Une démission qui laisse perplexe
Battant, encaisseur et connu pour son endurance, Ahmed Ouyahia n’est pas un homme politique du genre à abandonner l’arène aussi facilement.
La missive annonçant la démission de Ahmed Ouyahia de la tête du RND, le parti qu’il a «drivé» d’une main de fer pendant treize ans, a eu l’effet d’un coup de tonnerre suivi d’un éclair dans le ciel brouillé de la scène politique nationale. Elle a au moins le mérite de permettre aux observateurs d’échafauder des scenarii car le véritable film de M.Ouyahia ne fait que commencer. On est loin du clap final. La première hypothèse très plausible au yeux de nombreux observateurs est que M.Ouyahia fera un retour triomphal à la tête du parti. Explication. Les membres de la direction du RND, qui contestent le leadership de secrétaire général du parti et qui réclament son départ sont loin de constituer la majorité au sein du Conseil national du RND. Lors du dernier congrès du parti, M.Ouyahia a fait un véritable «nettoyage» et a pris le soin de désigner des hommes qui lui sont acquis. Il bénéficie de ce fait d’une grande majorité au sein de cette instance. Comme le stipulent les statuts du RND, le Conseil national est l’instance dirigeante suprême du Rassemblement entre deux congrès et, en cette qualité, il est responsable devant le congrès. Il n’est pas exclu donc que le Conseil national qui se réunira le 15 janvier prochain, n’entérine pas la démission du secrétaire général. Dans ce cas, ce sera le retour triomphal de M.Ouyahia et par là même, ce sera la fin radicale de l’opposition au sein du parti. Battant et connu pour son endurance, Ahmed Ouyahia n’est pas un homme politique du genre à abandonner l’arène aussi facilement. Sans un terrible K.O., il ne jettera jamais l’éponge. Est-il concevable en effet, qu’un homme qui a résisté seul face à l’adversité abandonne la partie avec une pareille facilité? Est-il admissible qu’une personnalité de cette trempe à laquelle on prête un destin national, cède face à un mouvement sans souffle guidé par Yahia Guidoum, même si ce dernier est connu pour ses relais puissants? Elevé et grandi dans l’antre du système algérien, rompu aux dribbles des coulisses, Ahmed Ouyahia est un produit fini du régime. Il appartient à cette race d’hommes politiques insubmersibles. Même s’il affirme mordicus que sa démission n’est pas liée à un agenda personnel. «Ma démission n’est pas au service d’un agenda personnel.» Si l’hypothèse de son retour avec la bénédiction du Conseil national se concrétise, le rouleau compresseur va broyer tout sur son passage et la voie sera libre pour qu’il aille à la rencontre de son destin: la présidentielle de 2014. Faut-il alors le croire quand il affirme que cette démission n’obéit pas à un agenda personnel? Il ne faut surtout pas perdre de vue que Ahmed Ouyahia n’a pas quitté le RND suite à un quelconque échec ou une débâcle politique. Bien au contraire, il vient de réussir une performance électorale retentissante. Il a raflé la mise au niveau du Sénat en damant le pion à son rival le FLN et il a réalisé un très bon score lors des dernières élections communales en se classant juste derrière le FLN. Certes, l’ex- Premier ministre faisait face depuis quelques mois à un mouvement de redressement au sein de son parti, mais le nombre et la composante sont loin d’avoir l’étoffe de l’opposition à laquelle fait face Abdelaziz Belkhadem, du FLN, depuis quatre ans. La deuxième hypothèse qu’avancent les observateurs est que le Conseil national accepte sa démission. Là encore, même avec cette éventualité, le débat sur l’identité du candidat pour la présidentielle de 2014 sera relancé de plus belle. La troisième et dernière hypothèse est que M.Ouyahia serait désigné à la tête du Sénat. Les observateurs développant cette idée en veulent pour preuve que cette démission intervient au lendemain du renouvellement de la composante du Sénat et à la veille de la nomination du tiers présidentiel. Mais c’est l’hypothèse la moins probable car Ahmed Ouyahia à la tête du Sénat signifie un suicide politique qui n’arrange ni lui ni le système.