(Beyrouth) – Le 9 août dernier, une cour d’appel d’Alger a confirmé une peine de deux ans de prison prononcée contre un journaliste ayant diffusé sur Facebook une vidéo accompagnée d’un poème jugé offensant à l’égard du président algérien, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Mohamed Tamalt est en prison depuis son arrestation le 27 juin dernier, et selon des sources médiatiques serait dans un état de santé grave lié à une grève de la faim prolongée.
« La liberté d’expression ne sera jamais garantie en Algérie tant qu’un poème mis en ligne sur Facebook risque de valoir deux ans de prison », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « L’incarcération de personnes accusées d’avoir insulté ou offensé des personnalités publiques est injuste et constitue une menace pour tous ceux qui souhaitent s’exprimer sur les questions d’intérêt public ».
La police a arrêté Tamalt, journaliste indépendant qui possède double nationalité, algérienne et britannique, près du domicile de ses parents à Alger. Le 28 juin, il a été présenté au tribunal de première instance de Sidi Mhamed, à Alger, où un juge d’instruction a ordonné sa détention pour « offense au Président de la République » et « diffamation envers tout corps constitué ou toute autre institution publique », en vertu desarticles 144bis et 146 du Code pénal, respectivement.
Les accusations portées contre Tamalt sont relatives à des messages diffusés sur sa page Facebook, notamment une vidéo partagée le 2 avril, dans laquelle le président Abdelaziz Bouteflika salue l’ancien président français Nicolas Sarkozy, ainsi qu’un poème contenant des versets insultant Bouteflika. La vidéo a également été téléchargée sur le journal que Tamalt tient en ligne.
Même si ces infractions ne prévoient pas de peines de prison, mais seulement des amendes, le tribunal a ordonné la détention provisoire du journaliste. Le 4 juillet, le tribunal a rejeté sa demande de libération sous caution, incitant ses avocats à quitter la salle d’audience pour protester contre ce qu’ils considéraient relever de la détention arbitraire, a déclaré à Human Rights Watch l’un de ses avocats, Noureddine Benissad. Celui-ci a déclaré que lors d’une audience en date du 11 juillet, la cour avait ajouté un chef d’accusation – outrage à l’encontre d’un fonctionnaire – pour lequel l’article 144 prévoit jusqu’à deux ans de prison. Le même jour, le tribunal a condamné Tamalt à deux ans de prison pour cette infraction, de même qu’à une amende de 200.000 dinars (1.800 dollars).
Depuis 2002, Tamalt vivait au Royaume-Uni, où il a créé un journal en ligne intitulé Assiyak Alarabi (« Contexte arabe»). Critique à l’égard des autorités algériennes, le journaliste exprimait sur son blog ses opinions politiques et diffusait informations et commentaires à caractère provocateur. Auparavant, il écrivait des articles dans le quotidien algérien Al-Khabar.
La constitution algérienne, amendée le 7 mars dernier, garantit le droit à la liberté d’expression en vertu de l’article 48. Elle stipule que la liberté des médias n’est pas restreinte par la censure préalable et que les infractions ne peuvent être sanctionnées par des peines de prison. L’article 50 stipuleégalement que le droit à la liberté d’expression ne peut être utilisé « pour attenter à la dignité, aux libertés et aux droits d’autrui ».
Les normes internationales des droits humains reconnaissent de plus en plus que les fonctionnaires doivent tolérer les déclarations jugées insultantes ou offensantes. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, composé d’experts indépendants qui formule des lignes directrices relatives à la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques – ratifié par l’Algérie en 1989 – a déclaré dans une Observation générale en date de 2011:
Le simple fait que des formes d’expression soient considérées comme insultantes pour une personnalité publique n’est pas suffisant pour justifier une condamnation pénale. […] Toutes les personnalités publiques, y compris celles qui exercent des fonctions au plus haut niveau du pouvoir politique, comme les chefs d’État et de gouvernement, sont légitimement exposées à la critique et à l’opposition politique. […] Les États parties ne doivent pas interdire la critique à l’égard d’institutions telles que l’armée ou l’administration.
« Les autorités algériennes devraient invalider la décision de justice contre Tamalt et signaler ainsi que la liberté d’expression sera respectée en Algérie », a conclu Sarah Leah Whitson.