le faire croire, et le rappeler à chaque veille de rendez-vous électoral ! La vérité est que de nos jours, l’autorité morale a perdu prise sur le destin du monde rural et s’est vue bousculer par les jeunes contestataires, qui ont depuis bien longtemps rejoint la ville pour faire dans la débrouille de petits boulots quand ils ne sont pas tout simplement livrés aux aléas des risques des grandes agglomérations, de leurs tentations et dangers, livrant les terres de nos campagnes à la déprise agraire, à l’abandon et à la désolation. Tout semble dire que ces gens là ont définitivement tourné le dos au travail productif !

Ces « jeunes loups » préfèrent se « fossiliser » aux cafés et gargotes des villes et villages, plutôt que de revenir au travail de la terre qui s’accommode peu de leurs nouvelles conditions inspirées par la frime et le souci du paraître autrement que paysan, comme s’il s’agissait là d’une tare qu’il faille effacer à jamais.

Ils n’ambitionnent rien d’autre que de garder leur statut de rurbains vivant aux crochets de l’Etat providence, et des avantages de l’ANSEJ. Pauvre de nous, peuple « cul-jatte » ! Nous sommes là, dans la logique du soutien politique du « donnant-donnant », et non celle économique, du partenariat et du « gagnant-gagnant » ! Dans le pire des cas, certains parmi eux finiront comme élus au niveau local, voire même, députés ou sénateurs ! Parions qu’ils seront les premiers servis comme d’habitude, les autres étant aux champs, occupés à la besogne ! Dans ce type de rendez-vous de masse qui consiste plus à rassurer les esprits gourmands, à charmer et à titiller notre vanité de peuple surestimant ses capacités propres qu’à sensibiliser sur les risques à venir et la part de responsabilité de chacune et de chacun de nous en toute humilité, c’est la complainte du « dâam arrifi » qui prévaut, à défaut d’engagement traduit comme dans la fable de Maitre Lafontaine, en labeur autour de la terre nourricière qui nécessite des bras vaillants, en lieu et place de mille discours aussi salvateurs soient-ils, et d’appropriation d’espaces pour consolider son influence, en se targuant de sa capacité mobilisatrice. Non ! De toute évidence, cette démarche n’est pas de bon augure ! Elle est celle d’un temps révolu, et n’a plus cours dans cette ère de la performance, de l’efficience économique et de l’excellence ! Oui ! Nous sommes les seuls à ne pas l’avoir compris ! Mais jusqu’à quand ?

C’est vrai que lorsque nous évoquons les enjeux de l’avenir, nous sommes habitués à cette réponse toute faite, et bien de chez-nous :« Li khlak maa idayaa » ! C’est-à-dire que Dieu veille sur nous, et ce, quelque soit le degré de notre paresse ! À vrai dire, et au risque de déplaire, dans cet état d’esprit rentier je dirais que nous sommes guettés par la famine !

Et à ce rythme là, il est à craindre qu’il faille malheureusement négocier notre existence avec des parties étrangères qui viendraient travailler à notre place (au risque d’une perte totale de notre souveraineté, déjà entamée) pour avoir été longtemps couvés par l’État providence, qui a fait de nous un peuple mineur, incapable de se prendre en charge, en dehors des circuits de l’assistanat.

Dans cette mécanique globale qui est l’ordre mondial transcendant, force est de constater malheureusement que notre pays n’est pour ainsi dire, que des pompes de puits de gaz et de pétrole qui finiront par se tarir, affabulées d’un drapeau et d’un vague souvenir de décolonisation. Oui ! Il m’attriste de le dire de la sorte, dans un langage aussi cru, et je m’en excuse auprès des âmes sensibles qui portent au plus haut degré des valeurs : la dignité et l’honneur de gagner son pain à la sueur de son front, sans tendre la main à qui que ce soit, et y compris à l’État providence !

Si on en est là, c’est que l’exode a été accompagné en « prime », par une construction massive de logements, d’équipements socio-éducatifs et sportifs à la lisière des villes (plus d’un million trois cents mille logements déjà réalisés sur la période 2.000-2.015). C’est du jamais vu, nulle part ailleurs à travers le monde ! C’est une sorte de cadeau à la paresse distribué à environ sept millions d’habitants, comme s’il y avait autant de SDF.

C’est dire que la demande est fictive et de surcroît impactée par le prélèvement de dizaines de milliers d’hectares de terres pour la localisation des programmes d’habitat, d’équipements et d’extension des infrastructures de base (150.000 à 200.000 hectares soustraits à l’agriculture depuis 1962) , en même temps que furent abandonnés, d’autres centaines de milliers de logements en milieu rural suite à la désertisation rurale qu’a connu le pays, et particulièrement durant la décennie noire.

