Une catastrophe humanitaire L’UE entend saisir cette opportunité pour imposer aux pays africains concernés par la migration un cahier des charges impératif. 60 chefs d’Etat et de gouvernement dont le Premier ministre Abdelmalek Sellal, mandaté par le président de la République, sont en conclave aujourd’hui et demain, à La Valette (Malte) pour se pencher sur la douloureuse question des migrants qui a défrayé la chronique avec des tragédies répétées, durant l’année 2015.
Principaux concernés, les pays européens qui attendent beaucoup de cette rencontre avec leurs homologues africains, diverses formules jugées alléchantes devant être avancées. Outre les Etats du Sahel, le regard européen se porte sur le Sénégal, l’Egypte et surtout la Libye, mais pas seulement. Bien que fort peu concernée par le phénomène migratoire transcontinental, l’Algérie est également invitée à discuter d’un programme de contrôle et de surveillance des flux.
En outre, notre pays est lui aussi interpellé par les enjeux et les opportunités qu’impliquent les migrations internationales, quoique pour d’autres considérations, et en tant qu’Etat membre des processus de coopération existant entre l’Europe et l’Afrique, il se doit d’assister aux côtés des représentants de la Commission de l’Union africaine et de la Commission de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cdeao), les Nations unies et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). D’où la présence également à Malte du ministre des Affaires maghrébines et africaines et de la Ligue arabe, Abdelkader Messahel. A peine convenue une entente avec la Turquie chargée de maîtriser la marée de réfugiés syriens qui ont déferlé sur les frontières balkaniques, moyennant la promesse d’une aide d’environ 3 milliards d’euros, l’UE entend saisir cette opportunité pour imposer aux pays africains concernés par la migration un cahier des charges impératif.
En effet, des fonds seront alloués au titre d’une politique de soutien au développement des zones déshéritées, mais en contrepartie les pays africains devront s’engager à favoriser le retour de leur immigration irrégulière en Europe. Chose que les Etats africains visés ont du mal à concevoir, alors qu’ils ne cessent de plaider pour l’instauration de quotas d’immigrés légaux à ventiler entre les différents pays membres de l’UE. C’est notamment le cas du Sénégal dont la demande est en train de faire tâche d’huile dans la région sahélienne. L’Algérie n’est pratiquement pas impliquée dans ces enjeux, mais sa participation est importante de par la situation actuelle en Libye, une plate-forme importante de la migration en Méditerranée.
Compte tenu des implications immédiates et futures de cette situation sur la stabilité et la sécurité de la région, il est indispensable de poser la problématique d’une concertation et d’un échange d’expériences et d’informations avec l’ensemble des pays concernés, de part et d’autre de la Méditerranée. Programmée au lendemain du drame qui a coûté la vie à quelque 800 migrants qui ont péri au large des côtes libyennes après le naufrage du chalutier sur lequel ils étaient embarqués pêle-mêle, la réunion de Malte dressera le diagnostic et proposera une série de mesures pour la maîtrise éventuelle du phénomène qui a pris une ampleur alarmante ces temps derniers. L’UE a en effet enregistré l’afflux de 18.000 Nigérians et de 8000 Soudanais sur un total de 140.000 migrants pour la seule année en cours. A cela, il convient d’ajouter un nombre d’irréguliers, entrés en Europe avec des visas touristiques en bonne et due forme, pour y demeurer définitivement.
L’importance conférée au double plan politique et médiatique aux vagues successives de réfugiés syriens et apparentés a focalisé l’attention sur les frontières Est de l’Europe alors que les frontières Sud connaissent pratiquement les mêmes pressions, notamment en Italie. Si l’Allemagne, pour des raisons propres, accepte cet afflux indispensable à sa démographie, entre autres paramètres, tel n’est pas le cas des pays en crise comme la France et surtout l’Espagne. Malgré cela, plusieurs pays africains ont manifesté leur refus du «deux poids, deux mesures» en réclamant un traitement équivalent pour leurs migrants. Doléance difficile à contenter alors que l’UE veut faire adopter, avant la clôture du sommet de Malte, un programme d’action pour 2016 conforme à ses intérêts, pourtant divergents.