Algérie – Biyouna : « Dansez, chantez, n’ayez pas peur, la vie est belle ! »

Algérie – Biyouna : « Dansez, chantez, n’ayez pas peur, la vie est belle ! »

Elle sera bientôt la mère d’Omar Sy au cinéma, dans le dernier film de Rachid Bouchareb. Et elle s’en amuse visiblement. Mais entre-temps, Biyouna donne un nouveau spectacle au Palais des glaces, Mon cabaret. Un spectacle hybride, entre one-woman-show et saynètes écrites. L’occasion pour elle d’évoquer, avec finesse et humour, son parcours, l’Algérie, Alger, la religion aussi. Rencontre avec le Point Afrique d’une icône algérienne au rire franc et au franc-parler.

Le Point Afrique : Quels messages souhaitez-vous faire passer à travers ce spectacle ?

Biyouna : J’y parle avec le cœur. Ce spectacle n’est pas seulement une écriture. C’est pour cela que Cyril Cohen, le scénariste, m’a aidée à le mettre en forme. Il écrit et moi, je lui raconte. Il le fait avec le bon vocabulaire français, et moi avec mes souvenirs et mon franc-parler. Certains sujets me tiennent à cœur, surtout l’islam. Voilà pourquoi je parle de cela. Et puis, j’ai vécu avec des femmes qui faisaient la prière, qui mettaient le foulard, mais quand j’étais jeune, c’était normal. Mais le voile, je le dis et le répète, est sacré. On ne le met pas avec la peur. Mais avec le cœur. Le voile n’est pas un cache-cœur.

Vous avez tenu vous-même un cabaret ?

Oui, mais très peu de temps. C’était en 2001 à Alger. Même durant la décennie noire, il y avait des cabarets à Alger. Je n’ai pas eu peur. J’ai dépassé la peur… et c’est cela qui me fait peur. Certes, j’ai été menacée, mais je ne vais pas pleurer sur mon sort. Tout le monde a été menacé.

Jouerez-vous ce spectacle en Algérie ?

Justement, on est en train de préparer une tournée là-bas, Alger, Oran, Annaba, la Kabylie. Mieux, nous voudrions faire une tournée dans le Grand Maghreb, la Tunisie et le Maroc inclus. Et j’aurais le droit de dire ce que je veux. Même les histoires un peu scabreuses. On me les réclame, j’entends des familles qui m’interpellent. Ils adorent l’interdit (rires). Tous les publics sont merveilleux, il y a un mélange : juifs d’Algérie, berbères, arabes… J’entends les salles, les sens. Je réponds quand on me parle. Je sens surtout l’amour, je sens que je les déstresse. Les youyous ne me gênent pas, même les flashes me font plaisir. J’interdis qu’on les interdise.

Pour beaucoup d’Algériens, vous êtes une figure familière, vous le voyez ?

Pour eux, je ne suis pas une actrice ou une comédienne. Je suis leur chose. Je suis à eux. Je le sais. C’est douloureux parfois. Tu n’as pas vu comme j’ai maigri (rires). Mais c’est une belle douleur. Les gens dansent à la fin, ils sortent leur stress et j’en suis heureuse : « Dansez, chantez, n’ayez pas peur, la vie est belle. »

Comment êtes-vous arrivée, vous une femme algérienne, au spectacle, à la comédie ?

Je suis issue d’une famille d’artistes. Ma sœur était Faïza el Djazaïria, une soprano qui chantait comme Fairuz du Liban. Mon oncle était Cheick Mahmoud, un grand chanteur populaire de chaâbi et d’arabo-andalouse. Moi, j’ai commencé par la danse, donc comme un vilain canard. Déjà, ma sœur chanteuse ne passait pas, mais moi, c’était pire, j’étais la rebelle. Je suis rentrée dans la comédie par effraction. J’ai cassé la porte. J’avais 16 ans et je suis allée comme visiteuse, voir un tournage. Il y avait aussi un casting en même temps. Les filles défilaient devant le réalisateur pour jouer un rôle. J’ai alors dit au régisseur, « mais il est facile ce rôle, pourquoi il se casse la tête comme cela ». J’ai une voix qui porte et le réalisateur s’est énervé et m’a dit : « Toi, là, montre-nous ce que tu sais faire. » Il m’a dit cela devant tout le monde, une centaine de personnes, avec toute l’équipe technique. Je ne l’ai pas supporté. Je me suis alors levée et lui ai dit : « Je vous interdis de me parler comme cela. » Il a alors dit : « C’est elle. »

Vous n’avez décidément peur de rien…

Ce n’est pas que je n’ai peur de rien ; on a quand même une peur. Mais je suis comme ça. Et puis advienne que pourra. Comme je le dis dans mon spectacle, on dit « Mektoub » et tout passe. On ne va pas chez le psy. Même si on meurt, on dit « Mektoub » et c’est tout.

Dans ce spectacle, vous dites que la France et l’Algérie sont comme un couple de divorcés…

On a fait la guerre avec la France, mais il faut tourner la page. On s’entend bien, mais on sait qu’il y a un problème. Seulement, on ne sait pas lequel. La France a besoin de l’Algérie et l’Algérie a besoin de la France. Mieux, si le Grand Maghreb s’unissait, ce serait formidable. Il y a un grand mariage entre l’Algérie et la France. Mais il y a beaucoup d’enfants. L’Algérie et la France ne se quitteront jamais, que ces pays le veuillent ou pas. C’est à la fois un mariage d’amour et de raison.

Mon cabaret, du mardi au samedi à 21 heures, au Palais des glaces, Paris 10e.