Face à l’ampleur de ce phénomène, la politique du renouveau rural, du « dâam arrifi » est restée une coquille vide, dans la mesure où elle n’a pas permis le retour tant attendu des populations rurales dans leurs campagnes d’origine, malgré tous les efforts entrepris, sinon, à l’occasion de certaines manifestations familiales ou tribales, comme la « Ouaâda » du Saint patron de la communauté, dont on se rappelle l’existence à l’occasion. C’est toujours bien de marquer sa présence ! Sait-on jamais ! Ainsi fonctionne la malice rurale, chez cette paysannerie travestie en entité néo-urbaine qui a perdu ses repères, à vouloir trop courir derrière les aides et les soutiens de l’État, en cherchant la proximité de la sphère distributive!

Non ! Il ne faut pas se faire d’illusions ! L’agriculture est avant tout une activité de gens passionnés aux mains calleuses et proches de la nature. Elle ne saurait se pratiquer correctement et à hauteur du défi d’une nation qui n’a pour seul choix, que celui du travail de la terre en tant qu’alternative durable, que par une authentique paysannerie sachant établir le lien charnel qui l’ancre à la terre de ses aïeux. Par contre, celle qui fait dans la navette : ville-campagne du transport rural « nakl arrifi » n’est en aucune manière cette partie crédible sur laquelle il faut miser ! Elle est devenue à l’exercice de la ville, « accro » au flegme et au farniente, après avoir goutté au plaisir du lève-tard, qu’affectionnent les gagne petit et les paresseux.

C’est ceux là qui courent derrière le crédit et tout autre avantage ! C’est pourquoi, de mon point de vue cette catégorie qui a vendu son âme au mirage de la ville, n’autorise aucun espoir ! « Le crédit mutuel rural » devrait concerner en premier lieu, les oasiens qui triment pour leur survie et pour le maintien du système ksourien voué à la disparition s’ils venaient à migrer, et les montagnards qui ont eux-aussi, besoin d’activités complémentaires pour rester accrochés aux arpents de leurs terres déclives soumises à érosion, et vivant dans des conditions de précarité difficilement soutenables ! C’est cette agriculture familiale de subsistance et dans le même temps de veille territoriale qui a le plus besoin des aides et soutiens de l’État, puisqu’étant à caractère d’utilité publique !

Pour un soutien sélectif !

Pour avoir été tout au long de ma carrière, un observateur attentif et averti des questions agricoles, je dois dire que la sécheresse évoquée de façon cyclique pour justifier la faible productivité agricole ne saurait être à elle seule, l’explication suffisante à cet état de fait. En tous les cas, elle n’a jamais été un handicap extrême pour ces « gros bras » de cette paysannerie de la région de Mascara, qui s’en est quelque peu accoutumée.

C’est en effet, suite au rabattement de la nappe de la plaine de Ghriss, qu’une bonne partie de ces valeureux paysans a migré vers d’autres Wilayas dans sa quête de nouvelles terres à mettre en valeur, dans le propre style de ces pionniers du « Far-West ».

C’est ainsi qu’ils devinrent locataires terriens à Ain-Skhouna, à Sidi-Bel-Abbès, à Rechaiga, à Ain-Defla, à Ain El Bel, à Bousaâda, à El-Ghrouss et à El-Oued. Cet exode a eu pour effet bénéfique, la récupération de milliers d’hectares jusque là non travaillés puisque livrés auparavant à la jachère et aux mauvaises herbes. Ils développèrent la culture de la pomme de terre, de l’oignon, de la carotte, de la pastèque et firent des émules à la faveur de leur savoir-faire paysan. Mais alors ! Ne peut-on pas dire sans risque de se tromper, qu’ils sont les précurseurs de ce qu’il convient d’appeler : la « démocratisation » de la culture des produits agricoles de première nécessité, que nous retrouvons aujourd’hui à travers toutes les wilayas ? À moins d’ingratitude, c’est ce que devraient retenir, la mémoire collective et l’histoire contemporaine de cette Algérie agricole qui ne court pas derrière les soutiens de l’État ! Ici, c’est le transfert d’un savoir-faire de paysan à paysan qui a agi en déclic salvateur générateur de richesses, en l’absence du soutien défaillant des structures de recherche et de vulgarisation cantonnées dans leur quasi-totalité dans la région algéroise.

