Absence de développement, manque d’infrastructures, saleté et poussière: Saïda n’est plus minérale

Absence de développement, manque d’infrastructures, saleté et poussière: Saïda n’est plus minérale

Par Madjid BERKANE

Le sentiment de la honte nous ronge à chaque fois qu’un visiteur étranger se rend dans leur wilaya.

La wilaya de Saïda n’est finalement pas seulement loin de la capitale «Saïda baïda» comme le dit un adage populaire, mais surtout du développement. La pauvreté, l’absence de l’aménagement, la saleté, la poussière, les odeurs nauséabondes…, n’ont pas besoin d’êtres cherchées dans les recoins de cette wilaya, mais juste au chef-lieu de cette dernière. Tout près du siège de la wilaya, du siège de l’APC et des différentes directions exécutives. Une image qui va a contrario de «l’ordre établi» jusque-là en Algérie: le chef-lieu de la wilaya doit être l’arbre qui cache la forêt. S’agit-il là d’une preuve d’honnêteté de la part des responsables de cette wilaya refusant la discrimination entre les localités ou est-ce plutôt un laisser-aller collectif? Les habitants de Saïda ont la réponse et ce sont eux qui payent à présent le prix. Le sentiment de la honte les ronge en effet à chaque fois qu’un visiteur étranger se rend dans leur wilaya.

La double honte

«Contrairement à d’autres habitants d’autres wilayas, nous ressentons à Saïda une double honte à l’arrivée des visiteurs. Celle-ci est due à l’état déplorable de nos quartiers et celle de notre chef-lieu de wilaya», souligne, la mine toute rouge de honte, Nour El Houda, journaliste locale à Saïda. «Le retard est énorme. Tous les responsables qui débarquent dans notre wilaya expriment à leur arrivée de bonnes intentions, mais finssent tous par jeter l’éponge», ajoute-t-elle. «Certains walis préfèrent délibérément laisser les choses en l’état. La technique leur permet de maintenir la paix et s’épargner la colère des habitants de Saïda éternellement mécontents», poursuit Nour El Houda, indiquant que ses écrits trouvent rarement un écho. «Le chef-lieu de la wilaya dispose pourtant de tous les atouts pour être digne de ce nom. Il s’étend sur une plaine, il est entouré de beaucoup de forêts, facilement accessibles et près de quatre wilayas de l’Ouest: Mascara, Sidi Bel Abbès, Oran et Relizane», fera-t-elle observer. Il faut dire à ce propos que l’immobilisme dans cette ville est parlant. En la visitant avant-hier avec le ministre de l’Intérieur, nombre de cités, de placettes publiques, d’artères sont sans éclairage public, sans aménagement et même sans réseaux d’assainissement. Nouredine Bedoui a été interpellé d’ailleurs par plusieurs habitants au sujet de ces insuffisances. «Nous sollicitons les autorités, mais aucun signe de vie de leur côté», a déploré un résident, montrant du doigt au ministre l’éclairage public défaillant de la cité où il habite. La ville de Saïda frappe aussi par l’absence de l’urbanisme. Peu d’immeubles y sont visibles. Les directions de wilayas devant «meubler» un petit peu le chef-lieu de la wilaya sont entassées encore dans un seul immeuble: la cité administrative, en l’occurrence. Les walis de la République ont été pourtant tous instruits à l’effet de délocaliser les directions et leur construire des édifices.

Les structures minuscules

Le procédé est nécessaire pour améliorer le service public. Les autres structures dépendant des secteurs de la culture, de la santé, l’enseignement supérieur, du sport et de la jeunesse sont toutes minuscules et indignes d’un chef-lieu de wilaya. Le changement de leur vocation est une urgence pour changer la mine du centre-ville. Ce propos a été exprimé d’ailleurs par beaucoup de citoyens lors de la rencontre du ministre avec la représentants de la société civile. «Notre wilaya est pauvre. Nous manquons du tout. Le chômage frappe toutes les catégories. Nous avons une crise aiguë du logement. Nous vous demandons de révolutionner les choses monsieur le ministre», s’est emporté un intervenant. «Les routes de Saïda Sont toutes impraticables. C’est pour quand la pénétrante?», a indiqué un autre intervenant. La crise du logement a poussé, pour rappel, plusieurs habitants dans les localités de Sidi Brahem, Lahssassna, Youb, Balloul et dans le chef-lieu de la wilaya à organiser des sit-in lors de la visite du ministre de l’Intérieur. Le quota que les autorités accordent à certaines communes dans la formule de l’habitat rural est, selon les protestataires, très en deçà des besoins exprimés. La formule de l’habitat rural est très prisée dans la wilaya de Saïda, a-t-on appris sur place. Les citoyens veulent tous construire leurs maisons à même leurs fermes et champs agricoles. Le problème de l’emploi a poussé aussi beaucoup de jeunes à interpeller Bedoui lors de sa visite. «Les entreprises se font rares et le secteur public ne crée plus de l’emploi», ont souligné plusieurs jeunes en interpellant le ministre. La wilaya de Saïda dispose, a-t-on appris par ailleurs, de peu de zones d’activités. La seule qui a pu attirer certains investisseurs est celle du chef-lieu de wilaya. La proximité de Saïda des wilayas d’Oran, de Sidi Bel Abbès et de Relizane l’a fortement désavantagée. Le seul secteur qui connaît à présent une certaine dynamique et crée quelques postes d’emploi est celui de l’agriculture. «Les postes d’emploi créés dans ce créneau sont hélas saisonniers», déplore-t-on. Le secteur du tourisme connaît lui aussi une certaine dynamique. Les bains thermaux de la wilaya sont d’une notoriété internationale. Le bain thermal Hamam Rebbi est- fréquenté même par des Anglais et des Américains. Ses vertus curatives sont incontestables. Néanmoins, leur exploitation est encore traditionnelle. Ceci prive de nombreux jeunes de postes d’emploi et les autorités locales de richesse. Le non-développement du tourisme est dû aussi à l’absence des infrastructures hôtelières. La wilaya ne compte en effet que quelques résidences. Le ministre de l’Intérieur, qui a écouté attentivement les représentants de la société civile, a promis de solutionner de nombreux problèmes dans les jours prochains. Néanmoins, le ministre a indiqué qu’une seule main ne peut jamais applaudir. L’Etat ne peut plus être au four et au moulin en même temps. Les investisseurs et les détenteurs de l’argent doivent se montrer et mettre la main à la pâte. «Le défi de l’emploi est très compliqué pour qu’il soit solutionné de façon unilatérale», a fait savoir le ministre.