Entre exécutions sommaires et suicides, les rivalités entre syndicats continuent à endeuiller la tristement célèbre mine de Marikana, dans le nord de l’Afrique du Sud, un an après une fusillade policière qui a fait 34 morts.
Une syndicaliste a encore été abattue devant chez elle lundi matin. La victime était une responsable du Syndicat national des mineurs (NUM), l’ancienne organisation majoritaire. Son corps était toujours visible vers 14H00 (12H00 GMT), recouvert d’une couverture, quatre heures après le meurtre, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Le NUM, proche du pouvoir, est opposé à Amcu, une organisation radicale qui a organisé le mouvement de 2012, et est désormais représentative à la mine. Leur bataille prend souvent des allures de guerre des gangs.
Le 16 août 2012, la police sud-africaine avait abattu 34 mineurs devant cette mine de platine exploitée par le groupe britannique Lonmin, faisant également 78 blessés. Des affrontements avaient déjà fait 10 morts la semaine précédente.
La grève de Marikana est finie depuis octobre 2012, mais intimidations, agressions et attaques entre syndicaux rivaux y sont quasi quotidiennes. On a dénombré une vingtaine de morts depuis un an.
Mbulelo Nqapo, l’un des responsables locaux du NUM a ainsi été assassiné en juin devant son bureau, le corps criblé de onze balles.
« Je suis la prochaine cible. Ils l’ont dit: après Mbulelo, le prochain sur la liste, c’est moi », assurait récemment son supérieur, le secrétaire de section Sisa Buyeye, se souvenant des menaces à répétitions proférées contre son collègue par des grévistes ayant rejoint les rangs d’Acmu.
Climat de terreur
Le corps en décomposition, pieds et poings liés, d’un membre d’Amcu a également été retrouvé en juin près d’une mine du groupe Xstrata, dans la province voisine du Limpopo.
Dans ce climat de terreur, nombre de syndicalistes ont pris la fuite, ceux qui sont restés sur place refusant de révéler leur identité ou de donner des preuves des agressions subies afin de préserver leur sécurité.
Ce qui explique en partie les difficultés de la commission d’enquête, mise en place par le président Jacob Zuma pour faire la lumière sur le drame d’août: après des mois de travaux, elle est encore loin de pouvoir rendre ses conclusions. Des parties se sont retirées faute d’argent, et les témoins clés disparaissent les uns après les autres.
Daluvuyo Bongo, un permanent du NUM, a notamment été abattu quelques jours après avoir participé à une reconstitution de la tuerie conduite par le président de la commission d’enquête, le juge Ian Farlam.
Mawethu Steve, membre d’Amcu et important témoin de l’enquête, a lui été assassiné dans un bar près de Marikana en mai, avant même d’avoir pu être entendu.
Et cette violence ne se limite pas au milieu syndical.
Le sangoma (guérisseur traditionnel) Alton Joja, qui avait envoûté les mineurs afin de les protéger contre les balles des policiers, a également été retrouvé mort chez lui dans la région du Cap oriental (sud), à plusieurs milliers de kilomètres de Marikana.
« Les meurtres, qu’ils soient provoqués par l’enquête de Farlam ou les rivalités syndicales, ne cesseront pas tant que le NUM n’acceptera pas sa perte d’influence ou ne parviendra pas à reprendre le dessus sur ses rivaux », affirme David van Wyk, chercheur à la Bench Marks Foundation, une organisation religieuse qui a tenté une médiation pendant les grèves de 2012.
Un autre phénomène vient encore davantage endeuiller la région: la multiplication des suicides. L’AFP en a compté sept. Deux témoins convoqués par la commission et deux survivants déboussolés de la tuerie du 16 août ont notamment mis fin à leurs jours.
Amcu, insignifiant il y a encore un an, est devenu majoritaire dans la région minière où se situe Marikana. Il revendique maintenant 120.000 adhérents au niveau national, contre 270.000 au NUM.
Dans les états-majors des syndicats ou de l’ANC – le parti au pouvoir, allié du NUM – les discours restent guerriers.
« Des membres de l’ANC nous ont traités de cafards, disant que nous devions être éradiqués. (…) Je suis sûr que tout le monde se souvient de ce qui c’est passé au Rwanda, où des gens ont été appelés cafards et serpents. Un million de gens sont morts », a encore mis en garde vendredi le président d’Amcu Joseph Mathunjwa, selon la presse sud-africaine.