Dans un entretien qu’il nous a accordé, Abdelmadjid Menasra, désormais ex-président du Front du changement (FC), revient sur la décision du conseil de son parti de revenir au bercail, le MSP, à la veille des élections législatives.
Menasra indique que toutes les divergences ont été traitées et l’union a été scellée entre les rivaux des deux partis. Il parle également dans cet entretien de la situation économique actuelle du pays et propose ses alternatives pour sortir de la crise. Entretien…
Propos recueillis par Farid Mellal
Reporters : Les consultations avec le MSP ont duré 44 mois. Ont-elles concerné uniquement votre ancien parti ou avez-vous eu des discussions avec d’autres mouvements ?
Abdelmadjid Menasra: L’engagement du travail pour l’unité organisationnelle et politique a duré 44 mois avec le MSP, mais, également avec le Mouvement El Binaa, depuis à peu près dix mois. Cependant, les consultations avec le Mouvement El Binaa n’ont pas abouti au résultat escompté, à savoir l’unification contrairement aux discussions avec le MSP avec lequel nous sommes parvenus à un terrain d’entente. Cet accord a été soumis au Majless Echoura de nos deux partis et il a été approuvé. Nous ne sommes pas parvenus à cet accord si facilement. Il y avait en effet des différends. L’unité après une période de crise n’a pas été chose aisée et les discussions ont nécessité tout ce laps de temps. Des concessions aussi ont été faites. Toutefois, ce qui nous importe, maintenant, c’est le résultat. Nous avons réussi à concrétiser une unité intégrationniste entre le MSP et le Front du changement. Beaucoup de détails ont été aplanis et c’est l’essentiel.
Qu’est-ce que vous allez apporter de plus au parti-mère ?
Je considère que je peux apporter au parti-mère, à savoir le MSP, l’unité. En vérité, nous ne pouvons quantifier en nombre de militants notre apport à l’unité d’action MSP-Front du changement. Nous ne faisons pas office de sociétés pour raisonner en termes d’effectifs mais nous raisonnons en termes d’unité, de force politique, d’organisation politique, de fait politique, de perspectives politiques, de luttes politiques…
Vous avez quitté le MSP en raison de certains motifs. Considérez-vous que ces motifs ne sont plus d’actualité ?
Effectivement, il y avait des raisons qui m’ont poussé à quitter le parti, mais je suis d’avis que l’expérience de scissions traversées a donné des leçons aux deux parties sur l’importance de l’unité, mais également de l’entente. Pour bâtir une organisation politique forte, il faut emprunter les voies du dialogue et de l’entente. Des différends persistent bien entendu comme dans tous les partis, car c’est la nature de l’homme qui le rend ainsi, mais nous devons savoir gérer ces différends en empruntant les vertus de la démocratie et de la choura, avant de prendre des décisions et des positions politiques. Les conflits ne doivent pas tous donner lieu à des clivages et à des factions. Il faut parvenir à les contenir et nous devons apprendre en Algérie à être différents sans pour autant se séparer.
Pour beaucoup d’observateurs, votre départ du MSP est lié à des clivages avec Boudjerra Soltani. Est-ce que ces clivages ont été aplanis ?
C’est vrai que des divisions sont survenues, mais il ne faut pas incriminer les différends à une personne en particulier. C’est vrai aussi que Boudjerra Soltani, du fait qu’il présidait le MSP, a été aux premières loges, mais je ne veux pas incriminer une personne en particulier. Nous devons revenir l’un à l’autre quels que soient nos différends et nos erreurs.
Les élections législatives arrivent à grands pas. Allez-vous être candidat ?
Je vous le dis franchement, je n’ai pas l’intention de me porter candidat aux prochaines élections législatives.
Selon votre analyse, dans quel état se trouve le mouvement islamiste algérien actuellement ?
Je crois que le courant islamiste est ancré en Algérie et il est porté par l’opinion politique publique, en dépit des crises auxquelles il a fait face, comme la période de violence et de terrorisme des débuts de la démocratie, de la période de scissions, ou encore la pratique de la fraude électorale. Cependant, le courant islamiste s’est développé dans sa vision, dans son programme politique. Le courant islamiste n’est certes pas le prédominant, mais demeure l’une des composantes essentielles de la vie politique en Algérie, même s’il est représenté par trois ou quatre partis politiques. Il ne peut y avoir en Algérie de vie politique sans composante agissante du courant islamiste.
Dans votre discours, vous vous êtes montré dur vis-à-vis de la situation politique et économique du pays, notamment à propos d’une économie fortement dépendante des hydrocarbures. Quelle alternative proposez-vous ?
L’Algérie est en face de dangers et de menaces. Le gouvernement actuel n’a pas l’expérience requise pour dialoguer, consulter et communiquer avec la population. Il s’emploie à acheter la paix sociale. Cela était possible quand les finances publiques étaient au beau fixe, mais plus maintenant. Au lieu de se diriger directement vers les deux chambres du Parlement pour valider les décisions, le gouvernement devrait communiquer avec la population. Voilà depuis plus d’une année que j’ai appelé à une quadripartite gouvernement-patronat-syndicat-partis politiques. Ça aurait dû être le cas avant l’adoption de la loi de finances et l’abrogation du régime de retraite, des lois qui ont poussé la population à sortir dans la rue. Je considère que la règle régissant l’investissement étranger des 51/49 n’est pas la panacée. Autre exemple, je constate que la politique de soutien des prix n’est pas d’un grand secours pour les classes défavorisées. J’ai même proposé une réforme fiscale dont l’établissement d’un impôt sur la fortune. Si le gouvernement adhère au principe d’une quadripartite, il serait à même de faire adhérer la population aux restrictions et privations que nécessite la conjoncture économique actuelle du pays. Maintenant que les finances publiques sont critiques, il faut apprendre à consulter la population.
Pensez-vous déjà à l’après-Bouteflika ?
Toute chose, même l’homme, a une fin. Personne n’est éternel, mais l’Algérie, elle, restera.