Algérie – France : comment les relations se sont dégradées ?

Algérie – France : comment les relations se sont dégradées ?

La crise entre Paris et Alger est montée d’un cran durant la journée d’hier dimanche. Comme réaction aux dernières sorties du président français, l’Algérie a décidé d’interdire son espace aérien à l’aviation militaire française. Quelles sont les raisons d’un soudain regain des tensions ?

Si les démarches entreprises par les autorités françaises, en « rendant considération aux harkis ayant combattu aux côtés de la France durant la guerre d’Algérie », pourtant mal perçues par de nombreux cercles en Algérie n’ont pas eu grand impact sur les relations, les dernières déclarations de Macron ont suscité des réactions presque inédites.

Durant le cours de la semaine dernière, une autre décision des autorités françaises a suscité l’ire d’Alger. En effet, la France a décidé de réduire drastiquement la délivrance de visas pour les ressortissants algériens (de -50%), marocains (de -50%) et tunisiens (de -30%).

Pour appuyer cette décision, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a déclaré à l’adresse de ces pays maghrébins, notamment l’Algérie : « Tant que vous ne reprenez pas vos compatriotes, on n’accepte pas vos compatriotes ».

Comme première réaction, la diplomatie algérienne a convoqué l’ambassadeur de France à Alger, François Gouyette afin de lui notifier « une protestation formelle du gouvernement » après la décision de Paris de réduire de moitié les visas accordés aux Algériens souhaitant se rendre en France.

Ces « propos non démentis » à l’origine de la crise

En une semaine, les prémices d’une crise se sont clairement dessinées. Pourtant, ces deux « incidents » n’ont guère enclenché une dégradation notable des relations entre les deux pays. Il aura fallu attendre jusqu’à la fin de la semaine pour que les évènements s’accélèrent en faveur d’une crise qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

Samedi dernier, le journal français Le Monde rapporte des propos proférés par le président français lors d’une rencontre tenue deux jours plus tôt entre lui et une vingtaine de jeunes descendants de protagonistes de la Guerre d’Algérie.

Selon ce journal, Emmanuel Macron a déclaré qu’après son indépendance en 1962, l’Algérie s’est construite sur « une rente mémorielle », entretenue par « le système politico-militaire ». Mais pas que ça, puisqu’il avait également remis en cause « une histoire officielle totalement réécrite » par l’Algérie qui « ne s’appuie pas sur des vérités », mais sur « un discours qui repose sur une haine de la France ».

Toujours dans l’épineux volet historique entre les deux pays, Macron n’a pas hésité à se demander : « L’Algérie était-elle un pays avant le colonialisme français ? », puis ironisant sur la façon dont l’Algérie présente, selon lui, les Français comme « les seuls colonisateurs », oubliant la domination ottomane entre le XVIᵉ et XVIIᵉ siècles.

Macron passe des éloges aux critiques : l’impressionnant revirement

Alors que les deux chefs de l’État n’hésitaient pas à évoquer, à chaque occasion qui se présente, la stabilité des relations entre eux et entre leurs pays respectifs, Macron a décrit, dans sa dernière sortie, le président algérien Abdelmadjid Tebboune comme « pris dans un système très dur ». Un système affaibli par le Hirak, selon lui. « Vous pouvez voir que le système algérien est fatigué, il a été affaibli par le Hirak », a déclaré Macron.

Avant ce revirement, l’on se rappelle les propos du même Macron, en novembre 2020, qui faisait l’éloge de Tebboune sur les colonnes de la revue Jeune Afrique. Le chef d’État français y avait loué le « courage » de son homologue, assurant qu’il allait faire « tout son possible » pour l’aider dans la période de transition après le Hirak.

Ainsi, les réactions de l’Algérie se sont enchainées. La dernière en date remonte, en effet, à hier dimanche, lorsque l’Algérie a décidé d’interdire le survol de son territoire aux avions militaires français, ce dimanche. La veille, Alger annonçait le « rappel immédiat pour consultation » de son ambassadeur à Paris Mohamed Antar-Daoud.

Ce rappel a été justifié par « une situation particulièrement inadmissible engendrée par les propos irresponsables et non démentis » d’Emmanuel Macron. La présidence de la République algérienne a aussi publié un communiqué dans lequel elle a exprimé sa réaction officielle aux propos « non démentis de Macron ».

« À la suite des propos non démentis que plusieurs sources françaises ont attribués nommément au Président de la République française, l’Algérie exprime son rejet catégorique de l’ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures que constituent lesdits propos », peut-on lire dans le communiqué.

Évoquant le volet historique remis en cause par Macron, notamment l’existence de la Nation algérienne avant la colonisation, la présidence qualifie cela « d’appréciations superficielles, approximatives et tendancieuses énoncées en ce qui concerne l’édification de l’État national algérien ».

Des relations pourtant pas mauvaises avant ces revirements

Il convient de rappeler que les relations entre les deux pays avant ces derniers incidents vont en s’améliorant, notamment après l’ouverture du dossier de la mémoire. En juillet 2020, la France a restitué les crânes de 24 résistants algériens décapités au XIXᵉ siècle lors de révoltes dans le sud de l’Algérie contre l’occupant français.

Quelques mois avant, soit en mars de la même année, la France a reconnu, pour la première fois, que l’avocat algérien Ali Boumendjel, mort en mars 1957, a été torturé et tué par l’armée française lors de la Bataille d’Alger.

Cela sans oublier la reconnaissance par le président français durant sa campagne électorale en 2017, de la colonisation comme « crime contre l’humanité », et ce, lors d’une visite à Alger. Ainsi, tout porte à croire que les relations sont en train de virer au pire au vu des derniers développements. L’on s’attend actuellement à de nouvelles réactions officielles et claires des deux parties.