Agroalimentaire : Agropôles, implication des acteurs locaux et nécessité d’un benchmarking maghrébin

Agroalimentaire : Agropôles, implication des acteurs locaux et nécessité d’un benchmarking maghrébin

Le World Trade Center Algiers et l’Ecole nationale supérieure agronomique (ENSA) ont organisé, hier, la première édition du Colloque sur l’agro-industrie avec pour thématique retenue l’«Appui au développement des entreprises et des chaînes de valeur agricoles et agroalimentaires ». Une journée durant laquelle différents experts ainsi que des acteurs du secteur agricole et agroalimentaire ont pu échanger au sujet de la construction de pôles territoriaux.

Ce rendez-vous intervient une semaine après que le ministère de l’Industrie ait lancé un pôle de compétitivité agroalimentaire à Blida qui englobe la région de la Mitidja. Pour que des projets de pôle de compétitivité tels que celui-ci réussissent, il faut de « bonnes pratiques» pendant et après le lancement d’un tel projet, parmi lesquelles s’appuyer sur les acteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire locaux. « Parmi les principales causes d‘échec d’un projet de pôle, la non-implication des acteurs concernés.

Il est porté, à tort, par des approches souvent top down », explique Hamid Bencharif, conseiller en agroalimentaire au WTCA, expliquant qu’il faudrait commencer par des initiatives locales, en ayant l’accord des acteurs locaux avant de lancer le projet. « En Europe, quand le pôle de compétitivité est spontané, ça réussit, quand c’est initié à travers une intervention étatique, ça échoue », indique l’intervenant, avec à l’appui de nombreux échecs dans les trois pays du Maghreb et une forte mortalité des projets dès que le financement s’arrête. La problématique de la coordination des acteurs dans le territoire est aussi au cœur de la régulation des filières agroalimentaires. Plusieurs dispositifs et mécanismes existent, visant à la mise en relation entre trois types d’acteurs, entreprises, universités et institutions publiques.

« Il faut instaurer une fertilisation croisée entre entreprises et établissements de recherche et d’enseignement. Et établir un appui institutionnel notamment à travers les PPP (partenariats public-privé) entre institutions publiques et entreprises », préconise Hamid Bencharif. Selon les experts présents, après le lancement d’un pôle de compétitivité, la montée en puissance de la structure doit être progressive pour permettre son succès. Et ce, grâce à l’apprentissage du travail collaboratif et à une appropriation des bonnes pratiques, tout en renforçant la confiance et les relations entre les acteurs. « L’évaluation des premières actions améliore et adapte progressivement les contenus et les méthodes pédagogiques », insiste le consultant en agroalimentaire.

Il s’agit également d’apprendre au sein de la structure, mais aussi à travers les expériences des pays voisins à travers le benchmarking, qui permet d’apprécier ce qui se fait ailleurs et d’adopter les bonnes pratiques. Un benchmarking maghrébin et non avec l’Europe qui est à une autre phase économique. «Les Européens avaient la préoccupation de productivité dans les années 1930. Maintenant, le slogan de leurs entreprises, c’est innover ou mourir », indique encore M. Bencharif, appelant à ce que les pôles de compétitivité aient d’abord un objectif de productivité et n’avoir l’innovation comme préoccupation « que quand c’est nécessaire ».

Malgré les rares succès de pôles de compétitivité agroalimentaires, l’Algérie a été pionnier au niveau nord-africain en termes de réflexion et d’initiatives. « Nous avons commencé à parler de pôles de compétitivité il y a 30 ans. On a de l’expérience, mais on ne valorise pas l’existant, on a tendance à repartir de zéro », regrette celui qui est également professeur associé au Centre international de hautes études agronomiques méditerranéennes de Montpellier.

Un pôle agroalimentaire doit voir la contribution de plusieurs acteurs. Cela appelle également à décloisonner les champs d’intervention pour faire du pôle de compétitivité le fruit d’un travail multisectoriel. D’autre part, les acteurs d’un projet de pôle doivent avoir une approche modulable : «On peut commencer puis adapter le projet selon les premières évaluations. Une mission au cours de laquelle les opérateurs économiques sont au coeur de la dynamique », estime, pour sa part, Ali Daoudi, chef de département économie à l’ENSA.

But du pôle de compétitivité : réunir les deux tendances mondiales du secteur agroalimentaire, celle qui tend vers la mondialisation, mais aussi celle qui s’appuie sur la territorialisation. « La compétitivité à l’international est une construction qui se fait au niveau territorial », assure Ali Daoudi, citant le cas de la multinationale Nestlé pour qui travaillent 600 000 agriculteurs à travers le monde, en plus d’autres acteurs de la filière lait. « La confiance entre acteurs se construit notamment à travers les premiers résultats positifs qui engendrent des résultats de plus grande ampleur qui permettent de s’étendre », conclut le responsable au sein de l’ENSA.