Alger : Bechdjarah s’embrase après la mort de 2 jeunes

Alger : Bechdjarah s’embrase après la mort de 2 jeunes

Aux environs de 14h, juste après la prière du vendredi, des dizaines de jeunes se sont rassemblés à quelques mètres du commissariat de Bachdjarah, juste au niveau de la station de bus.

Plus les minutes défilaient, plus la place “grouillait” de monde, surtout d’adolescents, venus en courant et certains parmi eux avaient déjà le “matériel” : des blocs de pierre.

Si quelques-uns s’étaient assis par terre, d’autres commençaient à lancer des cris de “Allah Akbar” et surtout “el-kissasse el-kissasse” (une sorte de loi du talion en arabe mais ne concernant que les homicides et blessures volontaires).

En face d’eux un imposant dispositif de police s’était fortement déployé avec une remarque de taille, il n’y avait aucune trace des forces antiémeutes (l’un des policiers nous dira qu’ils s’étaient dirigés tous à Alger-Centre).

Bloquant la route, les manifestants ne savaient plus quoi faire. Si certains continuaient à crier, d’autres essayaient tant bien que mal de les calmer en les empêchant de “marcher” sur le cordon sécuritaire qu’il y avait en face.

Commence alors un long “défilé” de négociateurs. Des officiers de police s’étaient approchés des jeunes et essayaient de les calmer.

Aux “ramenez-nous ce policier qui a tué nos frères, on veut le juger nous-mêmes”, les représentants de la DGSN avaient tout le mal du monde à les tempérer.

L’un d’eux (connu pour être un… ex-international handballeur) essayait malgré tout de rappeler aux jeunes que “personne ne peut être condamné sans être jugé, donc, attendons la sentence de la justice”.

Si quelques-uns paraissaient “aptes” à écouter leurs interlocuteurs, d’autres continuaient à s’agiter.

L’un de ces derniers, tout en narguant les officiers, lança : “Ramenez-nous le procureur pour qu’il nous donne la preuve que ce policier assassin va être jugé sinon ouallah, on ne va pas bouger d’ici”.

Un jeune, à ses côtés, encore plus excité que les autres, cria : “De quelle justice vous nous parlez ! On ne fait plus confiance. Nous avons déjà vu ce qu’elle fait des assassins”.

Il reprend son souffle et crie encore plus fort : “L’année dernière, on a tué une femme enceinte, et l’assassin a été rapidement libéré ; tout le monde sait qu’il est à Kouba à vaquer tranquillement à ses occupations”.

Au même instant, des jeunes étaient en train de saccager un arrêt de bus, malgré la présence de citoyens paniqués.

C’est au moment où la tension atteint son paroxysme que des membres des familles des deux jeunes assassinés sont entrés “en scène”.

Un par un, frères et oncles, se présentaient devant les manifestants pour leur demander, carrément les supplier, de rentrer chez eux.

“C’est le fils de mon frère qui a été tué et je vous demande Allah yarham waldikoum (au nom de vos parents) de quitter les lieux.

On ne veut pas avoir votre mort sur la conscience et on ne veut pas qu’on dise de nous qu’on a incité les gens à manifester”, dira un homme, d’une cinquantaine d’années.

Au milieu d’un autre groupe de jeunes, un autre s’est présenté en tant que frère d’une des victimes.

“On va voir ce qu’ils vont faire avec l’assassin. On ne veut pas que les choses dérapent. Ana âryane et âkale (je suis un voyou et un gentil) et si justice n’est pas rendue, ils vont voir de quoi on est capable”.

Il était 15h, petit à petit, et devant l’insistance des familles, les manifestants commencèrent à se disperser dans un calme total, mais tous se donnaient déjà rendezvous : “Netlakawe yawme (rendez -vous le jour) du jugement.”

SALIM KOUDIL