Abderrahmane Madani Fouatih, wali de Boumerdès : «Moi j’avance. Et le développement local, c’est l’affaire de tous !»

Abderrahmane Madani Fouatih, wali de Boumerdès : «Moi j’avance. Et le développement local, c’est l’affaire de tous !»

Considérée comme une des villes les plus touristiques et agricoles du centre du pays, Boumerdès, pour des raisons qui restent à définir, n’a, cependant, pas su valoriser ce potentiel.

Elle aspire, aujourd’hui, à vivre un avenir prometteur, après s’être relevée d’un séisme dévastateur qui a sévèrement freiné son élan de développement. Et c’est là, le « grand » défi que tient à relever le nouveau wali, Abderrahmane Madani Fouatih. Dans cet entretien à Reporters, il assure que le développement local est « l’affaire de tous ».

Reporters : M. le wali, à l’issue de la rencontre Gouvernement-walis, tenue à Alger les 12 et 13 novembre, il a été recommandé, entre autres, aux élus locaux ainsi qu’aux chefs d’exécutif d’adopter une réforme urgente et globale des ressources financières et fiscales des collectivités locales. Quelle est justement cette démarche ?

Abderrahmane Madani Fouatih : Il faudrait d’abord rappeler dans ce cadre que c’est une rencontre annuelle. Elle prend ainsi le relais de la rencontre Gouvernement-walis du 29 août 2015. Ces rencontres visent à donner plus de responsabilités aux walis dans le cadre du développement local à travers, notamment, son rôle de manager économique.

Dans les faits, il est surtout question de dynamiser le développement local au niveau des communes. Pour ce faire, il est indispensable de chercher des gisements, aussi minimes soient-ils, afin de renflouer les caisses communales, particulièrement en cette conjoncture économique difficile que connaît notre pays. Comme vous le savez, la dernière rencontre des walis avec le Gouvernement avait pour thématique la participation de l’économie locale à l’investissement national.

Des débats étaient engagés et des ateliers avaient été organisés dans ce sens. Il s’agit, en fait, de trouver les voies et moyens permettant de renforcer les gisements des collectivités locales. Nous en avons les moyens et les biens. Il est attendu de nous tous, élus et administratifs, d’engager une réflexion afin de ressourcer ces biens et de les valoriser.

On est en 2016, et on entend encore parler de location de locaux, de logements et de commerces à des prix minimes. Il n’existe aucune concordance avec les prix du marché. C’est en cela donc que consiste notre première mission. Aussi, il est attendu des présidents des Assemblées communales de trouver toutes les formules et de prendre toutes les initiatives permettant, comme déjà souligné, de renforcer ce financement difficile à réunir actuellement.

Qu’en est-il concrètement du cas de Boumerdès, d’autant qu’elle recèle d’énormes potentialités agricoles et touristiques ?

Vous l’avez bien dit. La wilaya de Boumerdès recèle, en effet, d’énormes potentialités dans l’agriculture. Nous sommes de ce fait contraints d’unifier nos efforts. Nous avons des capacités et un savoir-faire qu’il faudrait mettre en valeur. Boumerdès, aux portes d’Alger, est considérée comme une base arrière.

Il est ainsi attendu de nous de trouver les meilleurs moyens de fructifier ces gisements et comment améliorer nos rendements. Il est surtout question de booster l’investissement local qui nous permettra par la suite la création d’emplois, de richesses ainsi qu’une valeur ajoutée pour l’économie nationale. Je ne cesserai jamais de le dire : dans le domaine de l’agriculture, la wilaya de Boumerdès pourrait grandement contribuer à l’effort national.

Les exemples ne manquent pas, sachant que 60% des besoins nationaux en viticulture sont assurés par notre wilaya. C’est dire que nous pouvons aussi produire pour toutes les autres cultures. Il nous faut juste la recette, et nous la trouverons. L’objectif étant de faire de Boumerdès une wilaya leader. Idem pour le secteur du tourisme. Il est temps de bousculer les esprits. Et c’est l’esprit managérial qui est recherché, car il n’est pas question d’un manque d’infrastructures.

Il est plutôt question de savoir comment recevoir l’estivant et le touriste. Il est, également, question de savoir comment joindre les mots capacité et prestation. Six millions d’estivants se sont rendus sur le littoral de la wilaya durant la dernière saison estivale. De ce fait, il est inévitable de garantir à ces derniers toutes les prestations nécessaires : restauration, services, espaces de loisirs ainsi que l’hébergement. L’ensemble réuni garantira ainsi le bien-être des touristes et des estivants.

Quid de la relance des projets touristiques jusque-là à l’arrêt ?

Sans démagogie aucune, je dirai que, moi, j’avance. C’est un dossier que j’ai déjà traité au lendemain de ma prise de fonctions de chef d’exécutif de la wilaya de Boumerdès avec les différents intervenants dans le secteur. Ce qui est certain, c’est que ces projets seront tous relancés, soit dans le cadre d’un partenariat national, soit international.

Beaucoup de chantiers connaîtront leur lancement dans les semaines et mois à venir. Seulement, nous insistons sur l’utilité des projets. On ne fera pas n’importe quoi dans le tourisme, l’objectif étant, bien entendu, de garantir de meilleures prestations de services aux touristes et aux estivants. L’agriculture et le tourisme figurent en pole position dans ma feuille de route de redynamisation du développement local à travers la wilaya.

Allez-vous associer le privé dans cette démarche ?

Assurément. J’ai toujours cru au partenariat public-privé. Ce dernier, s’il est bien accompagné, fournira plus d’efforts, ce qui permettra en fin de parcours de combler le déficit engendré par le recul des recettes pétrolières et, par ricochet, le développement local.

