Rares sont les témoignages sur l’enfance d’un chef terroriste des plus barbares dans l’histoire du Mouvement islamiste armé en Algérie. Toutefois, nous avons pu, pour la première fois, avoir des révélations sur l’enfance de l’actuel «émir» national d’Al Qaïda au Maghreb, en l’occurrence Abdelmalek Droukdel. Un témoignage dévoilé par une jeune femme, âgée aujourd’hui de 41 ans.
Cette dernière était dans la même classe que Droukdel qui avait fait ses études primaires à l’école «Madjine Ibrahim», sise dans le quartier «Zayane», près de Meftah. Zayane, ce quartier a connu les affres de la décennie noire. Mieux, cette femme était également la voisine de Droukdel, et pour cela, nous avons préféré ne pas révéler son nom pour éviter des représailles.
Samedi 11 février 2011, date à laquelle nous avons rencontré l’ex-camarade de classe de Droukdel. Une date symbolique dans la mesure où il y a seize ans, jour pour jour, un kamikaze à bord d’un véhicule «bourré» de centaines de TNT s’est fait exploser devant le siège de la «Maison de presse», sise à Belouizdad, à l’époque on l’appelait «Belcourt». Le jeune conducteur est lui aussi natif du quartier Zayane, là où Droukdel est né, a fait ses études et c’est là également, que ce chef sanguinaire avait rejoint les rangs des terroristes et tué plusieurs de ses voisins. «On avait partagé la même classe à l’école primaire ‘’Madjine Ibrahim’’», explique l’ex-camarade de classe de Droukdel. Cette femme est âgée, présentement, de 41 ans. Cette dernière habite dans le même quartier que Droukdel, en l’occurrence Zayane, une localité située à 30 km de la commune de Meftah. «Il était brillant, sage et très doué, surtout dans les matières les plus en vue, telles que les maths, les sciences, et les sciences de la religion», ajoute la jeune femme. Timide, Abdelmalek Droukdel est devenu, au fils des années, un homme un peu renfermé, d’ailleurs, il fréquentait beaucoup la mosquée de la localité. Ici, Droukdel va rejoindre les rangs des terroristes. Il a même participé à plusieurs assassinats de ses voisins, des jeunes appelés qui avaient pris la décision d’accomplir leur service national. «Je me souviens très bien, un jour Droukdel est venu au quartier, il faisait noir ce jour-là. Il était accompagné de plusieurs dizaines d’autres terroristes. Alors, ils ont commencé à appeler par leurs noms, les voisins, pour qu’ils sortent, afin de les égorger. Le motif : certains parce qu’ils ont fait leur service national, d’autres sont soupçonnés d’avoir collaboré avec les services de sécurité, alors que pour les jeunes filles, le motif était plutôt de n’avoir pas porté le hijab», disait la jeune femme. Cette femme de Zayane garde toujours les séquelles de la période noire. Pis, elle a assisté à plusieurs scènes d’égorgements de ses voisins, notamment ses voisines. «Je me souviens d’une scène qui restera à jamais gravée dans ma mémoire, celle de ma voisine, une jeune fille de 22 ans, elle s’est jetée du balcon de la demeure familiale, car les terroristes voulaient la prendre avec eux pour que leur «émir» la viole. La malheureuse en est morte», confie-t-elle avec quelques larmes qu’elle verse encore aujourd’hui.
Comment un enfant sage et doué devient un chef sanguinaire ?
«C’était un très bon élève à l’école primaire ‘’Madjine Ibrahim’’, d’ailleurs, il était très doué et apprécié par ses camarades de classe, d’autant qu’il était réputé pour cela», n’a cessé de le répéter cette femme.
«Durant la décennie noire, nous avons vécu des moments de choc. Chaque jour, les terroristes, des voisins à nous, se présentaient dans notre quartier et sillonnaient les rues avec leurs armes automatiques. Un jour, ils se sont introduits dans la mosquée du quartier. Ils ont utilisé le haut-parleur de cette mosquée et ont appelé les habitants à rejoindre leur cause». «Tous au Djihad», avaient scandé les terroristes. «Cette nuit, je me souviens très bien, ils ont coupé l’électricité, alors nous avons rapidement caché les enfants dans les armoires afin de les épargner de la mort par égorgement», nous explique cette jeune femme. Cette dernière ajoute aussi : «Les terroristes nous les connaissons un à un, car ce sont des voisins. Ils habitent dans notre quartier et Droukdel était parmi eux. Je vais encore parler de cette jeune fille de 22 ans qui s’est jetée du balcon pour fuir les terroristes, car ils voulaient l’emmener au maquis, dans le cadre de «Zawaj El Moutaâ». Puis, une autre jeune fille de mon quartier a été égorgée par les terroristes, car selon eux, elle refusait de porter le voile. Il y avait aussi de jeunes voisins ayant passé leur service national, ils ont été emmenés de force et ont été égorgés devant nos yeux. C’était terrible pour nous».
