Un budget de fonctionnement de 240 milliards, un chapiteau à 20 milliards, un « Colisée » newlook à 30 milliards, des dettes et un clash avec le wali…
L’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi a été placée en détention provisoire, lundi en fin de soirée, à la prison d’El Harrach, après avoir comparu dans la matinée devant le conseiller enquêteur près la Cour suprême, dans une affaire de dilapidation de deniers publics lors de la manifestation « Tlemcen, capitale de la culture islamique », organisée en 2011.
Outre Khalida Toumi, sont poursuivis, également dans cette affaire, l’ancien coordinateur général des manifestations au ministère de la Culture, Belblidia Abdelhamid, et l’ancien directeur de la culture de la wilaya de Tlemcen, Miloud Hakim. Flash-back sur ladite manifestation, dont le budget de fonctionnement est estimé à 240 milliards, abstraction faite des crédits destinés aux équipements, à l’instar du palais de la culture, du centre des études andalouses, de la restauration du cinéma « Le Colisée », la réhabilitation de plusieurs sites et monuments (culturels et religieux)…
La seule fois où la ministre de la Culture s’était prononcée, et de manière évasive, c’était le 5 février 2011, affirmant qu’il ne dépassait pas le 0,76% du budget de l’Etat. La raison de ce mystère, elle l’expliqua par le fait que dans l’organisation de « Tlemcen, capitale de la culture islamique », « il n’y a pas que le ministère de la Culture à avoir un budget, même celui des Affaires étrangères, du Tourisme, des Affaires religieuses… ». Quant à la gestion de l’événement panislamique en question, il aurait été entaché d’irrégularités liées aux dépenses du budget consacré à cet événement culturel (disparition d’un giga chapiteau, surfacturations, indus privilèges…).
A ce sujet, l’ex-ministre de la Culture avait précisé, dans une déclaration faite à Reporters, qu’elle n’avait pas eu « à acheter ni elle ni son ministère le chapiteau qui a servi à l’ouverture de Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011 ». La tente géante avait été « acquise » par une entreprise publique, la Société d’investissement hôtelier (SIH), qui ne dépendait pas de son ministère, selon elle.
Concernant les personnes déjà auditionnées dans le cadre de cette affaire, le procureur de la République près le tribunal de Tlemcen (suspendu depuis de ses fonctions, n.d.l.r) avait indiqué qu’il s’agissait des membres du comité d’organisation de cette manifestation, le trésorier, le contrôleur financier, l’importateur de cette tente géante et le caissier des services des douanes du port de Ghazaouet. L’enquête a montré que la tente géante a été importée d’Allemagne et acheminée jusqu’au port de Ghazaouet pour être utilisée lors de la cérémonie d’ouverture de la manifestation, avant de disparaître, a-t-il précisé, ajoutant que « les enquêteurs poursuivent toujours leurs investigations auprès des services de la wilaya ».
Pour rappel, le parquet général de Tlemcen avait ordonné l’ouverture d’une enquête au sujet de l’affaire de surfacturation de la tente géante acquise pour les besoins de la cérémonie d’ouverture, en avril 2011, de la manifestation « Tlemcen, capitale de la culture musulmane » et de sa disparition juste après son utilisation. Cette tente a coûté la somme de 200 millions de dinars.
Il faut souligner dans ce contexte que le wali de Tlemcen, qui avait boycotté la cérémonie de « Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011 », refusa en 2013 de s’acquitter des factures des entreprises ayant réalisé des projets dans sa wilaya à cette occasion. Abdelouahab Nouri avait avisé expressément le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de son refus de s’acquitter des factures qu’il jugeait excessives des bureaux d’études et des entreprises en charge de la préparation des projets consacrés spécialement à l’événement. Le wali aurait même demandé au Premier ministre un document officiel pour le destituer de ses pouvoirs sur les finances de sa wilaya en faveur de Khalida Toumi pour qu’elle assume alors la responsabilité fiscale et les retombées juridiques qui s’ensuivront. A ce titre, il aurait récusé toute responsabilité de ses cadres et de lui-même dans la manière dont a été dépensé l’argent public, notamment les enveloppes considérables débloquées pour l’événement.
Des factures jugées excessives
Dans ce sillage, le restaurant « Equinoxe » réclamerait toujours une créance de… 40 milliards. Il convient de souligner que la wilaya a bénéficié d’importants projets dans ce cadre. Il s’agit de la reconstruction du palais royal d’El Méchouar (40 milliards), le centre des études andalouses, le palais de la culture Abdelkrim-Dali (200 milliards), le Centre des arts et expositions (Carex), un théâtre de verdure, le musée d’art et d’histoire, la bibliothèque principale de lecture publique, la salle de répertoire Djamel Eddine-Chanderli (30 milliards), le musée de la calligraphie, le centre des manuscrits, le musée d’archéologie islamique et le centre d’interprétation du costume traditionnel. En plus de ces projets, d’autres travaux de restauration et d’aménagement de nombreux sites historiques et leur mise à niveau, mosquées, minarets, mausolées, derbs, hammams, fondouk, ferrane, les remparts de la ville, muraille, les médersas, le site de Mansourah, places et placettes, le réseau urbain de la vieille Médina, les édifices publics traditionnels, au chef-lieu et en dehors de la wilaya. L’ensemble de ces interventions et de restauration de ce patrimoine culturel était composé de 99 projets encadrés par 23 bureaux d’études et 50 entreprises.
Le suivi était assuré par les structures du ministère de la Culture, de l’Office national de gestion des biens culturels et d’exploitation des biens culturels (OGBC) et des services de la wilaya.
Outre ces réalisations, il a été organisé durant cette année 12 colloques, 8 festivals nationaux et internationaux, 10 expositions sur des thématiques différentes, 365 ouvrages édités, la réalisation de 30 films courts métrages et documentaires, 19 pièces de théâtre, l’enregistrement du patrimoine musical par la réalisation de coffrets des maîtres de la musique andalouse et autres genres musicaux, 200 tournées artistiques, des semaines culturelles nationales et journées culturelles étrangères et un Salon national du livre qui a regroupé 120 éditeurs. Un comité exécutif composé de 11 départements de nouveaux projets d’infrastructures et d’équipement de restauration et de mise en valeur du patrimoine culturel et historique, livres et littérature, théâtre, cinéma, expositions, colloques, patrimoine immatériel et chorégraphie, festivals d’animation de proximité et tournées musicales, semaines culturelles nationales et journées culturelles étrangères, communication avait la charge de l’organisation et le suivi du programme de cet évènement. Un centre international de presse équipé était opérationnel et a fermé ses portes à la fin du mois d’avril 2012.
Dans ce cadre, une revue bimestrielle «El Djawhara» a été éditée par le ministère de la Culture en langue nationale et française dont une grande partie était jetée dans la « nature » faute de lecteurs. Il faut savoir enfin que les journalistes et collaborateurs n’avaient pas perçu leurs piges par rapport au dernier numéro en version française à cause d’un article consacré à l’archéologue Ould Khelifa, jugé lèse-majesté par Khalida Toumi qui ne s’entendait pas avec ce chercheur.
Allal Bekkai