N’est-ce pas aussi, que c’est à ces gens là et à leurs émules, que devrait revenir la terre en toute logique, et non aux affairistes et aux entrepreneurs, si l’on songe réellement à notre sécurité alimentaire ? Cette expérience réussie, est relatée tel un hommage à cette paysannerie du mérite qui n’attend rien du « dâam arifi », pour dire, que l’effort et le travail bien accomplis sont chaque fois couronnés de succès, et qu’effectivement, un trésor est bien caché dans les profondeurs des sillons de cette terre bénie baignée par le soleil qui imprime un goût exceptionnel à nos produits, pour peu qu’on veuille la travailler. Moralité, c’est cette expérience qui doit faire contagion, et non, la culture du gain facile de la vente « saprophyte » des produits agricoles en seconde, troisième, voire quatrième main!

Anticiper sur les migrations climatiques

N’est-ce pas aussi, que de façon périodique, des bourrasques de vents de sable nous rappellent toute la fragilité des écosystèmes steppiques et oasiens que nous n’avons pas su préserver ? Oui ! Même les pays de l’Europe du Sud se sentent menacés par ce risque majeur, qui pèse durablement sur notre agriculture et peut se traduire en exode climatique de plus en plus massif. Ce n’est là, ni une vue de l’esprit ni un scénario apocalyptique qui consiste à faire peur. Eau, couvert végétal, fertilité des sols, tout ce qui constitue les bases de la vie est exposé à la disparition à cause de la désertification. La progression des espaces désertiques pose un des plus grands défis environnementaux de l’heure, et menace de manière dangereuse, les besoins fondamentaux de l’homme vivant dans les contrées arides et semi-arides.

C’est bien au contraire, une vision réaliste de ce qui nous attend, si de vastes programmes de lutte contre la désertification ne sont pas entrepris avec toute l’intensité voulue, qui est celle de grands travaux d’aménagement du territoire, à l’échelle des régions des Hauts-Plateaux et du Sud, voire à l’échelle des régions Subsahariennes, dans le cadre d’un co-développement transfrontalier qui pourrait donner enfin au NEPAD, sa dimension opérationnelle souhaitée. Et dire que l’Algérie a été précurseur et leader dans le domaine de la lutte contre la désertification en Afrique, à travers notamment, son expérience du barrage vert, la mise en défens, la protection des parcours steppiques et la fixation des cordons dunaires ! L’on observe cependant, un fléchissement dans l’intensité des travaux, alors qu’on assiste à une plus grande mobilisation à l’échelle des pays du Sahel où la désertification et la dégradation des terres mettent à rude épreuve des millions d’individus. Pour renverser ces tendances, une décision a été prise par des Chefs d’États et de gouvernements africains en 2007, pour l’édification d’un rempart vert « Grande Muraille Verte » large de 15 Kms, qui traverse le continent Africain afin de stopper l’avancée du Sahara vers le Sud.

Ce rempart transcontinental relierait le Sénégal à l’Éthiopie, passant par 11 pays et couvrant une distance de 7.000 Kms. Ce mégaprojet mobilise plus de vingt pays, ainsi que des organisations internationales, des instituts de recherche, des représentants de la société civile et des organisations locales. Depuis 2010, la FAO (en collaboration avec l’Union Européenne et le mécanisme de la convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification) soutient la Commission de l’Union africaine et les pays partenaires à réaliser cette initiative. C’est ainsi que des plans d’action sont en place au Burkina Faso, à Djibouti, en Erythrée, en Ethiopie, en Gambie, au Mali, au Niger, au Nigéria, au Sénégal, et au Tchad. D’autres programmes sont en cours d’élaboration en Algérie, en Egypte, en Mauritanie et au Soudan. Déjà, des résultats encourageants de reverdissement du Sahel, ont été enregistrés !

La question de la sécurité alimentaire restera sans aucun doute, une préoccupation majeure pour nous et tout particulièrement pour les générations futures menacées dans leur existence parce qu’appelées à vivre dans un contexte des plus contraignant, marqué dans un avenir proche, par l’amenuisement des ressources et par le réchauffement climatique, dans cette ère fatidique de l’après pétrole. C’est là, l’une des premières conséquences de la course effrénée à la croissance que se livrent les puissants de ce monde et les pays émergents, dans leur quête de bien être, sans se soucier des dommages causés aux équilibres des écosystèmes fragiles et leurs effets collatéraux sur les populations les plus vulnérables. C’est dans ce contexte contraignant qu’aurait dû s’inscrire « l’appel d’Ain-Defla » qui doit trouver nécessairement sa continuité dans des travaux d’expertise afin de délimiter les contours des différents programmes à décliner par des actions aux objectifs clairement définis, pour chacun des partenaires. C’est là, une nécessité absolue et une urgence qui ne sauraient-être différées !

