Afrique : et voilà la pagaille !

Afrique : et voilà la pagaille !

Vendredi 14 mai 2010, l’Ethiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie ont signé à Entebbe un accord sur l’utilisation de l’eau du Nil. Cela fait une dizaine d’années que cet accord est en négociation mais sans résultat.

L’Egypte et le Soudann’ont eu de cesse des’y opposer avec fer- meté. Le nouvel accord risque de plonger l’Afrique dans une sombre période de guerres.

Le désastre annoncé depuis longtemps, depuis même très longtemps, est aux portes du continent. Explications. Le Nil traverse dix pays (l’Egypte, le Soudan, l’Erythrée, l’Ouganda, l’Ethiopie, le Kenya, la République Démocratique du Congo, le Burundi, le Rwanda et la Tanzanie), où vivent plus de 300 millions de personnes et pour la majorité d’entre elles l’eau du Nil représente une source vitale.

Cela fait longtemps que certains de ces pays expriment l’espoir de pouvoir puiser dans ce fleuve leurs besoins aussi bien pour l’irrigation que pour l’industrie, sauf que l’Egypte et le Soudan s’y opposent. En effet, un accord négocié entre l’Egypte et les Britanniques en 1929 donnait à l’Egypte le droit de disposer de 90% des eaux du Nil et au Soudan celui de disposer des 10% restants.

Ce même accord a été entériné en 1959 entre les deux bénéficiaires (Egypte et Soudan) et, du coup, ces deux pays n’autorisent aucun pays à puiser en amont du fleuve. Les huit autres pays, considérant injuste ce partage, ont essayé de renégocier les termes d’utilisation de l’eau du fleuve mais, à chaque fois, ce sont ou les Egyptiens ou les Soudanais ou les deux qui manifestent leur désapprobation.

Le refus de reconsidérer la répartition de l’eau et la fuite en avant dont ont fait preuve les deux pays arabes n’était pas sans poser problème aux autres pays membres du bassin du Nil, et il était clair qu’un jour viendra où le problème sera posé avec acuité, urgence et fermeté. Les hommes politiques le savent. Ils le savaient. Le problème crucial auquel feront face dans un prochain avenir l’Afrique et le MoyenOrient sera le problème de l’eau.

Déjà en 1979, le président égyptien Anouar elSadate avait exprimé clairement sa crainte en affirmant que « le seul mobile qui pourrait conduire l’Egypte à entrer de nouveau en guerre est l’eau ». Il n’y a pas à douter que lorsqu’on a pris l’habitude de pomper en maître absolu des lieux une eau divine, on est prêt à faire la guerre à qui veut y mettre la main, surtout que cela risque d’avoir des conséquences sur l’Egypte qui, sans cette eau, ne serait qu’un désert. De leur part, les autres pays riverains du Nil ne comprennent pas comment il peut être admis qu’au moment où l’eau traverse leur pays, ils n’ont aucun moyen de l’utiliser. En fait, ce qui oppose l’Egypte et le Soudan, d’une part, et les autres pays, d’autre part, c’est une confusion entre les notions de justice et d’équité.

Oui, la justice veut que les pays en amont n’empêchent pas les derniers pays (Egypte et Soudan) de boire et d’utiliser l’eau du fleuve ; l’équité veut de son côté à ce que chacun puise selon ses besoins. De là à prétendre que seul un ou deux pays ont le droit à l’eau est tout simplement un non-sens. Au nom de quoi seraitce donc tel pays ou tel autre qui aurait l’exclusivité sur tel fleuve ? Les hommes se ressemblent et leurs droits ne sont pas différents selon la couleur de leur peau ou l’endroit où ils vivent. Nous avons tous droit à l’eau et ce n’est pas une concession accordée par les Britanniques, qui n’ont aucun droit de l’accorder, qui y changera quelque chose.

Ce n’est pas le cadeau des Anglais qui ôtera le droit aux hommes et femmes du Burundi, du Kenya, de l’Erythrée, de l’Uganda, de l’Ethiopie ou de tout autre pays de boire, et si les Anglais veulent accorder des faveurs, que ce soit sur la Tamise et pas sur le Nil. Le refus d’entendre raison risque de causer des guerres et il nous a été donné de lire dans des déclarations officielles de tel ou tel pays qu’il fera la guerre s’il le faut pour défendre son droit. Défendre son droit à l’eau, oui, mais au détriment du droit des autres, cela devient de l’égoïsme pur et dur.

Le problème de l’eau qui vient d’être posé cette semaine risque d’avoir des conséquences très graves sur le continent. Il est urgent d’y faire face en faisant prévaloir la raison, la justice et l’équité. Quant à l’accord signé par les Anglais, cela ne doit plus valoir grand-chose. En principe !

Par Aïssa Hirèche