L’historien français Benjamin Stora est revenu sur les critiques qu’a suscitées son rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », et a estimé que la question relative aux excuses de la France « est un piège politique ».
Dans un entretien accordé au journal français Le Monde, l’historien Benjamin Stora s’est exprimé au sujet du débat qu’a suscité son rapport autour de la question des excuses de la France ainsi que la reconnaissance de ses crimes coloniaux en Algérie. En effet, l’historien a estimé que cette question relatives aux excuses « est un piège politique et une formulation instrumentalisée par l’extrême droite ».
Benjamin Stora a également souligné que son rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », commandé par le Président français Emmanuel Macron, était « destiné à la société française », rajoutant qu’il est passé « vite » sur « l’analyse des mémoires algériennes et le traumatisme colonial ».
Interrogé sur la confusion et le malentendu entre « histoire et mémoire », notamment en Algérie, Benjamin Stora a expliqué qu’ « en France, il y a eu une grande production scientifique sur ces questions », notant qu’entre 1974 et 1990 il avait « travaillé sur les archives, établi des faits, écrit des livres classiques d’histoire de l’Algérie coloniale, de la guerre d’Algérie, de l’immigration ».
« Et, à un moment de mon activité universitaire, je me suis dit : « Pourquoi la mémoire des différents groupes saigne-t-elle toujours en dépit de cette masse de savoir académique ? » Il y avait un problème dans les représentations, dans les imaginaires », a-t-il encore soutenu.
Ainsi, l’historien est revenu sur son passage du travail historique au travail de mémoire, entre 1990 et 2000, citant à titre d’exemples d’autres historiens qui ont emprunté le même passage, à l’instar de « Pierre Nora, avec ses Lieux de mémoire (1984), et d’Henry Rousso, dont l’ouvrage Le Syndrome de Vichy (1987) lui a ouvert la voie ».
« Les Algériens attendent la production d’un savoir historique »
Dans la même lignée d’idées, Benjamin Stora a estimé qu’ « en Algérie, l’accumulation du savoir académique et des récits historiques reste encore problématique », rajoutant que « les Algériens attendent la production d’un savoir historique ».
« Ils veulent connaître la vérité sur cette histoire qui leur appartient en propre », a-t-il affirmé en rappelant que « les travaux de l’historien Mohammed Harbi, par exemple, n’ont été diffusés en Algérie qu’il y a une quinzaine d’années, et que sa biographie de Messali Hadj, écrite en 1978, n’a été traduite en arabe qu’en 2001″.
L’historien français a également expliqué que dans son rapport, il s’est engagé dans « un travail de restitutions des mémoires, françaises essentiellement, pour pouvoir les comprendre ».
« On se trouve là face à un autre problème : comment les Algériens peuvent-ils affronter leur histoire ? Il est difficile d’aller vers une réconciliation mémorielle quand on a le sentiment profond que l’histoire a été dissimulée ou confisquée », a-t-il encore soulevé.