Le régime continue à opposer sa résistance, préférant le statu quo au changement réclamé par les Algériens.
Même ébranlé par une mobilisation inédite, le régime semble plus que jamais attaché à son agenda : maintenir autant que possible le calendrier électoral et restructurer en catimini le système en misant sur l’usure du mouvement. C’est en tout cas ce qu’il convient de conclure à travers ce dialogue de sourds engagé avec la société et un certain faisceau d’indices aux relents de manœuvres. Alors que des actions spectaculaires sont engagées depuis quelques semaines contre certaines personnalités, sous prétexte de lutte contre la corruption et que des médias, dans les oripeaux d’armes de propagande, sont instruits de relayer, les tenants du pouvoir poursuivent ce qui apparaît comme la mise en place d’instruments pour reconstituer le régime sous une nouvelle façade.
C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur — pourtant considéré, tout comme ses collègues de l’Exécutif, persona non grata et dont on a eu la preuve à Béchar d’où il a été chassé par des manifestants — nous apprend qu’il a délivré des autorisations à dix-huit partis politiques pour tenir leur congrès constitutif. “Au 23 avril, 18 partis politiques ont obtenu une autorisation pour la tenue de leur congrès constitutif, alors que 2 partis, qui avaient obtenu auparavant l’autorisation de tenir leur congrès, ont été conviés à parachever la procédure de création”, a indiqué dimanche, dans un communiqué, le ministre de l’Intérieur. Concernant les associations, 27 reçus d’enregistrement ont été délivrés à des associations nationales et inter-wilayas, a fait savoir le ministère, précisant que “380 associations locales (communales et de wilaya) ont été enregistrées et 130 associations religieuses des mosquées”.
Il est, en effet, pour le moins curieux de délivrer des autorisations, sous l’empire d’une loi par ailleurs contestée par l’opposition, à la société civile et à d’autres organismes internationaux. Pis encore, de nombreuses associations qui activent depuis longtemps et invitées par le ministère à se conformer à la nouvelle loi de 2012, n’ont toujours pas obtenu leur agrément, c’est, par exemple, le cas des Ligues des droits de l’Homme. Cet empressement, que rien ne justifie au demeurant, laisse supposer que le régime cherche à noyer la scène politique par de nouveaux acteurs, probablement “clientélisés” pour certains, pour neutraliser la “vraie opposition”, en perspective de futures échéances, mais également pour les besoins d’une éventuelle conférence, si d’aventure le plan préétabli du maintien de l’échéance du 4 juillet prochain venait à être contrarié.
Il s’agit aussi de pallier les restructurations qui s’annoncent laborieuses des deux béquilles du régime : le FLN et le RND. Même si des scenarii visant à les réhabiliter semblent avoir été concoctés, à travers ces attaques d’une rare violence de certains de leurs cadres, passés ou présents, contre leurs directions, il demeure hasardeux, voire illusoire de les voir se refaire une virginité, aux yeux d’une large partie de l’opinion. Parallèlement à cette annonce, Abdelkader Bensalah poursuit ses rencontres de coordination, avec la réception hier d’un homme contesté, en l’occurrence Mouad Bouchareb, tandis que le gouvernement, malgré le rejet de la population, continue à maintenir le cap, comme cette visite du ministre de l’Habitat hier à Sidi Abdallah.
Et entre deux week-ends de contestation, — le pouvoir misant sur une hypothétique usure du mouvement —, le chef d’état-major de l’ANP se charge de “répondre” aux attentes des Algériens en promettant “d’accompagner” les aspirations populaires les promesses, mais sans céder sur l’essentiel : une solution hors du cadre et du canevas arrêtés par le “système”. Plus de deux mois après le début de la contestation, force est d’admettre que, hormis le départ forcé de Bouteflika, le régime continue à opposer sa résistance, préférant le statu quo au changement radical réclamé par les Algériens. Mais à quel prix ?
Karim Kebir