Sécurité alimentaire : par où commencer ?

Si l’on considère que nos besoins en fruits et légumes, en pomme de terre, en tomate industrielle, en viandes rouges et en viandes blanches sont correctement couverts, que pour le sucre, le thé et le café, notre dépendance à 100% continuera à l’être, dès lors que ces cultures ne sont pas pratiquées chez nous, au même titre d’ailleurs que pour les oléagineux, l’on doit prendre pour option, l’amélioration de la couverture de nos besoins pour ce qui concerne les céréales, les légumes secs et le lait tout au moins, pour lesquels notre dépendance est respectivement de 70%, 85% et 58%.

Dans le domaine de la céréaliculture, l’on devrait être capable de réaliser de meilleures performances, à partir de l’irrigation d’appoint, particulièrement durant la période de stress hydrique (mars-avril). Ceci pour dire, qu’avec l’effort colossal déployé en matière de réalisation d’infrastructures hydrauliques, soit une mobilisation de 5 Milliards de m3 de ressources superficielles, il est possible d’apporter dès à présent, un appoint d’eau aux espaces céréaliers du Sersou, du Titteri, du Hodna, du Constantinois et de Guelma, tout en cherchant sa généralisation progressive à d’autres terroirs, d’autant plus que des transferts sont envisagés à partir des ressources de la nappe albienne vers les Hauts-Plateaux (étude en cours). Conjuguée à la maîtrise des différents itinéraires techniques, l’appoint d’irrigation devrait améliorer les rendements et réduire notre dépendance en céréales. À ce titre, il importe de souligner, que l’étude menée par le BNEDER, a dégagé une possibilité d’irrigation à hauteur de 1.200.000 hectares, nécessitant en termes d’équipements, une enveloppe financière de 150 Milliards de DA, soit à peine l’équivalent du coût de 40.000 logements. C’est dire qu’une telle opération est tout à fait à notre portée !

Aujourd’hui, sur un potentiel de 3.300.000 hectares réservés à la céréaliculture, 95.000 hectares seulement sont équipés en moyens d’irrigation d’appoint. Cette opération convenablement encadrée et soutenue par l’État est à orienter de façon prioritaire sur les exploitations agricoles de 10 à 50 hectares qui disposent de 50% de la surface agricole utile et sur celles de plus de 50 hectares qui détiennent 23% de la S.A.U. C’est à ces deux niveaux, que peut-être pratiquée une agriculture moderne, qui devrait couvrir près de 70% de nos besoins, sur la base d’un rendement moyen de l’ordre de 50 à 55 quintaux à l’hectare en irrigué.

Au chapitre de l’utilisation optimale du potentiel agricole, la résorption de la jachère évaluée à plus de (3) Millions d’hectares, est aussi, de nature à réduire notre dépendance en légumes secs et à accroître nos capacités fourragères en vue de la promotion de l’élevage bovin et de la production laitière, aujourd’hui objets du scandaleux problème de déperdition de quantités énormes de lait, en l’absence d’une politique efficiente de ramassage de ce produit de première nécessité.

De même, la forte dépendance en alimentation des petits élevages, suggère le développement des cultures industrielles dans les régions du Sud à fortes potentialités hydriques, comme c’est le cas à In-Salah, à Hassi El Fhel et à El-Menia, ainsi que la recherche de nouvelles formulations d’aliments, basées sur l’incorporation la plus large possible de sous-produits riches en acides aminés. Il y a là, matière à développer une authentique industrie, basée cette fois-ci sur le principe de l’intégration la plus large possible des produits locaux. C’est là aussi, un gisement d’emplois non négligeable, pour les jeunes ruraux.

Le défi de la décennie à venir est sans aucun doute, celui de l’intensification des systèmes de productions qui suppose bien évidemment, une capitalisation de savoir-faire. À ce titre, il importe de souligner, que les structures de recherche sont restées totalement coupées de la réalité des espaces agricoles, qui vivotent au rythme de pratiques d’une paysannerie en fin de parcours. L’ancrage de notre agriculture dans la voie de la prospérité, suppose que les exploitations, entreprises agricoles de demain, soient au cœur des enjeux scientifiques, techniques, économiques et managériaux. Il s’agit, à partir d’une meilleure efficience organisationnelle, de créer autour de l’action proprement agricole, les solidarités capables de fiabiliser scientifiquement les options, d’assurer à la paysannerie l’accès aux techniques modernes et d’appuyer le progrès rural par tous les accompagnements qui lui sont indispensables. Cette manière efficiente de concevoir le développement agricole et rural est celle de l’esprit agropole.

