L’histoire de la jeune étudiante ougandaise qui a filmé une tentative de viol à la cité pour fille à Oran ne semble pas avoir livré tous ses dessous.
Dans une déclaration à Algérie360, Célestine Alianat, la jeune étudiante, en Algérie depuis 2017, est d’abord revenue sur l’agression qui s’est déroulée au mois de juillet pour ensuite nous raconter les événements qui ont suivi la publication de la vidéo sur son compte Instagram.
Pour rappel, la jeune étudiante étrangère résidant dans une cité universitaire pour filles dans la ville d’Oran a publié sur sa page Instagram une vidéo où l’on peut entendre des cris de détresse provenir de la chambre d’à côté, dans laquelle se trouvait un homme (F.M) en train d’agresser une autre étudiante algérienne qui avait dû rester à la cité les jours de l’Aïd El Adha. L’agresseur a été reconnu par les internautes qui ne cessent de relayer la vidéo depuis, exhortant la police nationale à l’arrêter.
Tenant à éclaircir les zones d’ombres de cette soirée traumatisante, et à livrer la version des faits de la victime, nous avons contacté la jeune étudiante. Visiblement encore sous le choc, Celestine Alianat, étudiante à la Faculté des Sciences de la Nature et de la Vie à Oran a accepté à nous raconter sa mésaventure ainsi que celle de sa voisine de chambre.
Ce qui s’est vraiment passé cette nuit-là
Le lundi 21 juin, vers 3 h du matin, elle déclare avoir pris peur après avoir entendu un homme frapper à toutes les portes des étudiantes. Quelques instants plus tard, elle a entendu les cris de sa voisine de chambre qui semblait souffrir le martyre. Surmontant sa propre peur d’être agressée la jeune fille décide d’intervenir et interpelle l’agresseur qui finit par prendre peur et s’enfuir.
La victime qui souhaite rester anonyme, a expliqué à Célestine que l’agresseur s’était engouffré dans sa chambre et a brandi un couteau. Ce dernier, dont les intentions sont très claires, lui aurait intimé de se taire au risque de perdre la vie. Si ce n’était pas pour l’acte héroïque de la jeune ougandaise venue à la rescousse de la victime.
Les jours suivants, après moult aller-retour et plaintes à l’administration de leur université hésitante à leur venir en aide, les deux étudiantes ont réussi à obtenir l’interpellation des trois agents de sécurité présents cette nuit-là ainsi que l’interpellation de l’agresseur par la police. La plaignante soutenue par Célestine présente à titre de témoin, s’est rendue au poste de police afin de poursuivre les procédures de plainte.
La jeune fille raconte « le jeudi 22 juillet, nous sommes allés voir la police et ce jour-là, nous avons écrit des déclarations et l’homme a été arrêté. Le samedi 24 juillet, les hommes de la sécurité ont été arrêtés et la police a fouillé la chambre de l’homme dans la cité. Dans sa chambre, ils ont trouvé 3 couteaux, dont celui qui a été utilisé cette nuit-là pour agresser l’étudiante ».
Célestine Alianat explique que lors de l’instruction le prédateur (F.M) aurait donné plusieurs versions différentes et farfelues de ce qui se serait passé cette nuit-là. La nuit de l’agression, il avait prétendu connaître la victime, surenchérissant qu’elle l’avait appelé pour l’inviter, pour ensuite au tribunal se contredire : « il a déclaré qu’il n’avait jamais prétendu que l’étudiante l’avait appelé alors que je l’ai enregistré en train de dire le contraire, prétextant qu’il avait seulement déclaré avoir obtenu son numéro plus tôt dans la journée, puis, il a de nouveau changé sa version des évènements assurant qu’il était venu apporter de la nourriture à cette dernière ». Sachant que « la seule chose qu’il avait apportée avec lui était un couteau » a commenté ironiquement la jeune étudiante.
D’après Célestine Alianat, les agents de sécurité ont justifié leur inaction en expliquant à la police que ledit agresseur est connu dans le campus. Ce dernier prétend avoir des connexions dans l’université et les aurait intimidés à plusieurs reprises en les menaçant « de solliciter ses connaissances » s’ils n’obtempéraient pas.
