Aïn Temouchent: Moulay Méliani Ali, le guerrier des djebels s’en est allé

Aïn Temouchent: Moulay Méliani Ali, le guerrier des djebels s’en est allé

Par Saïd Mouas.

Aïn Temouchent: Moulay Méliani Ali, le guerrier des djebels s’en est allé
Il avait bouclé ses 80 ans au mois d’avril passé. Un authentique moudjahid qui a traversé la guerre de libération nationale au pas de charge. Des monts des Berkèches jusqu’à Béchar en passant par le djebel Ouancharis, il a survécu à toutes les batailles. Ses compagnons d’armes se souviennent de ce fauve aux yeux bleus étincelants, le doigt toujours appuyé sur la gâchette, prêt à bondir sur ces «mécréants de Français». On craignait autant son franc-parler que sa force au combat parce qu’il était constamment le premier à se porter volontaire dans les moments difficiles. «Si Abdelaâli», le nom de guerre de Moulay Méliani Ali, n’était pas bonhomme à discuter. Mitraillette au poing il enjambait les cours d’eau, grimpait les talus boisés, se terrait la nuit pour fuir les projecteurs des miradors, mordait un quignon de pain rassis afin de résister au froid et à la faim et n’hésitait pas à porter secours à un camarade blessé sous les balles traçantes de l’ennemi. Il avait à peine 16 ans quand, en 1954, son frère aîné Hadj Kouider, l’homme au cheval blanc, père de Baghdadi et de Sid Ahmed, le mit en contact avec les chefs locaux de la Révolution. Le jeune garçon ne tarda pas à donner les preuves de son engagement en exécutant plusieurs missions sous l’œil bienveillant de Hadj Kouider, figure respectée du douar Benchaïb dans la localité de Remchi relevant de la circonscription de Tlemcen. Ali Moulay Méliani grandit dans un milieu familial pieux tout dévoué à la cause de la Révolution. Oncles, frères et cousins se mobilisent pour faire avancer la lutte et le clan des Moulay Méliani est vite ciblé par la soldatesque française qui assassinera plusieurs de ses membres dont Djillali, un enfant de 10 ans. Les trois fermes de la famille sont bombardées et presque entièrement détruites. Ali perdra son frère cadet Tayeb sur le trajet menant au maquis dans un accrochage près du douar Ejlaïla dans lequel périra également Ahmed Chaloufaki venu escorter la recrue. Le commandement de l’A.L.N. désigne alors Boulahref Ahmed dit ‘’Si Amar » et Kermat Nacer alias «Si Abdelmoumen» ancien capitaine déserteur de l’armée française pour prendre en charge la formation du jeune Ali qui sera ensuite encadré par Ikhlef dit ‘’ Si Kabil » de Béni Saf. Il fera montre d’une exceptionnelle volonté d’intégrer les unités de combat et vivra son véritable baptême du feu du côté du village de oued Berkèche fortement surveillé par l’occupant. En mai 1956, il participe avec les «frères» à l’attaque des fermes appartenant aux colons. Une opération qui a visé une soixantaine d’haciendas dont le retentissement fut considérable, créant une grande psychose au sein l’establishment colonial. Suite à ces incendies en série les moudjahidine de la zone 2 et 3 subiront une intense pression. Le clan des Moulay Méliani fera les frais de ces mesures de représailles et même El Hadja Khadidja, l’épouse de Kouider le frère de Ali, est emprisonnée et torturée. Le baroudeur de Benchaïb est signalé aux alentours de Bou Zedjar où il participe à la bataille de Ghoualem laquelle s’est soldée par la mise hors de combat de près de 600 militaires français dont un colonel. «Si Abdelaâli» disparaît et rejoint avec sa section la région de Mascara pour participer, cette fois-ci, à la bataille de «Ménouar» puis à celle de «Kerboussa» dans la zone de Relizane. L’étau se resserre autour de lui lors de la bataille de ‘’Ramka » livrée aux forces d’occupation dans le Djebel de l’Ouancharis. Il arrive à s’en sortir et s’enfonce vers le sud oranais du côté de Béchar pour faire jonction avec les troupes de l’A.L.N. qui se préparent à la bataille de ‘’El Ardja ». L’accrochage s’achève par la perte de 22 djounoud tandis que 45 autres sont capturés. Ali Moulay Méliani, sérieusement blessé à la tête et au ventre, est évacué dans un état critique vers un hôpital de l’A.L.N. situé en territoire marocain. Les médecins parviennent à le sauver. Il était écrit quelque part que ce courageux combattant, maintes fois épargné par la mort sur les champs de bataille, se séparera du monde dans un lit entouré des siens à Chaabat El Leham dans la wilaya d’Aïn Temouchent. Il a droit à toute notre reconnaissance pour l’œuvre accomplie.

A chaque fois que je le croisais et connaissant ma passion pour l’histoire, il prenait un certain plaisir à raconter des anecdotes sur son parcours extraordinaire, toujours avec ce regard enflammé, pétillant de souvenirs. Et si jamais quelqu’un se hasardait, au cours des séminaires auxquels il était convié à dire des ‘’bobards » ou à travestir les évènements, Ali ne prenait pas de gants pour le remettre à sa place. Un tempérament trempé dans le feu. Le feu de la Révolution.