Milina Kouaci
Un collectif d’avocats et de militants pour la défense des droits humains s’est réuni, hier à Alger, pour décider de la création d’une «cellule de vigilance». Cette structure, que ses initiateurs inscrivent dans la «permanence», sera chargée de recenser tous les cas d’atteinte aux libertés d’expression et d’opinion. Elle aura pour mission de dresser la liste des personnes arrêtées et mises à la disposition de la justice pour des délits d’opinion.
A l’origine de l’initiative, des avocats chargés de défendre des manifestants placés en détention préventive pour avoir brandi l’emblème amazigh lors des dernières grandes manifestations publiques, ainsi que les trois ligues de défense des droits de l’Homme, représentées respectivement par les avocats Hocine Zehouane, Noureddine Benissad et Salah Dabouz. Avec eux, on signale la participation du «comité algérien des jeunes avocats» et du collectif des « avocats sans frontières ».
La création de la « cellule de vigilance » est motivée, selon ses initiateurs, par la multiplication des cas d’atteinte aux libertés et de mise sous mandat de dépôt de manifestants dont le seul tort est d’avoir arboré l’emblème amazigh ou d’avoir exprimé une opinion à contre-courant des thèses du pouvoir en place. «Le recul inquiétant auquel on assiste actuellement en matière de libertés individuelles et collectives nous incite à réagir et à dénoncer la dégradation constatée», a déclaré à Reporters Maître Salah Abderrahmane, membre du collectif de défense de l’ancien maquisard Lakhdar Bouregaâ et figure impliquée dans le débat actuel sur les libertés dans le pays.
L’initiative de mettre en place la « cellule de vigilance » intervient à la veille d’une journée test pour la justice, celle d’aujourd’hui 10 juillet, durant laquelle seront examinés les appels de mise en liberté de Lakhdar Bouregaâ et des personnes en détention préventive après avoir été arrêtées pour port de l’emblème amazigh. Elle intervient également après l’annonce, par l’avocat Salah Dabouz, qu’il allait recourir à la grève de la faim pour dénoncer le sort qui lui est imposé par son placement, depuis avril dernier, sous contrôle judiciaire et l’obligation qui lui est faite de se déplacer deux fois par semaine à Ghardaïa pour se présenter devant les services de police judiciaire dans le cadre de cette procédure.
«La justice qui devrait être garante des libertés humaines est devenue une source de danger pour les citoyens», a déclaré Maître Salah Abderrahmane. «On assiste à une dégradation des libertés et droits de l’Homme inquiétante, qui dépasse celle qu’on a connu lors du règne de Abdelaziz Bouteflika», a-t-il ajouté. Indiquant que l’alternative pourrait être «l’internationalisation des moyens de défense» et le recours à des soutiens et à la solidarité hors des frontières du pays. Me Salah Dabouz a, d’ailleurs, saisi le Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme pour donner plus d’impact à ses actions de dénonciation des injustices qu’il subit depuis quelques mois.