À l’issue de cette instruction qui a eu lieu au niveau de daïra de Bir El Djir située dans la wilaya d’Oran et après qu’une enquête soit menée sur cette affaire par les services de la police judiciaire de la Sûreté de cette même daïra, la jeune femme raconte que le juge a déclaré que son crime relevait des lois pénales et a estimé que (F.M) encoure jusqu’à dix ans de prison et plus pour ses crimes.
Entre « victim shaming » et propos racistes
Après avoir publié cette vidéo qui a fait beaucoup de bruit, Célestine a reçu beaucoup de message de soutiens et de réponses positives pour être venue tirer la jeune Algérienne d’un viol certain.
Néanmoins, les deux jeunes filles ont été les cibles d’accusation infondées et fausses de certains internautes. En effet, nombreux sont ceux qui ont émis l’hypothèse selon laquelle la jeune fille aurait invité l’agresseur à entrer dans sa chambre, utilisant comme excuse la tenue de la jeune fille qu’ils ont jugé indécente. Accusation, que l’étudiante dément farouchement déclarant « comment voulez-vous qu’une jeune femme soit habillée à 3 h du matin ? Elle était au lit, elle n’allait pas mettre son Hijab pour aller se coucher ! » s’est emporté le témoin de l’agression.
Alianat a tenu à dénoncer ce « victim shaming ». En effet, en psychologie sociale, c’est un procédé qui consiste à blâmer la victime et à la tenir pour responsable de ce qu’elle a subi. Ce phénomène est loin d’être nouveau en Algérie. Rappelons l’histoire de Chaïma, âgée de 19 ans, qui a été violée avant d’être brûlée vive par son agresseur, le vendredi 2 octobre 2020 dans une station-service abandonnée de Thenia, une commune située dans la banlieue d’Alger.
La mère de la victime affirmait que le meurtrier de sa fille avait déjà tenté de la violer lorsqu’elle avait 15 ans, en 2016. La famille de la jeune fille avait porté plainte, mais l’enquête avait été classée sans suite. À sa mort de nombreux détracteurs ont justifié cet acte ignoble en prétendant que la jeune fille entretenait une relation avec son meurtrier et ont réduit ce féminicide à un crime passionnel.
Pour revenir à notre affaire, l’étudiante originaire de l’Ouganda nous a confié avoir été la cible de messages haineux et racistes de la part de détracteurs algériens : « on m’a traité de singe, on a insulté la couleur de ma peau, certains m’ont même dit de retourner dans mon pays d’origine si je n’étais pas contente de l’insécurité qui règne dans ma cité universitaire » ajoutant « qui aurait cru que mon désir d’aider m’aurait valu de recevoir des insultes racistes tellement dégradantes, et ce, dans un pays africain ! »
La jeune femme a également tenu à ajouter que contrairement aux étudiants algériens qui peuvent rentrer chez eux en période de fêtes ou pendant les vacances, les étudiants étrangers sont loin de pouvoir s’offrir ce luxe : « nous autres étudiantes étrangères, la cité est unique notre maison en Algérie et la sécurité de notre maison est compromise, comment voulez-vous qu’on puisse vivre et étudier dans de telles conditions ? ».
La jeune fille a tout de même tenu à ajouter que la police algérienne s’est montrée réactive dans cette affaire a expliqué que cette agression filmée a permis le renforcement de la sécurité dans sa cité.
Célestine Alianat, très active sur son compte Instagram (@cellybellyjelly) a conclu cet entretien en assurant qu’aujourd’hui, son désir le plus cher est « d’élever les consciences, et d’aider les personnes victimes d’agression sexuelle à se dépêtrer de ce voile de honte dans lequel ils sont drapés, homme ou femmes, et qui sont stigmatisés par une société qui peine à les voir en victime ». De plus la jeune fille dotée d’un sourire éclatant que les derniers événements n’ont pu ternir se dit « positive » et espère que son intervention permettra de changer les choses.