Affaire Khalifa : Medelci, Djoudi et Terbeche brillent par leurs absences

Affaire Khalifa : Medelci, Djoudi et Terbeche brillent par leurs absences

Le président du tribunal criminel de Blida Antar Menouar s’est contenté hier au 20e jour du procès de Khalifa Bank de lire les dépositions de l’actuel président du Conseil constitutionnel Mourad Medelci, ministre des finances ors des faits, Karim Djoudi, l’ancien ministre des finances qui occupait le poste de directeur de la trésorerie au sein de la tutelle, et Terbèche Mohamed, ancien ministre des finances.

Ces derniers devaient être entendus par le magistrat en qualité de témoins. Ils ne se sont pas présentés à la barre pour donner leurs versions sur les faits reprochés à l’ex-boss de Khalifa Bank Abdelmoumene Rafik Khalifa.

Le juge a procédé hier à l’audition de pas moins de 30 témoins qui ont occupé des postes de responsabilité au sein des différents organismes publics, notamment le directeur général d’étude des réalisations urbanistiques de la wilaya de Sétif, l’ex-président-directeur général de l’Entreprise nationale des systèmes informatiques, président de la mutuelle des employés d’Algérie, l’ex-président-directeur général de l’entreprise nationale de l’imprimerie de la presse.

Ces ex-cadres et ex-fonctionnaires étaient unanimes à déclarer avoir déposé des fonds dans les différentes agences bancaires de Khalifa Bank, car ils avaient estimé que les taux d’intérêts étaient plus intéressants que ceux des banques publiques. Le premier témoin qui a été auditionné par le président du tribunal était l’ex-premier responsable du Centre d’étude des réalisations urbanistiques (w.de Sétif), Tarkaoui Hamid. Il a affirmé « avoir déposé pas moins de 180 millions de dinars à Khalifa Bank et n’a pu en récupérer que 100 millions ; les 80 autres millions n’ont à ce jour pas été récupérés ».

Le deuxième témoin Belkhiri Ali, l’ex-président-directeur général de l’Entreprise nationale des systèmes informatiques, a indiqué qu’il a procédé aux dépôts de sommes faramineuses à Khalifa Bank, estimées à plus de 100 millions de dinars. Il a par ailleurs affirmé que lorsqu’il a appris que la banque était en difficulté, il s’est rapproché des responsables de la banque Khalifa, sollicitant la récupération de l’argent déposé, mais en vain.

20 millions de DA déposés mais 500 000 récupérés

De son côté, Abou Chekkane Said, l’ancien président de la mutuelle des employés d’Algérie Poste a déclaré qu’il a déposé environ 20 millions dinars et qu’il n’a pu récupérer que 500 000 dinars du liquidateur de la caisse principale de Khalifa Bank, Moncef Badsi.

Le quatrième témoin Hammouche Abdelkrim, l’ancien patron de l’Entreprise nationale de l’imprimerie de la presse a avoué avoir déposé 20 millions de dinars au sein de la caisse principale Khalifa Bank et d’avoir récupéré 3 millions de dinars via le liquidateur.

Il n’a pas manqué de préciser au juge que l’entreprise qu’il représentait a perdu le montant restant c’est-à-dire 17 millions de dinars. Il convient de signaler que plusieurs entreprises étatiques ont affirmé au président du tribunal avoir déposé des sommes colossales au sein de Khalifa Bank sans pouvoir les récupérer, notamment 200 millions de centimes de la mutuelle générale des travailleurs des finances, 297 milliards de centimes de la mutuelle des travailleurs de l’industrie et du pétrole, 7 millions de centimes de la mutuelle des contrôles techniques.

Les responsables des différentes OPGI ont déclaré avoir subi d’énormes préjudices matériels suite à la non récupération des sommes déposées dans les différentes agences appartenant à Khalifa, premier responsable du scandale financier ayant secoué l’Algérie. Ils ont estimé que les montants non remboursés par Khalifa Bank dépassaient les 500 milliards de centimes.

Pour rappel, les membres de la commission bancaire appelés à témoigner dans le procès Khalifa se sont expliqués mardi dernier devant le tribunal criminel de Blida sur « l’irréversibilité » du retrait de l’agrément à Khalifa Bank, indiquant que la décision a été prise pour manque de liquidités en mai 2003.

