Le dinar algérien a perdu près de 25% de sa valeur depuis le début de l’année 2015 par rapport à l’euro et au dollar. Selon Mohamed Achir Enseignant-chercheur à la faculté d’économie, Université de Tizi-Ouzou, la baisse du niveau des exportations du pétrole, le taux d’inflation élevé sont à l’origine de cette dépréciation.
L’Eco : Depuis quelque temps la presse algérienne n’a pas cessé de parler de la dévaluation du Dinar. Pouvez-vous nous mieux expliquer cette situation ?
Mohamed Achir : Il est nécessaire de préciser que le dinar algérien n’a pas subi une dévaluation mais une dépréciation. La dévaluation est une décision souveraine qui doit être prise par des autorités monétaires et financières et approuvée par le gouvernement, voire le Parlement, si c’est nécessaire. Par contre la dépréciation ou appréciation est le résultat d’une fluctuation des monnaies étrangères sur le marché de change engendrée par la variation des fondamentaux de l’économie (compétitivité, inflation, exportations).
Il est tout à fait normal que le taux de change du dinar algérien, qui étant défini par un régime de change flottant dirigé, enregistre une marge de fluctuation tantôt à la baisse, tantôt à la hausse. Cette marge est ajustée par la Banque d’Algérie pour rapprocher le taux de change nominal au taux de change réel qui reflète les fondamentaux de l’économie algérienne en l’occurrence le niveau des exportations du pétrole, le taux d’inflation, la compétitivité et en fonction de l’évolution des échanges extérieurs avec ses principaux pays partenaires. C’est un modèle du FMI qui a été élaboré pour permettre la définition d’un taux de change effectif réel (TCER) qui prend en compte les échanges économiques entre les pays. Ce modèle calcule un point d’équilibre du taux de change entre les pays en prenant en considération la parité du pouvoir d’achat(PPA) dans les échanges multilatéraux ou bilatéraux.
La dépréciation, pourquoi ?
La baisse du taux de change du dinar par rapport au dollar et à l’euro est causée directement par la baisse des prix du pétrole. C’est un déterminant fondamental de la position financière extérieure et de l’équilibre des dépenses publiques. Le taux d’inflation et la faible compétitivité de l’économie algérienne (production locale faible, mono-exportation) sont des déterminants réels qui ne favorisent pas une appréciation du taux de change algérien. En tout cas, il est très difficile de se prononcer par rapport au point d’équilibre du taux de change du dinar. Même le calcul du TCER au niveau multilatéral est compliqué, surtout par rapport à l’économie algérienne qui est à moitié informelle.
Quelles sont les mesures que l’Etat doit prendre pour sortir de cette crise économique?
Je pense que la crise économique en Algérie est structurelle. On n’en est jamais sorti du tunnel, malgré l’embellie financière exceptionnelle générée par l’exportation des hydrocarbures, surtout depuis le début des années 2000. Les décideurs politiques n’ont pas mis en place un système économique efficace permettant de générer des effets d’entrainement au profit de l’industrie et de l’agriculture à partir de l’exploitation et de l’exportation des hydrocarbures. Voilà, le syndrome de l’économie algérienne qui à chaque fois que ses ressources financières augmentent on assiste à l’émergence de l’économie de bazar, du marché noir, corruption et à l’augmentation des inégalités malgré l’amélioration de certains indicateurs sociaux (en termes notamment des objectifs millénaire pour le développement, OMD).
Il est vrai que des infrastructures de base ont été réalisés, mais à quel coût ? L’entretien de ces dernières nécessitera encore des dépenses publiques qui ne seront pas compensées par la fiscalité ordinaire du fait de la faiblesse de la diversification de l’économie productive. L’austérité ne peut en constituer une solution, car elle ne provoquera qu’un cercle vicieux (inflation, chômage, déflation). L’équation est très difficile à résoudre et nécessite des réformes structurelles en commençant par le système de décision politique qui est l’un des plus asymétriques au monde. Les déclarations d’intention de volonté politique ne suffisent pas, les actes doivent s’en suivre pour redonner confiance aux citoyens. Rationnaliser les dépenses publiques est plus qu’indispensable aujourd’hui, mais combien une telle mesure nécessite l’instauration d’un consensus et d’une confiance entre le gouvernant et le gouverné ? La thérapie de choc est suicidaire pour le pays, d’autant plus que le contexte régional et international est plus que jamais bouleversant. La démagogie est également intenable, le peuple n’est pas dupe. C’est la fameuse question : Que faire ?
Noreddine Izouaouen