Plus grave encore est l’inaction du gouvernement face à une saignée de l’argent public.
Le pavé jeté dans la mare par le ministre du Commerce, Bakhti Belaïb, avant-hier fait encore des vagues. Si M.Belaïb se défend en affirmant qu’il y avait confusion dans l’interprétation de ses propos, cependant des questions cruciales restent posées.Que faisaient les structures du pays chargées du contrôle comme la Cour des comptes, les services du ministère des Finances et des douanes? Que faisait depuis tout ce temps la commission des finances de l’APN? Qui sont ces pays corrupteurs et qui sont ces fraudeurs? Pourquoi ne pas les identifie? Et surtout pourquoi le ministre du Commerce n’a-t-il pas saisi immédiatement la justice? Il s’agit bien de l’argent public et dans ce cas précis, d’un crime économique.
Tels que la presse avait interprété les propos du ministre l’Algérie perd annuellement la bagatelle de 20 milliards de dollars, dans des opérations de transferts illicites de capitaux vers l’étranger par le moyen de la surfacturation. Une véritable saignée qui renseigne sur l’état de déliquescence de la situation économique du pays et surtout la défaillance des mécanismes de contrôle. Finalement, on a beau imposer la règle de 51/49%, on a beau restreindre l’action des investisseurs étrangers, la faille existe et elle est béante d’autant que le ministre a clairement pointé du doigt les ressortissants algériens. Plus dramatique c’est que ces transfert illégaux se font par le biais des banques algériennes! Combien de fois avons-nous émis des doutes sur les déclarations des experts et des partis d’opposition qui osaient dénoncer cette délinquance économique.
Rendons justice à Ali Benflis pour sa clairvoyance, quand il déclarait en février 2015: «Les importations ont atteint le montant record de 60 milliards de dollars à cause d’un véritable crime économique, en l’occurrence la fraude dans les opérations de commerce extérieur sous toutes ses formes qui aurait atteint le seuil de 30%».
Mais quand c’est le ministre du Commerce lui-même qui révèle ces chiffres, les torts s’entassent. Cette fois-ci, ce c’est plus le fait que cette délinquance emprunte les réseaux bancaires légaux mais c’est l’inaction du gouvernement qui inquiète gravement. L’Exécutif ne tombe-t-il pas sous le coup de la loi condamnant la «non-assistance à peuple en danger?». Evidemment, le ministre du Commerce s’est défendu et a soutenu qu’il y a eu confusion dans l’interprétation de ses propos. «Dans mon esprit, le taux de 30% devrait être rapporté au montant global de la déclaration de la valeur (montant figurant sur la facture) faite par l’importateur incriminé et non au coût annuel global des importations.»
L’exercice s’annonce très difficile quand il s’agit de lire dans l’esprit du ministre. «J’ai, en effet, été fortement surpris que les commentaires des médias et de la presse nationale ont majoritairement considéré que, selon ma déclaration, les coûts des transferts illicites dont il s’agit sont de l’ordre de 18 à 20 milliards de dollars, ce qui correspond au montant de 30% du coût global des importations», s’étonne le ministre mais qui dans sa précision en rajoute une couche quand il révèle un autre chiffre encore plus grave: «Il faut bien préciser que le taux de 30% que j’ai indiqué est un taux moyen, car il y a de nombreux cas où ce taux est bien plus élevé et peut atteindre des niveaux de 200%, voire même de 300%.» A ce niveau des dépenses, 300% est un chiffre immense qui appelle aussi à des clarifications même si le ministre rassure en affirmant que «je fais partie d’un gouvernement profondément solidaire, mobilisé plus que jamais pour relancer l’économie nationale et mener une lutte implacable contre tous les dysfonctionnements et les dérives qui entravent le processus de relance de cette économie». N’est-il pas temps de séparer le bon grain de l’ivraie?