Affaire Khalifa: Les verdicts attendus mardi au tribunal criminel de Blida

Affaire Khalifa: Les verdicts attendus mardi au tribunal criminel de Blida

Le tribunal criminel de Blida prononcera demain mardi les verdicts, très attendus, à l’encontre des 71 accusés dans l’affaire Khalifa, dont Rafik Abdelmoumène Khelifa, principal accusé dans l’affaire de la banqueroute de Khalifa Bank. Le représentant du parquet général, Mohamed Zerg Erras, avait requis des peines allant de la réclusion à perpétuité, contre Abdelmoumène Khelifa, de 20 et 15 ans de réclusion criminelle pour ses proches collaborateurs, à 18 mois de prison ferme assortis d’amendes, contre les autres prévenus.

Des peines qui ont suscité l’étonnement des avocats dont Me Miloud Brahimi et Khaled Bourayou, car « plus lourdes » que celles prononcées lors du procès de 2007, qui s’était déroulé en l’absence du principal accusé, condamné, par conséquent, par contumace à la perpétuité. Inculpé essentiellement pour « association de malfaiteurs, abus de confiance, faux et usage de faux dans des documents administratifs et bancaires, corruption, trafic d’influence, banqueroute frauduleuse », M. Khelifa n’a eu de cesse, durant ses plaidoyers, de clamer son innocence, devant le président du tribunal, Antar Menouar.

De longues heures durant, l’ex-milliardaire déchu s’est attelé à nier les faits liés notamment à la falsification des actes d’hypothèque de biens immobiliers lui ayant permis l’acquisition d’un crédit bancaire pour la création de Khalifa Bank, se contentant juste de reconnaître l’existence d’ »infractions » à la loi s’agissant de la seconde procédure. Les autres accusés, au nombre de 70, dont 21 en détention, ont été également unanimes à tenter de se dédouaner par rapport aux charges qui pesaient sur eux, avant qu’ils ne soient « appuyés » ultérieurement par les plaidoiries de leurs avocats ayant argué de l’absence de « fondements juridiques » des accusations portées à l’encontre de leurs clients.

Réfutant la faillite de son groupe, en particulier l’ex-Khalifa Bank dont le trou financier avait été estimé à 3,2 milliards DA dans la caisse principale, M. Khelifa a affirmé la bonne santé financière de ces biens au moment de quitter, en 2003, le territoire national. Il avait ainsi assuré l’existence d’un montant de 97 milliards de dinars dans la caisse principale de la défunte banque et d’un excédent financier d’une valeur de 7 millions d’euros à l’actif de son ancienne compagnie aérienne, Khalifa Airways.

Les accusés ayant purgé leur peine depuis le procès de 2007, et entendus en tant que témoins à cette occasion ont, quant à eux, enregistré un revirement par rapport à leurs déclarations initiales concernant Abdelmoumène Khelifa, à l’exception du directeur de la caisse principale, Akli Youcef. Ce dernier avait, en effet, maintenu que l’ex-PDG est à l’origine du trou financier en se référant aux onze (11) écritures bancaires inter-agences confondant son ex-patron.

Des milliards de DA partis en fumée

L’audition de l’ensemble des accusés avait permis de lever le voile sur certaines facettes liées à la « banqueroute du siècle », dont le dépôt par de nombreuses entreprises publiques de fonds considérables auprès de Khalifa Bank sans qu’ils ne soient restitués pour la plupart.

Les placements ont été consentis en raison du taux particulièrement attractif proposé par la banque dissoute, avaient soutenu les dépositaires. C’est le cas notamment de la Caisse nationale des retraités (CNR) qui n’a pu récupérer que 8 milliards de dinars des 12 milliards de DA placés à l’ex-Khalifa Bank, avait révélé l’un des témoins. De même que le placement de la Caisse nationale d’assurance chômage (CNAC) d’une valeur de 1,8 milliard de DA et celui du Fonds de garantie des micro-crédits estimé entre 500 et 600 millions de DA pour celui du Fonds, récupérés qu’en partie. Des responsables et cadres des Offices de promotion et gestion immobilières (OPGI) s’étaient également expliqués sur des dépôts considérables et ayant connu le même sort que ceux suscités.

L’on saura, par ailleurs, lors du passage du liquidateur judiciaire de la Banque, Moncef Badsi, qu’ »un drame national » se serait produit si le groupe Sonatrach y avait procédé au dépôt de 400 milliards de dinars. Des dizaines de témoins entendus dans le cadre de ce procès, certains d’entre eux étaient particulièrement attendus en raison de la responsabilité qu’ils occupaient (ou continuant d’occuper pour certains). C’est le cas, entre autres, du Gouverneur de la Banque d’Algérie, Mohamed Laksaci, qui a affirmé que l’ex-Khalifa Bank avait atteint le niveau d’ »indisponibilité de fonds », synonyme d’une « cessation de payement » en 2003 et ayant entraîné une suspension de son agrément par la Banque d’Algérie. « Les crédits non déclarés, l’inexistence d’une commission d’octroi de crédits et l’absence de dossiers justifiant ces crédits » ont causé le déséquilibre financier qu’a connu Khalifa Bank, à l’origine de sa faillite, a révélé l’ex-administrateur de cette banque et ancien ministre des Finances, Mohamed Djellab.

L’ex-Président-directeur général (Pdg) du groupe Saidal, Ali Aoun, a soutenu, quant à lui, qu’il était l’un des trois gestionnaires sur 25 du groupe pharmaceutique ayant « refusé » de faire des dépôts d’argent au niveau de ladite banque et qu’un montant de 59,6 millions de DA a été récupéré, grâce à une technique de gestion qu’il avait lui-même initiée, appelée « transfert de créances ». De son côté, l’ancien ministre du Travail, Aboudjerra Soltani, a assuré qu’il « n’avait pas été informé » du dépôt de 1000 milliards de centimes, en 2001, des fonds de la Caisse nationale des Assurances sociales (CNAS) auprès de la défunte Khalifa Bank.

Un préjudice énorme

Les témoignages des anciens ministres des Finances, Mourad Medelci et Mohamed Terbache, de l’ex-directeur général du Trésor, Karim Djoudi et du Secrétaire général de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), Abdelmadjid Sidi Saïd, ont été lus par le juge Antar Menouar. Dans son témoignage, M. Medelci avait déclaré qu’il n’avait « aucune relation » avec les banques et leur contrôle après la promulgation de la nouvelle loi sur la monnaie et le crédit.

« Les rapports élaborés par la Banque d’Algérie contenaient des généralités, manquaient de précisions et étaient entachés de failles, car élaborés par des agents en manque de qualifications nécessaires », avait relevé, pour sa part, M. Terbache. Aux 26ème et 27ème jours du procès, plus d’une centaine de représentants de la partie civile s’était succédée à la barre, faisant part de l’étendue du préjudice occasionné par la banqueroute de Khalifa Bank. Alors que certains ont affirmé n’avoir pu recouvrir l’ensemble de leurs dépôts par défaut de liquidités dans les agences, quelques cas de remboursement par le liquidateur ont eu lieu, mais ne représentant qu’une infime partie de la totalité du placement (autour de 5% de la valeur).