Cette technopole spécialisée en agriculture, organisée sur un même lieu, doit réunir toutes les conditions pour créer, développer et implanter des projets agroalimentaires. Elle doit disposer de laboratoires, de champs d’expérimentation, d’un centre de formation en management disposant d’une salle de conférences et d’internet à haut débit, ainsi que d’une plateforme aménagée destinée à l’accueil d’unités agroalimentaires, dans la proximité de l’autoroute Est-Ouest, et de celle en projet, des Hauts-Plateaux.

C’est dans cette voie que se sont inscrits des pays comme le Maroc, la Tunisie, le Liban, le Cameroun, pour ne citer que ces pays.

C’est dans cette perspective d’une vocation d’excellence « agro-alimentaire », que les universités régionales doivent trouver leurs voies et construire leurs identités. Elles doivent envisager cette option en parfaite synergie et en complémentarité avec d’autres partenaires de leurs zones d’influence, pour faire de ce projet majeur, un centre d’intérêt commun. La communauté scientifique et technique devra apprendre à fédérer ses forces autour de la réalisation de cet objectif, qui doit être aussi, le centre d’intérêt des instituts de développement des différentes filières agricoles, des chambres d’agriculture, des centres de formation professionnelle, des services techniques déconcentrés, des banques et bien d’autres institutions et organismes. Ce n’est que dans cette vision de pratiques agricoles revisitées, qu’il sera possible un jour de réduire considérablement notre dépendance alimentaire !

Mais pour l’heure, c’est l’encadrement technique qui constitue le maillon faible, comme il a été souligné par le recensement général de 2002. Les résultats de cette enquête font ressortir, un besoin de près de 127.000 ouvriers dans les différentes filières agricoles et la formation de près de 73.000 techniciens supérieurs.

A titre d’exemple, une moissonneuse batteuse convenablement réglée, pourrait réduire considérablement les pertes aux champs estimées à 25% au moment de la récolte. Si nous ramenons ce taux au niveau acceptable de 10%, cela équivaudrait à faire un gain de (4) Millions de quintaux, soit près de 6% de nos besoins. Cet exemple souligne tout l’intérêt de la formation et par conséquent, de la réhabilitation des écoles d’agriculture et de l’ouverture de lycées agricoles, garants de l’emploi des jeunes, non motivés pour les études supérieures.

Il est aussi souligné, cette nécessité dans le recyclage de plus de 6.000 ingénieurs, en réalité des diplômés de l’enseignement supérieur ne disposant pas de savoir faire pratique. C’est là, l’atout maître pour une agriculture à la recherche des éléments de sa modernité. C’est à ces milliers de jeunes diplômés, une fois mis à niveau, que doit être offerte une opportunité dans la création de PME prestataires de services, d’ingénierie et de conseil agricole.

Convenablement formés, ces jeunes entrepreneurs sont à considérer comme les pionniers de l’agriculture moderne, axée principalement sur les exploitations de taille moyenne et comme éléments dynamiques d’encadrement de coopératives de services autour desquelles devront s’organiser les petites exploitations familiales pour ce qui concerne la mécanisation des travaux agricoles, le conditionnement et la commercialisation des fruits et légumes.

La formation des formateurs au sein des pays du circum méditerranéen qui placent l’acquis de la technicité au cœur du défi de leurs agricultures, est aussi, une autre action fondamentale qu’il convient de concrétiser au plus vite. C’est là une urgence et une voie de réussite par laquelle sont passés, tous les pays à agriculture prospère.

Quand on aura formé correctement les ouvriers agricoles et les chefs d’entreprises de l’agriculture de demain !

Quand on aura songé à faire de nos services agricoles déconcentrés de véritables centres de management du développement agricole, versés exclusivement à l’encadrement des actions sur le terrain, et non uniquement aux tâches administratives !

Quand on aura redynamisé les chambres d’agricultures, à hauteur des exigences d’une agriculture performante ! Quand aura favorisé l’émergence d’un système coopératif d’entraide et de solidarité par filière !

Alors, la réduction de notre dépendance alimentaire relèvera du domaine du possible. C’est dire que l’heure est à la formation de la ressource humaine et non, à l’importation inconsidérée et sans limite de produits pas toujours nécessaires ! Comme elle ne l’est pas aussi dans le soutien de l’État, sans garantie de traçabilité des actions envisagées.

* Professeur