Ce qui empêche la visibilité politique en Algérie, c’est surtout l’absence de statistiques fiables.
Le peuple s’en plaint régulièrement mais n’a pas trouvé en face de lui âme qui vive. Aucun organe étatique, institutionnel, associatif ou autre n’est à même aujourd’hui d’avancer avec exactitude des données chiffrées objectives sur l’état où l’on est. Hallucinant ! Doit-on continuer sur ce rythme de tortue ? Nous orienter vers des réformes radicales, nous arrêter pour voir plus clair et réviser notre feuille de route, dans l’attente du meilleur, changer carrément de cap ? Où se dirige-t-on dans un brouillard pareil si ce n’est à notre propre perte ?
Et puis, combien y a-t-il au juste de chômeurs aux quatre coins du territoire national ? Sont-ils recensés et répertoriés selon les tranches d’âge et les catégories professionnelles comme cela se fait ailleurs ? Qu’en est-il du phénomène du travail au noir sans assurance ni couverture sociale ? Bref, où en est-on sur le plan économique, c’est-à-dire, l’indice de croissance, le niveau d’attractivité du climat macro-économique du pays pour les affaires, le nombre des entreprises réellement productives, la fréquence des investissements locaux et étrangers, l’affluence des touristes, etc.? Mystère.
Le comble est qu’on attend souvent les bilans des organismes internationaux pour nous évaluer et pas les nôtres. Et que personne n’a cherché les raisons avouées ou non de ces choix suicidaires qui nous ont menés aux résultats ruineux que tout le monde déplore. Enfin, a-t-on pensé aux problématiques sociétales sensibles telles que le taux du célibat des jeunes, les femmes en particulier, les mariages, les divorces, la prostitution, la délinquance juvénile ainsi que la toxicomanie dans les citées urbaines, la criminalité, etc. ? Aucunement bêtes ou superflues, toutes ces interrogations sont fondamentales dans un pays où l’on a « trop peur » des chiffres ! A voir la lourdeur de nos services administratifs bureaucratisés, tout cela n’a, semble-t-il, pas l’air d’intéresser ou de surprendre outre mesure en haut lieu. Or on ne saurait guérir une plaie sans en connaître la nature ni la gravité.
L’Algérie n’a malheureusement pas franchi le seuil de cet âge de la maturité où les chiffres et les données concernant son avenir se discutent et se communiquent librement avec transparence au grand public. Que pouvons-nous penser alors de ces responsables des nations développées qui paient de sommes faramineuses à des instituts de sondage spécialisés afin d’enquêter sur les habitudes alimentaires ou vestimentaires de leurs compatriotes ? Sachant que ces instituts-là sont parfois de mèche avec les sphères médiatiques, pas toujours amènes à leur égard ! Agissant ainsi, ces derniers espèrent sans doute connaître mieux leurs pays pour pouvoir mieux les gérer et gagner la confiance des leurs.
En vérité, l’Algérie accuse un énorme retard sur le triple plan de la gouvernance, la communication et le dialogue. C’est pourquoi, toutes nos institutions craquent sous le poids des pressions : le CNES, la Cour des comptes, la Banque d’Algérie, etc.
Entre la folie des vaines ambitions du plan de relance économique qui a troué toutes les caisses de l’Etat sans aboutir à grand-chose et les dents de la tenaille du programme d’austérité, lequel augure du pire, les masses, désabusées, restent de marbre devant les insistants appels de leurs chefs oublieux des mésaventures passées à la mobilisation ! C’est tristement banal de prétendre contribuer de quelque manière que ce soit à la solution de nos problèmes en cachant la vérité au peuple.