Agriculteurs, comptables, patrons : Des corporations qui subissent les lois

Agriculteurs, comptables, patrons : Des corporations qui subissent les lois

C’est sans consultation préalable et sans étude d’impact que des lois sont adoptées.

Agriculteurs, comptables, patrons et travailleurs se plaignent de ne pas être consultés lorsqu’il s’agit de légiférer ou d’adopter des règlements dont les retombées seront subies par les gens du métier. Le dernier à avoir tiré une salve contre cet état de fait a été le secrétaire général de l‘Union nationale des paysans algériens, Mohamed Alioui.

Il se plaignait du fait que les agriculteurs ne soient pas associés au projet de loi régissant la gestion des terres agricoles. Il s’oppose même à certaines dispositions comme celles relatives à la réduction de la durée de jouissance qui était de 99 ans et qui va être réduite de plus de moitié. On ignore encore si ces pressions auront raison du projet. En tout cas, il n’est pas rare que le gouvernement fasse passer ses projets en force. Le dernier exemple en date est fourni par la manière avec laquelle le projet de loi sur l’exercice de la profession de commissaire aux comptes a été géré.

Les protestations du Conseil de l’ordre fustigeant la volonté de mise sous tutelle du ministère des Finances de la profession, n’ont pas été d’un grand secours pour Mohamed Lamine Hamdi, président dudit conseil.

Lui aussi ne cache pas que le dialogue n’a pas été la première volonté du ministre en charge du dossier. La seule consolation à laquelle il doit se satisfaire est de savoir que ce procédé n’est pas nouveau. L’été dernier, le ministre des Finances avait dit qu’il ne voulait pas s’embourber dans des négociations avec le patronat avant de proposer des mesures restrictives dans la loi de finances complémentaire 2009. Depuis, rien n’a changé. Même pas l’argument donné à l’époque par le ministre selon lequel les diverses corporations ont un chapelet de revendications et que les débats risquent de s’éterniser s’ils sont ouverts. On pourrait croire que cette tendance est nouvelle ou qu’elle ne touche que le domaine législatif, mais c’est loin d’être le cas.

D’abord, le procédé est ancien. Même au début des années 2000, de nombreuses voix s’étaient élevées pour protester contre le monopole de prise de décision. On l’avait bien vu à propos de la signature de l’Accord d’association avec l’Union européenne. Ensuite, les contraintes générées par cette manière de faire sont toujours supportées par des catégories socioprofessionnelles diverses.

C’est le cas pour les agriculteurs, les comptables et les patrons. Enfin, il arrive que le gouvernement se rallie, même subliminalement, aux arguments des adversaires d’hier.

C’est ce que permettent de conclure les récentes déclarations selon lesquelles cet accord devrait être révisé pour tenir compte des intérêts de l’économie nationale, soit ce qui était dit exactement depuis plus de cinq ans. Mais il n’y a pas que le gouvernement qui rechigne à regrouper les acteurs de la société civile pour discuter de ses projets. Même d’autres entités suivent le même schéma.

C’est ce qui a été vécu depuis quelques mois avec la grève des travailleurs de la Snvi ayant reproché au secrétaire général de l’Ugta de ne pas avoir été consultés avant de signer des documents d’entente avec le gouvernement. Le partage des opinions et l’échange de points de vue ne semblent donc pas être le fort de la société. Mais il faut toujours que quelqu’un commence par donner l’exemple. Et il est préférable que cela vienne des tenants des mécanismes décisionnels. Que les décisions se prennent en dehors des acteurs de la société, cela aurait pu être expliqué même sans avoir à être compris, mais il arrive que même les instances élues ne soient là que pour entériner des décisions prises par d’autres institutions. C’est ce qui était dénoncé en son temps par un président de l’APN. Cette dernière est non seulement tenue à l’écart lorsqu’il s’agit de préparer des projets de loi, mais elle n’est même pas capable d’inscrire ses propositions à son propre ordre du jour. Ce qui oblige la proposition sur la criminalisation du colonialisme de passer à la trappe.

C’est une question à débattre sérieusement lors de la campagne pour les prochaines législatives.

Ahmed MESBAH