Vous n’êtes pas sans savoir que le port de pêche de Zemmouri El Bahri est l’un des plus importants du centre du pays, sauf que les professionnels qui exercent ne cessent de soulever plusieurs préoccupations. Qu’en est-il ?

L’activité halieutique dans la wilaya de Boumerdès a une place de choix. Le port de pêche de Zemmouri El Bahri représente un plus dans cette activité. Ce dossier, je l’ai également traité au niveau de la commission de sécurité. Lors de cette réunion, nous avons listé tous les problèmes auxquels font face les artisans pêcheurs ainsi que les professionnels du port.

Une série de mesures a été prise en attendant la réunion qui interviendra probablement dans deux semaines afin d’aller dans le détail de tous les problèmes soulevés. Il a été, également, décidé de tenir une réunion dans ce sens avec les responsables de l’entreprise portuaire d’Alger qui chapeaute les ports de pêche. Ce qui est sûr, tous ces problèmes connaîtront un dénouement heureux au fur et à mesure de l’échéancier que nous avons arrêté.

Le chef-lieu de wilaya attend son hôpital, toujours en projet, et sa gare routière pourtant promise depuis longtemps. A cela, s’ajoute également l’anarchie du secteur des transports de manière générale….

C’est vrai. C’est le même constat pour beaucoup d’autre secteurs. Les défaillances, malheureusement, ne sont pas que dans le secteur des transports. C’est le constat qu’on doit faire. Je le fais sans complaisance. Et c’est à partir de là qu’on pourrait dégager des solutions. Pour l’inexistence de la gare routière, c’est aussi un dossier à l’étude. Comme première démarche, il a été décidé la réalisation sous peu de trois grandes gares routières à la sortie de la ville de Boumerdès. Une fois opérationnelles, elles permettront de desservir l’Est, l’Ouest et le Centre.

De ce fait, nous mettrons un terme à l’anarchie qui caractérise le secteur des transports qui touche au service public qui doit être rendu aux citoyens. Je suis là pour lever toutes les contraintes soulevées par nos concitoyens. S’agissant de l’hôpital, j’ai introduit une demande auprès du ministre de la Santé pour une visite de travail dans la wilaya. Nous sommes en train d’arrêter tout un programme avec un rapport de synthèse portant sur toutes les insuffisances dont souffre le secteur dans la wilaya. Autrement dit, nous sommes appelés à arrêter les priorités pour tous les secteurs.

Dans tout ça, aussi, il est inévitable de prendre en compte les spécificités de chacune des 32 communes de la wilaya. Nous avons déjà entamé des visites sur le terrain. Elles se poursuivront pour l’ensemble des communes. Elles visent bien sûr à cerner les insuffisances des unes et des autres à prendre en charge selon les priorités. Il faut être franc avec les citoyens et leur dire la vérité. Nous sommes dans une conjoncture économique difficile et il faut l’admettre.

Il faut tempérer nos ardeurs et arrêter une démarche visant la priorité des priorités pour chaque commune. Il faut veiller à la mise à niveau du confort du citoyen et du développement local pour qu’il n’y ait pas de disparités entre le chef-lieu de la wilaya et les autres communes. Il faut agir avec la tête froide, de la concertation et de la sagesse et un accompagnement mutuel, je suis persuadé que tous les problèmes seront solutionnés.

Début novembre, vous avez effectué une visite de travail à Chaâbet el Ameur où vous avez déclaré que vous étiez déçu…

Cette région est connue. Son citoyen a tout le temps participé au développement local de la wilaya. Malheureusement, malgré l’effort énorme consenti par l’Etat, il n’y aucun suivi sur le terrain. Autrement dit, des défaillances sont constatées, soit de la part des élus, soit de l’administration. Je me suis emporté à l’encontre des élus et des administratifs.

J’ai exigé la relance de tout ce qui est à l’arrêt, mais aussi la prise en charge des doléances citoyennes. J’y retournerai pour constater s’il y a eu des avancées. Dans le cas contraire, il y aura des sanctions. C’est ma démarche. Et ce sera le même langage dans toutes les communes.

Nous sommes tous concernés par le développement local qui ne peut être l’œuvre du wali seul. On est au service du citoyen et si on n’en est pas convaincus, on n’a qu’à quitter la table. D’ailleurs, j’ai insisté auprès du nouveau chef de daïra pour un suivi précis et rigoureux des décisions prises lors de cette même sortie.

Il reste à savoir comment prendre en charge l’épineuse question du relogement des sinistrés du séisme du 21 mai 2003 et, de ce fait, éradiquer tous ces chalets qui défigurent la wilaya…

C’est le premier dossier auquel je me suis attelé dès mon arrivée à la tête de l’exécutif. Les instructions de la hiérarchie ont été aussi claires que précises s’agissant de cette question épineuse et compliquée et qui n’a que trop duré. Parmi les défis à relever, justement, la prise en charge sérieuse, réelle et réglementaire et sans complaisance de ce dossier.

J’ai prévu une rencontre la semaine prochaine avec tous les intervenants dans ce dossier. C’est à partir de là qu’une feuille de route sera établie pour passer ensuite à l’éradication des sites un par un.

Lors de votre première rencontre avec les professionnels des médias, en octobre dernier, vous avez affirmé que vous comptez énormément sur leur contribution, du moins pour la médiatisation des problèmes des citoyens. Qu’attendez-vous de ces derniers ?

J’attends beaucoup de la presse. La presse est un partenaire incontournable. D’ailleurs, je saisis l’occasion pour vous remercier de m’avoir offert l’occasion de m’exprimer, même si nous sommes au stade des constats. Aux citoyens de la wilaya de Boumerdès, je leur dirai que, peut-être, je ne pourrai pas tout faire, mais nous nous engageons à être à leur écoute.