Le retard à développer le système financier national n’encourage pas les entreprises algériennes à explorer les possibilités à l’international, a affirmé le directeur général de Biopharm, Abdelouahed Kerrar, dans cette interview livrée à Reporters à l’occasion de la distinction de son entreprise par London Stock Exchange Group (LSEG), l’organisme britannique qui administre la Bourse de Londres.
Reporters : Biopharm vient d’être distinguée comme entreprise modèle en Afrique. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Abdelouahed Kerrar : Il s’agit-là d’une distinction honorifique que nous accueillons avec d’autant plus de satisfaction que nous ne l’avons ni recherchée ni sollicitée. C’est un rapport, établi par le London Stock Exchange Group et intitulé «Companies To Inspire Africa», qui a sélectionné notre entreprise parmi quelque 350 autres qu’il considère comme des success-stories en Afrique.
Elle vient montrer que notre entreprise bénéficie d’une image favorable auprès des investisseurs internationaux qui s’intéressent aux marchés émergents en Afrique.
Cette image est d’autant plus positive à nos yeux qu’elle est le reflet d’une évaluation qui a été opérée par les experts d’une institution aussi prestigieuse que celle qui administre la Bourse de Londres, une des toutes premières places financières au monde.
Sur quels critères s’est faite cette sélection ?
Les critères de sélection ont été établis sur des bases objectives. Il s’agit d’abord des performances réalisées au cours de la période 2012-2015. Le taux moyen consolidé de croissance des 346 entreprises retenues se situe à un niveau élevé de 16,3%, un taux tout à fait remarquable. A cela s’ajoutent d’autres éléments tels que la contribution à la création d’emplois pérennes, une présence à l’international ainsi que la capacité à afficher des comptes sociaux sincères certifiés par un cabinet de renom international. Enfin, il faut noter que le rapport s’est focalisé surtout sur des PME réalisant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 1 milliard de dollars américains.
Que signifie le classement ainsi établi ?
Il faut souligner avant tout que le rapport procède à la base d’une volonté des responsables de la Bourse de Londres d’ouvrir une fenêtre en direction des marchés africains. Ces derniers, qui connaissent une croissance rapide qui s’étend à la plupart des pays du continent, offrent des perspectives de placement tout à fait intéressantes pour les investisseurs de la place londonienne.
Le rapport ainsi publié a voulu établir une liste d’entreprises dont le succès peut servir d’exemple pour entraîner un mouvement plus large d’investisseurs qui sont donc appelés à s’engager plus sur le marché africain émergent et dont le potentiel est appelé à croître fortement au cours des prochaines années.
Par ailleurs, il s’agit aussi d’attirer l’attention des entreprises africaines sur les possibilités qui peuvent s’ouvrir à elles sur le marché financier londonien pour financer leur croissance en accédant à des capitaux qui ne sont pas toujours disponibles sur leur marché domestique. Les entreprises algériennes sont très peu nombreuses dans cette sélection. Pourquoi, selon vous ?
Effectivement, les entreprises algériennes sont peu représentées dans ce panel. Cela ne signifie pas, bien sûr, que nos entreprises soient globalement moins compétitives ou moins performantes que leurs homologues des autres pays d’Afrique.
A la base, il faut simplement observer que les principaux pays représentés dans la sélection, tels que l’Afrique-du-Sud, le Nigeria, le Kenya ou le Ghana, sont des pays anglophones qui ont historiquement plus de connexions avec le marché britannique.
Par ailleurs, les entreprises algériennes disposaient, jusqu’à cette crise qui a frappé le pays en 2014, d’accès relativement aisés au financement de leur croissance. Dans le même temps, les retards de développement du système financier national n’ont pas vraiment encouragé nos entreprises à aller explorer les possibilités auxquelles elles pourraient pourtant avoir accès sur le marché international.
Dans ces conditions, la visibilité de ces entreprises est encore relativement limitée au regard des investisseurs internationaux. Ce qui explique leur faible présence dans cette sélection. Un pays voisin comme le Maroc, qui est fortement actif dans la recherche d’opportunités de financement de projets sur son marché, est représenté par quelque 32 entreprises.
Est-ce un exemple à suivre pour l’Algérie ?
Il est certain que, face à la crise financière sévère qui affecte actuellement notre pays, la possibilité pour un certain nombre d’entreprises algériennes, dont les performances sont reconnues, de pouvoir accéder à des financements externes qui ne pèsent pas sur l’endettement du pays est une opportunité. Cela ne dépend pas, bien entendu, de la seule volonté de ces entreprises. Au préalable, la politique économique publique devrait être aménagée en conséquence. Mais, surtout, notre système financier devrait être modernisé pour lui donner les moyens d’explorer d’autres sources de financement de la croissance économique, aujourd’hui inaccessibles, et de les mettre à disposition de nos entreprises.