Le magistrat de la Cour des comptes, délégué au sein de la commission bancaire, Namouss Amar, a déclaré devant le tribunal que « la désignation d’un administrateur visait à s’enquérir d’abord de la situation réelle et redresser la banque ensuite », mais le constat était que les fonds faisaient défaut pour payer les clients.

Les actionnaires appelés à la rescousse

Selon ce témoin, le gouverneur de la Banque d’Algérie avait demandé aux actionnaires le soutien financier mais l’argent était indisponible, précisant que même la Banque d’Algérie « ne pouvait pas refinancer Khalifa Bank, du fait de l’absence d’effet (garanties) à quoi s’ajoutent les nombreuses infractions à la loi sur la monnaie et le crédit relevées par les différents rapports de la commission bancaire ». »

Le retrait de l’agrément était irréversible », a-t-il dit. Benziada Brahim, inspecteur au ministère des Finances et membre de la commission, a rappelé pour sa part que le retrait de l’agrément a été fait en présence de Guellimi Amar et d’Abdelaziz Ahmed Lakhdar Khelifa, actionnaires dans Khalifa Bank.

Les membres de la commission ont affirmé, par ailleurs, qu’ils ne s’étaient rendus compte que les autres entités, notamment Khalifa Airways et Khalifa construction, étaient des filiales du groupe qu’après sa mise sous administration, mettant en évidence l’absence d’ »assises juridiques à la notion de groupe », pensant qu’il s’agissait plutôt de « prises de participation de moins de 50% comme le stipule la loi », a encore expliqué M. Namouss. L’expert-comptable désigné par le juge d’instruction, Hamid Foufa, a déclaré avoir procédé à deux expertises, la première au niveau de la caisse principale et la seconde au niveau des agences d’Oran, El-Harrach,

Les Abattoirs, Didouche-Mourad et Koléa. Selon lui, dans sa première mission le 6 décembre 2003, au niveau de la caisse principale, il avait à confirmer ou infirmer 11 écritures bancaires entre sièges, qui étaient faites « dans le but d’équilibrer un stock physique et le stock comptable » et dont la structure récipiendiaire les a rejetées car venues d’une manière irrégulière. Il expliquera que ce sont des « prélèvements effectués par Abdelmoumène Khelifa par les fameux bouts de papiers ».

Lors de la seconde mission au niveau des agences le 12 mars 2005, M. Foufa, qui a précisé qu’environ 300 opérations bancaires illégales avaient été effectuées, a déclaré qu’il s’agissait de faux en écritures entre la caisse principale et les agences précitées, ajoutant que ces faux en écritures bancaires inexistantes ont causé un gouffre de 3,2 milliards de dinars pour la caisse principale et plus d’un milliard de dinars pour les cinq agences.

M. Foufa a précisé, en réponse à une question du procureur général Mohamed Zerg Erras, que la responsabilité de ces opérations bancaires incombe au président-directeur général du groupe, Rafik Abdelmoumène Khelifa, et à tous ceux qui avaient un lien avec la comptabilité dans le groupe Khalifa.

L’expert en question a par ailleurs évalué le préjudice matériel causé à la caisse principale de Khalifa Bank, estimé à plus de 1 092 167 451,17 dinars répartis pour 510 197 399,00 DA à l’agence des Abattoirs d’Hussein Dey, 74 069 840,37 DA à l’agence d’Oran, 485 113 483,40 DA à l’agence d’El Harrach ; l’agence de Koléa a subi un préjudice matériel estimé à 14 000 000,00 de dinars, celle de Blida 1 776 728,40 DA et enfin un trou financier de pas moins de 10 000 000,00 de dinars à la caisse principale de Chéraga.

Il est à rappeler que le magistrat en charge du dossier poursuivra aujourd’hui les auditions de tous les directeurs généraux des OPGI implantées à travers le territoire national. Nous y reviendrons lors de notre édition de samedi prochain avec de plus amples détails concernant les dépositions faites par les ministres absents à l’audience au cours de l’instruction judiciaire.