Farid Bedjaoui, principal complice de Chakib Khelil dans les affaires de corruption avec la compagnie italienne Saipem, a porté plainte hier contre le juge italien en charge du dossier, l’accusant de déformation de faits liés à l’enquête. Cette action désespérée a été décidée par le fait que le juge a réussi à localiser une bonne partie de l’argent sale au niveau de banques libanaises et s’apprête à la saisir.
La découverte par le magistrat italien de la «cache» libanaise a fait réagir Bedjaoui et ses complices. Pour empêcher le juge Fabio De Pasquale de saisir les fonds amassés dans les banques libanaises, les avocats de Farid Bedjaoui ont décidé de porter plainte contre lui. Le complice de Chakib Khelil dont les comptes bancaires ont été gelés la semaine dernière a déposé une plainte contre le procureur italien chargé de l’enquête sur la Sonatrach, en invoquant des irrégularités dans les procédures.
Mais, des sources italiennes maintiennent que la justice libanaise est prête à coopérer pleinement dans cette affaire qui a ébranlé aussi bien les Algériens que les Italiens. Cette coopération s’est traduite par l’acceptation par la partie libanaise de l’exécution de la commission rogatoire internationale. Le juge De Pasquale est attendu à Beyrouth à partir de lundi prochain pour la poursuite de son enquête auprès des banques libanaises qui ont accepté, déjà, de procéder au gel des comptes associés à Farid Bedjaoui. Auparavant, le procureur italien a transmis à la justice libanaise un courrier pour lui demander de fournir des documents concernant les comptes bancaires de Bedjaoui au Liban.
La réponse des autorités judiciaires libanaises a permis au juge Fabio De Pasquale la localisation de grosses sommes qui ont transité par plusieurs pays pour y atterrir. Cette situation a provoqué un vent de panique chez Chakib Khelil et son complice Farid Bedjaoui. Hier, l’avocat de ce dernier a fait une déclaration au quotidien libanais Daily Star, dans laquelle il prétendait que la lettre du juge italien contenait des informations erronées sur son client. Il tentait par là même de comparer cette situation à des enquêtes précédentes, menées par De Pasquale contre l’ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi.
L’avocat de Bedjaoui tente d’influencer la justice libanaise en déclarant que les autorités judiciaires aux États-Unis, à Hong Kong et en Irlande ont toutes refusé de remettre les documents à De Pasquale pour les besoins de son enquête sur des accusations de fraude contre Berlusconi, estimant que sa demande d’entraide judiciaire a été affaiblie par de fausses déclarations, les omissions et les incohérences. L’avocat de Farid Bedjaoui précise au journal que De Pasquale fait actuellement une tentative similaire dans le Liban en déposant une demande contenant des fausses déclarations sur la base de l’intention malveillante qui est la raison de notre action en justice.
«Nous avons demandé au procureur de la République de ne pas agir sur la lettre de commission rogatoire transmise par le procureur De Pasquale.» Mais, tous les observateurs sont sceptiques quant aux allégations de Bedjaoui et son cabinet d’avocats. En 2013, la justice libanaise avait levé le secret bancaire pour permettre une enquête sur les comptes de Bedjaoui au Liban, et il y a deux semaines seulement, l’autorité judiciaire libanaise a gelé ses avoirs. Bedjaoui conteste également la décision de la Banque centrale libanaise qui a ordonné le gel de ses avoirs. Car, il appréhende une saisie pure et simple des sommes englouties dans ces comptes.
Chakib Khelil prépare ses bagages
Outre cette mauvaise nouvelle, Chakib Khelil est inquiet des échos qui lui parviennent d’Italie. En effet, le gouvernement de Mateo Renzi a décidé d’exclure, des instances dirigeantes des entreprises publiques ou en participation, tout administrateur inculpé de délit financier. Première victime de cette décision, Paolo Scaroni, le complice de Chakib Khelil dans les affaires Sonatrach-Saipem.
Cette décision est synonyme d’une volonté politique d’en finir avec cette affaire de Sonatrach-Saipem qui a pollué le climat des affaires en Italie. Pourchassé par une enquête sur KBR aux Etats-Unis, Chakib Khelil est certain que si Scaroni tombe, il sera inquiété partout dans le monde. Surtout par les Américains. Toutes ces raisons ont incité des personnes, ayant encore de l’influence, à entreprendre des démarches auprès de l’homme fort des Emirats, Mohamed Al Shaibani, le chef de cabinet de l’émir et le gestionnaire de plusieurs fonds souverains.
Al Shaibani est prié de garantir, à Chakib Khelil, une vie paisible à Dubaï comme il l’a fait pour Farid Bedjaoui. Cette homme a, en effet, usé de tout son poids pour que la justice émiratie ne coopère pas pleinement avec le juge italien qui devient un véritable cauchemar pour les personnes impliquées dans les affaires de la Sonatrach. De Pasquale est certain et il ne le cache plus, qu’une bonne partie de l’argent de la corruption a été placée par Chakib Khelil et Farid Bedjaoui dans des actions anonymes aux Emirats, après l’avoir transférée du principal compte de Hong Kong.
Al Shaibani et son Emirat doit beaucoup à certaines personnes en Algérie, qui lui ont facilité l’accès à d’énormes investissements évalués à plus de 30 milliards de dollars dans notamment l’industrie (l’usine de Philip Morris qu’il a revendue récemment), le tourisme (projet Emiral de Sidi Fredj et Dounya Park de Ouled Fayet), la finance (banque Essalam), les services (les ports d’Alger et de Djendjen) et surtout le pétrole (la compagnie espagnole Cepsa, devenue à 100% émiratie). Le gouvernement des Emirats arabes unis, qui a bénéficié de toutes ces largesses en Algérie, est appelé à consentir des efforts pour protéger Chakib Khelil de son gourou italien, Fabio De Pasquale.
Mokhtar Benzaki