Les égorgeurs d’hier cohabitent aujourd’hui avec leurs victimes
Dans le quartier «Zayane», ici, beaucoup d’anciens maquisards du GIA et de l’AIS se sont rendus aux forces de sécurité, après avoir vécu des années aux maquis. Aujourd’hui, ils habitent côte à côte avec leurs anciens voisins, voire leurs victimes. Des familles ont vu leurs enfants égorgés, enlevés, tués et massacrés par leurs voisins, en l’occurrence les ex-terroristes. Les séquelles de la décennie noire sont toujours intactes, présentes dans les cœurs et les sentiments des habitants de «Zayane» ou appelé couramment par les Algériens «Tel-Aviv». Ici, c’est l’armée qui assure toujours la sécurité de cette petite localité paisible, aujourd’hui. Ici, les barricades font toujours le décor de la localité, avec un fort détachement des parachutistes, mis en place par l’ANP.
Droukdel, la durée d’un chef terroriste
Plusieurs condamnations à mort ont été prononcées contre lui par les différents tribunaux du pays et son nom revient dans chaque attentat terroriste attribué au GSPC. Désigné à la tête du GSPC en juillet 2004 lors d’un congrès «national», Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mossaâb Abdelwadoud, est désormais le chef terroriste ayant occupé le plus longtemps le poste d’«émir» dans le mouvement islamiste armé en Algérie. Plusieurs condamnations à mort ont été prononcées contre lui par les différents tribunaux du pays et son nom revient dans chaque attentat terroriste attribué au GSPC. Plusieurs «émirs» s’étaient succédé à ce même poste, mais ont été tous soit abattus, soit capturés ou se sont rendus aux services de sécurité.
On parle ici de deux importantes organisations terroristes qui ont depuis longtemps vécu en Algérie, les GIA et GSPC. Les plus chanceux avaient pu tenir entre 1 et 3 ans à la tête d’un groupe terroriste. Seul, Hassan Hattab, ex-«émir» du GSPC (1998-2003) était resté à la tête du GSPC durant 4 ans. Les autres, Antar Zouabri, Abdelkader Layada, Gousmi Cherif, Omar Chikhi, Hassan Hattab, Nabil Sahraoui et Dichou, n’ont pas pu tenir longtemps par rapport à Abdelmalek Droukdel. Ce dernier est fortement entouré et protégé par ses acolytes. Cette sphère très résistante et ce noyau dur du GSPC ont permis à Abou Mossaâb de tenir longtemps depuis qu’il est «émir» de cette organisation criminelle (sept ans déjà). Traqué par les forces de sécurité depuis sept ans, Abou Mossaâb Abdelwadoud a pu échapper à chaque fois à une mort certaine.
Aujourd’hui, il est l’homme le plus recherché dans le pays. Bien que les opérations antiterroristes ont donné leurs fruits sur le terrain, surtout avec l’élimination il y a trois ans du n°2 du GSPC, en l’occurrence Sofiane Fassila, et la mise hors d’état de nuire de dizaines de chefs de katibates et de centaines de terroristes, aujourd’hui la tête du GSPC n’est toujours pas tombée. En effet, les services de sécurité et avec tout le travail réalisé dans le cadre de la lutte contre les criminels n’ont pas pu éliminer le n°1 de cette organisation criminelle. C’est vrai que le travail des renseignements a porté ses fruits, et il est vrai également que les activités des terroristes ont sensiblement baissé, mais la menace, elle, existe toujours, d’autant plus que Droudkel est toujours en vie, et c’est ce qui donnera plus de volonté aux terroristes dans les maquis. Dichou, premier «émir» du GSPC abattu quelques minutes après sa désignation. Avant Droudkel, un certain Dichou, alias «Abou Mossaâb» avait été désigné en 1998 «émir» national du GSPC. Amari Saïfi, alias «Abderrazak Al Para», avait été désigné «émir» de la zone de l’Est (aujourd’hui entre les mains des services de sécurité). Nabil Sahraoui a été évincé de l’«émirat» et avait été désigné responsable des relations extérieures (abattu par les forces de l’ordre en 2004).
A la fin de ce «congrès», ces terroristes étaient encerclés par des unités de l’ANP qui ont réussi à éliminer Dichou, «émir» national de cette nouvelle organisation terroriste. Il a été remplacé par Hassan Hattab (aujourd’hui détenu dans un endroit secret). Cet ex-fondateur du GSPC, en l’occurrence Hassan Hattab, sera évincé à son tour par Abdelmalek Droukdel en juillet 2004. Mais avant cela, Hassan Hattab avait créé son propre groupe, composé de 300 à 800 personnes au maximum, essentiellement dans l’Est du pays, mais il est aussi présent dans le Centre et le Sud. Il se démarque du GIA en élargissant la lutte au domaine international : France, Mauritanie. Il ne ciblait alors que les militaires, gendarmes et policiers. Le groupe fut aussi soupçonné d’avoir préparé un attentat contre la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg et le marché de Noël en décembre 2000. En juillet 2003, Nabil Sahraoui, (Ibrahim Mustapha) remplace Hassan Hattab à la tête du groupe, avant d’être abattu par l’armée algérienne à Bejaïa en juillet 2004. Il est remplacé par Abdelmalek Droukdel, qui émet une fatwa contre Hattab qui lancerait de faux communiqués avec le sceau du GSPC (9 février 2004). Durant la même année, le GSPC avait proféré des menaces contre les étrangers résidant en Algérie. Cette année-là, Abderrazak Al Para est arrêté dans le Tibesti par les rebelles tchadiens du MDJT, puis après une rançon remise par la Libye, il est extradé vers l’Algérie.
Par Sofiane Abi