Une période relativement longue devrait s’écouler avant la programmation des procès des anciens ministres et oligarques incarcérés depuis un moment suite à l’offensive anti-corruption déclenchée au lendemain de la chute du régime Bouteflika.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Selon les informations obtenues auprès de plusieurs avocats des concernés, les dossiers en question se trouvent en effet toujours au stade de l’instruction et leur étude devrait prendre encore un certain temps puisque la quasi-majorité de ces affaires n’a pas encore été examinée sur le fond.
L’avocat de Djamel Ould Abbès s’en inquiétait d’ailleurs hier. «Le 7 octobre prochain, indique Me Ksentini, cela fera trois mois que mon client a été placé sous mandat de dépôt, mais l’étude du dossier de fond n’a toujours pas été programmée. Mon client commence à s’impatienter car nous avons des preuves à fournir. Ce sont des éléments que nous n’avons pas pu présenter au juge qui a prononcé son incarcération car la convocation portait sur une autre affaire».
Me Ksentini poursuit : «J’ignore la raison de ce retard. Je pense que le juge a énormément de dossiers à examiner, mais je pense qu’il faut qu’il prenne en considération la situation des détenus âgés qui se trouvent en prison et attendent de fournir les preuves qu’ils détiennent.»
Il en est de même pour l’affaire des frères Kouninef incarcérés en avril dernier. L’instruction du dossier se poursuit toujours affirmait leur avocat. «Nous ne savons pas quand l’étude du dossier de fond sera programmée. Nous attendons qu’on nous le fasse savoir», dit-il. Au nombre de trois, ces frères ont été placés sous mandat de dépôt le même jour que l’homme d’affaires Issad Rebrab. Les développements de ces dossiers demeurent tous inconnus du grand public. Comme les Kouninef, Rebrab a cependant été déféré trois fois de suite devant le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed depuis son incarcération.
On en sait par contre davantage sur le cas de Ouyahia. Incarcéré le 12 juin dernier, l’ancien Premier ministre est actuellement poursuivi dans pas moins de huit dossiers liés à la corruption et à l’octroi d’indus avantages concédés aux oligarques. Son affaire est l’une des plus lourdes à laquelle a affaire actuellement la justice. «Ses affaires, affirment des avocats, sont souvent imbriquées les unes dans les autres. Le juge l’a inculpé sur la base de preuves existantes, mais le processus qui doit mener à ses premiers procès est lent. Pour les besoins de l’enquête, il a été emmené à plusieurs reprises au tribunal où il a passé de très longues heures durant lesquelles ont eu lieu des séances de confrontations avec de hauts fonctionnaires qui ont témoigné à sa décharge, mais aussi d’autres détenus, parmi lesquels des hommes d’affaires détenus et dont les dossiers lui ont valu d’autres mises sous mandat de dépôt.» Tous ces éléments, explique-t-on encore, «prennent du temps».
L’on apprend, d’autre part, que l’étude du dossier de fond de l’ancien Premier ministre n’a également pas eu lieu, et ne semble pas être programmé pour l’instant. La procédure en question se déroule durant l’étape de l’instruction du dossier.
Me Mecheri explique : «Elle se déroule à la demande du client et c’est son avocat qui s’exprime en son nom et qui saisit le juge d’instruction afin que celui-ci examine des pièces de la défense pouvant plaider en faveur de la personne détenue». Selon les informations en notre possession, cette demande n’a pas encore été introduite par plusieurs anciens ministres actuellement détenus à la prison d’El-Harrach, mais aussi par d’anciens cadres. Elle a été en revanche déposée par des hommes d’affaires incarcérés et désireux d’apporter des preuves de «la logique de leur démarche dans le contexte où elle s’est déroulée». Les explications fournies par plusieurs avocats laissent aussi comprendre que plusieurs dossiers de ces anciens ministres sont aussi liés avec les affaires qui concernent certains hauts responsables ou figures symbolisant le régime de Abdelaziz Bouteflika, telles que celle de Abdelhamid Melzi, ancien responsable de Club-des-Pins, ou celles concernant les P-dg de banques nationales emprisonnés.
L’étude du dossier de Abdelmalek Sellal est tout aussi «soumise à une lenteur naturelle, nous dit-on, en raison de la nature des charges pour lesquelles il est poursuivi, à savoir corruption, mais aussi financement occulte de la campagne présidentielle, pour le cinquième mandat. Sur ces derniers points l’enquête se poursuit, elle est minutieuse et implique plusieurs nouveaux acteurs, ce qui fait que le dossier est à chaque fois alimenté, il est loin d’être clos…».
Pas de procès de corruption en vue pour le moment. «Celui du fils Ould Abbès, Mehdi, (détenu pour corruption et vente de places à la députation durant les législatives de 2017) dépend de l’évolution de l’étude de son dossier auquel s’est vu ajouter de nouveaux éléments récemment (affaire Tliba), pour l’instant il n’y a rien de nouveau», précise son avocat. On apprend d’autre part que le procès du fils de Abdelmadjid Tebboune ne pourra être programmé dans les jours à venir, comme on pouvait le pressentir, «car le ministère public a introduit un pourvoi en cassation il y a peu de temps. L’affaire prendra donc plus de temps que prévu», indique enfin son avocat Me Miloud Brahimi.
Pour beaucoup, il faudra attendre la fin du mois d’octobre pour «avoir un plus large aperçu de la situation en ce qui concerne toutes les affaires de corruption en attente».
A. C.