Il y a de la place pour la France dans le marché algérien qui pèse 286 milliards de dollars au titre du plan quinquennal.
L’audience accordée, dimanche dernier à la résidence d’Etat de Zéralda, par le Président Bouteflika au secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, et la qualité de la réception sont annonciatrices de lendemains qui chantent pour les relations entre Alger et Paris. Une hypothèse qui est confortée par la qualité du personnel politique algérien qui a assisté à cette réception.
L’audience s’est déroulée en présence du Premier ministre Ahmed Ouyahia, du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci et du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel. On est donc loin du niet opposé par M.Bouteflika en février dernier à M.Guéant qui s’était contenté alors d’une entrevue avec le Premier ministre Ahmed Ouyahia.
Pour les observateurs, ce dégel a commencé dès que le Président Bouteflika a accepté, après l’insistance de son homologue français, d’assister au 25e sommet France-Afrique qui s’est déroulé à Nice au début de ce mois. C’est ainsi que les ponts du dialogue ont été rétablis entre Alger et Paris.
Et c’est le retour donc aux bons sentiments pour porter les relations au niveau qu’elles méritent réellement. Ce n’est qu’un début car, selon des responsables diplomatiques, Alger n’est pas prête à céder sur certains dossiers qui fâchent. Il reste que les observateurs politiques algériens estiment que cette visite de Claude Guéant a sonné le glas de la bouderie entre les deux partenaires aux rapports passionnels. Le président Sarkozy a estimé le 1er juin qu’il faudra «du temps» pour que les relations franco-algériennes s’apaisent.
Depuis trois ans, la machine des relations entre Alger et Paris s’est grippée et les griefs se sont accumulés. L’Algérie a toujours déploré les errements diplomatiques et politiques du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, de son homologue de l’Intérieur, Brice Hortefeux et de l’Emigration et l’Identité nationale, Eric Besson. Ces trois représentants du gouvernement français ont été pour beaucoup dans la dégradation des relations entre Alger et Paris.
Le docteur Kouchner qui semble gérer la diplomatie française comme une ONG n’arrive pas à guérir de son sacro-saint «droit d’ingérence humanitaire».
C’est donc l’atavisme qui s’est régénéré quand il a lâché la phrase fatale: «Les relations entre l’Algérie et la France iront mieux quand l’actuelle génération quittera le pouvoir en Algérie.» Des propos très mal appréciés à Alger qui les a considérés ni plus ni moins comme une ingérence dans ses affaires internes. Il n’y a pas que l’Algérie puisque c’est toute la politique arabe de la France qui s’est trouvée compromise dans ces errements diplomatiques. Il faut rappeler à juste titre la maladresse commise, toujours par M.Kouchner, à l’endroit du Guide libyen, Mouamar El Gueddafi.
Le chef de la diplomatie française l’aurait traité de tous les noms au moment où le président Sarkozy lui déroulait le tapis rouge à Paris.
Cette influence néfaste de M.Kouchner s’est négativement répercutée sur le rôle de la diplomatie française. En somme, il a dilapidé le capital de sympathie envers le Monde arabe engrangé depuis De Gaulle. La situation s’est matérialisée d’ailleurs, par une perte pour la France de marchés qui se chiffrent en millions sinon en milliards de dollars dans plusieurs pays arabes.
Au moment où elle s’applique à une politique d’austérité pour contrer l’expansion d’une crise qui a failli emporter toute l’Europe, la France peut-elle se permettre le luxe de laisser filer des niches financières? Il y a de la place pour la France dans le marché algérien qui pèse 286 milliards de dollars au titre du plan quinquennal. C’est un fait défendu par des arguments inattaquables.
Il y a des liens historiques qu’entretient une communauté de plus de trois millions de personnes, la langue, la proximité et le made in France incontestable en Algérie. Passons sur les dossiers comme l’affaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, celui concernant l’assassinat des sept moines de Tibhirine en 1996 et la liste de «pays à risques» concernant les transports aériens.
Soit, mais ces Algériens aussi imprévisibles que leur Equipe nationale qui perd 3 à 0 contre le Malawi mais qui fait douter l’Angleterre en 90 minutes, n’apprécient pas que certains politiques français se comportent en Algérie comme en territoire conquis.
Les couples passionnels c’est aussi des concessions. Il y a de larges possibilités d’en faire et il serait regrettable d’un côté comme de l’autre, de rater cette nouvelle opportunité qui pointe.
Brahim TAKHEROUBT